- À la Une, Actualités, Afrique, Politiques

Un décret du président sud-africain irrite Donald Trump

Le président sud-africain a promulgué, à la fin du mois de janvier, une loi permettant au gouvernement, dans certaines circonstances et par mesure d’intérêt général, de décider des expropriations.

Le président américain, Donald Trump, a accusé dimanche 2 février l’Afrique du Sud de confiscation de terres à la suite de la promulgation d’une loi d’expropriation par son homologue sud-africain, Cyril Ramaphosa, et annoncé l’arrêt de « tout financement » du pays le temps d’une enquête. Le président sud-africain a promulgué à la fin de janvier une loi permettant au gouvernement, dans certaines circonstances et par mesure d’intérêt général, de décider d’expropriations sans compensation.

La question foncière est un sujet clivant en Afrique du Sud. La majorité des terres sont détenues par la minorité blanche du pays, héritage d’une politique d’expropriation de la population noire pendant l’apartheid. Les manœuvres visant à corriger cette inégalité suscitent les critiques de conservateurs, dont le milliardaire Elon Musk, natif de ce pays d’Afrique australe et devenu très proche de Donald Trump.

Aboutir à un accord avec le propriétaire

« L’Afrique du Sud confisque des terres et traite très mal certaines catégories de personnes », a écrit Donald Trump sur son réseau, Truth Social. « Je couperai tout financement futur à destination de l’Afrique du Sud jusqu’à ce qu’une enquête complète sur cette situation soit achevée ! », a ajouté le président américain.

Pretoria soutient que le texte ne permet pas aux autorités d’effectuer des expropriations de manière arbitraire et qu’elles doivent d’abord tenter d’aboutir à un accord avec le propriétaire. Le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, a rejeté lundi les accusations de son homologue américain, Donald Trump, selon lesquelles l’Afrique du Sud « confisquerait » des terres après qu’une loi d’expropriation a été promulguée. « Le gouvernement sud-africain n’a confisqué aucune terre », a assuré M. Ramaphosa dans un communiqué après les déclarations du président américain.

« La loi sur l’expropriation récemment adoptée n’est pas un instrument de confiscation », a de nouveau assuré lundi le chef d’État sud-africain. « Il s’agit d’une procédure légale qui garantit l’accès à la terre de manière juste et équitable, conformément à la Constitution », selon lui. « Nous sommes impatients de discuter avec l’administration Trump de notre politique de réforme agraire et d’autres questions », a-t-il ajouté, en disant espérer qu’à la suite de ces échanges les deux pays auront une « meilleure compréhension commune ».

« Une conversation très simple dissipera ces malentendus, a estimé le porte-parole du président, Vincent Magwenya, sur le plateau de la chaîne Newzroom Afrika. C’est un exemple très regrettable de l’impact de la désinformation et des distorsions délibérées colportées par les partis de droite [sud-africains]. »

« La loi exige une compensation équitable »

« Il est vrai que la loi doit être modifiée », a jugé lundi John Steenhuisen, le patron du parti de centre droit Alliance démocratique (DA), critique du texte. « Toutefois, il n’est pas vrai que la loi permette à l’État de saisir des terres de manière arbitraire, et elle exige une compensation équitable pour les expropriations légitimes », a relevé le chef de la DA, opposante de longue date de l’ANC mais partenaire de l’actuelle coalition gouvernementale.

Concernant la menace de suspension de l’aide américaine, le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, a précisé qu’à l’exception de l’aide provenant du programme américain Pepfar, de lutte contre le VIH, « il n’y a pas d’autre financement important des Etats-Unis à l’Afrique du Sud ». « Les Etats-Unis restent un partenaire politique et commercial stratégique pour l’Afrique du Sud », a-t-il cependant souligné.

Nettement moins diplomatique, le poids lourd de l’ANC et ministre des ressources en minerais, Gwede Mantashe, a appelé à « ne plus fournir de minerais aux Etats-Unis ». « S’ils ne nous donnent pas d’argent, ne leur donnons pas de minerais », a-t-il lancé lundi lors du salon Mining Indaba au Cap.

Certains détracteurs du texte disent craindre une situation similaire à ce qu’a connu le Zimbabwe, pays voisin, après son indépendance : au début des années 2000, quelque 4 000 des 4 500 grands propriétaires blancs d’alors avaient été expulsés manu militari de leurs terres au profit de fermiers noirs, sur ordre du gouvernement de Robert Mugabe. Cette initiative avait pour objectif affiché de corriger les inégalités héritées de la colonisation britannique. Toutefois, ce remembrement s’est fait au profit de proches du régime et de fermiers sans équipements ni formation, ce qui a provoqué un effondrement brutal de la production. Cette réforme a plongé toute l’économie du pays dans une profonde crise.

 

 

Le Monde avec AFP