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Tribune. L’autre facette que je sais du Président Alpha Condé

Tout d’abord, il n’est pas attiré par le « bling bling » et savait être reconnaissant à l’endroit de ceux qui lui prodiguaient, sans contrepartie, des conseils d’intérêt national.

À titre d’illustration, j’avais été reçu en 2018 à Paris, peu après la signature du protocole d’accord avec le SLECG, par notre Ambassadeur – paix à son âme – qui m’avait déclaré : « Vous savez, Dr Bah, je connais le Président depuis 1965. C’est un ami fidèle, et je sais qu’il aimerait avoir quelqu’un comme vous… Qu’en pensez-vous ? »  Ma réponse spontanée fut : « S’il gouverne autrement, je serai heureux d’accepter. » C’était, pour moi, une manière polie de décliner.

À  y regarder de plus près, je suis tenté de croire que le Président Alpha Condé avait repris avec humilité le slogan « Gouverner autrement », que j’avais suggéré dans mon livre Respect des deniers publics et du citoyen (page 47), dont je lui avais offert un exemplaire dédicacé. Tout porte à croire qu’il en avait fait un livre de chevet pour concrétiser ce qui l’intéressait, parmi mes recommandations, notamment :

  • L’amélioration de l’APIP (page 40-42) ;
  • La création de la carte nationale d’identité biométrique ;
  • La création d’un identifiant unique : cet aspect-là fut concrétisé par les autorités de la transition actuelle ;
  • L’augmentation de la rémunération des magistrats (décret du 5 décembre 2019). Depuis lors, le magistrat le moins payé en Guinée perçoit 9 millions dont 4 millions en primes. Quant aux plus anciens c’est entre 10 et 25 millions de francs guinéens) ;
  • Le statut AAI (Autorité Administrative Indépendante) finalisé par les autorités de la transition (cf. loi relative aux AAI adoptée par le CNT le 13 mars 2023) ;
  • Et autres éléments (hors livre) tels que ma solution stratégique de sortie de crise avec le SLECG qui avait également permis l’augmentation des salaires de tous les enseignants guinéens (déblocage du reliquat de 40%), la proposition de lutte contre la pauvreté via mon mail du 21 décembre 2018 qui avait immédiatement conduit au décret de création de l’ANIES et la MAMRI en janvier 2019 ;
  • Cependant, la suggestion de renoncement au troisième mandat resta sans suite : par ailleurs, dès qu’il sut mon intention de briguer la magistrature suprême, il supprima discrètement la candidature indépendante. Le projet de suppression démarra dès la fin de mon entrevue à l’Ambassade de Guinée, à Paris, le 26 décembre 2019. En effet, l’annonce de ma candidature était l’ultime solution pour moi, de le convaincre que le troisième mandat était dangereux.

Le 10 novembre 2020, après l’élection, notre Ambassadeur souhaita me « rencontrer ». Mais dans les jours suivants, des ministres s’interrogèrent publiquement : « Pourquoi le Président offrirait-il des postes à ceux qui ont combattu son troisième mandat, alors que c’est nous qui avions « mouillé le maillot » pour lui ? » Face à ces déclarations, je ne pus que décliner poliment l’invitation.

Cela montre à quel point le Président Alpha Condé voulait « gouverner autrement », malgré son troisième mandat, totalement inacceptable. Mais le coup d’État en a décidé autrement.

Ibrahima Bah

Docteur en Sciences économiques, candidat à l’élection présidentielle 2025

Respect des deniers publics et du citoyen