La Guinée est à l’arrêt. L’administration publique hiberne et le secteur privé ronronne. Les grèves et convulsions sociales minent progressivement l’espoir de voir le pays connaître un vrai démarrage après Ebola. Pour entretenir notre illusion de voir les promesses se transformer en miracle, il est plus qu’urgent qu’arrive ce nouveau gouvernement.
« La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent », disait Albert Einstein. Ici, nous nous efforçons chaque jour à penser le contraire, puisque depuis une éternité, on prend toujours les mêmes et on rebelote.
Depuis décembre, le pays est à l’arrêt. Des décisions et atermoiement contribuent à prolonger notre calvaire. La remise des infrastructures et équipements aux populations de Kankan, en marge des festivités différées de la fête nationale, a donné lieu à une orgie financière malséante. Des ministres et hauts cadres de l’Etat ont rejoint la deuxième ville du pays par avion, en passant par Bamako !
Certains sont restés sur place des semaines durant, pour cause de campagne électorale. Trois semaines sans conseils des ministres, tous dispatchés à l’intérieur du pays pour claironner les acquis faméliques d’une gouvernance qui tarde à démarrer.
La suite est connue. Une crise post-électorale, en partie née du comportement antirépublicain de nombre de commis ; qui se sont donné le malin plaisir d’interférer dans le processus électoral. Ils ont rivalisé de zèle, à coup de communications allègrement arrosées dans la presse, avec pour seule visée leur maintien à la tête des entités publiques qu’ils gèrent avec prodigalité. Cette crise post-électorale n’est toujours pas résolue, et il ne faudrait pas exclure qu’elle enlise un peu plus une crise politique qui dure depuis des années en Guinée.
Aujourd’hui, le gouvernement a besoin de sang neuf. D’abord, parce que le président l’a annoncé depuis le chaudron du Palais du Peuple, le 8 mars. Et cela commence à dater. Ensuite parce que le pays est plongé dans l’immobilisme depuis cette annonce. L’administration hiberne si elle n’est paralysée, en attendant de connaître les têtes d’affiche du nouveau feuilleton national. Enfin parce que l’équipe Youla est plombée par l’amateurisme, la corruption et l’incompétence de plusieurs de ses membres. Or comme le disait Voltaire « le meilleur gouvernement est celui où il y a le moins d’hommes inutiles. »
Le long chapelet des promesses présidentielles est ce qui nous reste de constant depuis la fin de l’épidémie Ebola. La croissance annoncée sur les deux dernières années reste un maquillage qui cache mal que seul le secteur minier reçoit des investissements étrangers massifs. La consommation des ménages est quant à elle marginale, faute de mesures incitatives intelligentes et à cause des incertitudes grandissantes. Au même moment, la pression fiscale explose et les pauvres, privés de financement par les institutions de crédits, paient encore un peu plus mêmes pour les riches.
Alors, mon cher Fama, trahissez vos promesses électorales faites aux coordinations régionales, et donnez-nous en votre dernier premier ministre, une personne qui se soucie des emplois et non du maintien de son propre emploi. Qu’il sache lire, écrire et surtout parler le langage du développement qui tarde encore à atterrir chez nous. Nommez-nous un gouvernement qui n’a pas fréquenté les bancs de l’université du vol, des surfacturations et des rétro-commissions. Il nous faut des femmes et des hommes qui rassurent et promeuvent les compétences. Nommez ceux qui feront de vous un président normal, et non un super chef obligé d’être au four et moulin.
Et rappelez-vous ce conseil de Mafalda, personnage du dessinateur Quino, « le drame quand on est président, c’est que si on entreprend de résoudre les problèmes, on n’a plus le temps de gouverner ». Alors gouvernez !
Par Mohamed MARA, sur radio Espace