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Élection présidentielle au Gabon : le régime d’Ali Bongo instaure un couvre-feu et internet coupé

Depuis 48 heures le Gabon est coupé du reste du monde. Le régime d’Ali Bongo Ondimba en plus d’avoir interdit tout observateur africain et étranger pour le double scrutin tenu le 26 août, il a également décidé d’instaurer un couvre-feu et coupé l’accès à l’internet. La dynastie Bongo se barricade et interdit tout journaliste étranger de fouler le sol du pays.

Le gouvernement du Gabon a annoncé samedi soir, à la fermeture des bureaux de vote, un couvre-feu et suspendre l’accès à internet afin de « parer à la propagation d’appels à la violence ».

Ces mesures ont été rendues publiques quelques heures après qu’Albert Ondo Ossa, le principal candidat de l’opposition et plus sérieux rival du chef de l’État Ali Bongo Ondimba, qui brigue un troisième mandat, a dénoncé des « fraudes orchestrées » par le camp de M. Bongo aux élections présidentielle et législatives organisées dans la journée.

En vue d’éviter « la propagation d’appels à la violence (…) et des fausses informations », « le gouvernement a pris la décision de suspendre jusqu’à nouvel ordre l’accès à l’internet sur toute l’étendue du territoire. Un couvre-feu sur l’ensemble du territoire est décrété et sera appliqué dès ce dimanche 27 août. Il sera de vigueur tous les jours, à partir de 19H, jusqu’à 6H », a déclaré Rodrigue Mboumba Bissawou, le ministre de la Communication, à la chaîne de télévision publique.

L’accès à l’internet a été coupé en début de soirée, a constaté l’AFP. Les élections présidentielle et législatives de samedi se sont déroulées sans observateurs internationaux, africains comme européens.

En milieu d’après-midi, l’opposant, qui n’a pu voter qu’à l’ouverture de son bureau huit heures après l’heure prévue, a dénoncé des « fraudes orchestrées » par le camp Bongo, et un autre ténor de l’opposition le « chaos » dans l’organisation du scrutin.

Ces élections se déroulent en l’absence de médias étrangers, qui se sont vu refuser des accréditations ou l’entrée dans le pays, a dénoncé vendredi Reporter sans Frontières (RSF), et sans observateurs internationaux, africains comme européens.

Quatorze prétendants s’affrontent, un peu moins de 850.000 électeurs inscrits sur quelque 2,3 millions d’habitants étant aussi appelés à voter pour les élections législatives et municipales, le tout en un tour de scrutin.

Ondo Ossa promet de « chasser » du pouvoir par les urnes le président et son tout-puissant Parti démocratique gabonais (PDG) et de mettre un terme à une « dynastie Bongo » à la tête depuis plus de 55 ans d’un pouvoir que l’opposition accuse de mauvaise gouvernance et d’être gangrené par « la corruption ».

Ali Bongo, président depuis 14 ans, avait été élu une première fois en 2009 après la mort de son père Omar Bongo Ondimba, qui dirigeait le pays depuis plus de 41 ans.

« Bulletin inique »

Ondo Ossa, 69 ans, peu connu du grand public jusqu’alors, avait été choisi par les principaux partis de l’opposition, rassemblés dans la plateforme Alternance 2023, à huit jours seulement du scrutin.

Bongo, lui, a rassemblé systématiquement, dans une tournée de tout le pays depuis des mois, puis une campagne massive et très médiatisée ces deux dernières semaines, des milliers, voire des dizaines de milliers, de supporteurs. Dans un marathon de six jours, M. Ondo Ossa a drainé par endroits des foules comparables.

Ondo dont le vote était annoncé pour le milieu de la matinée dans le centre de Libreville, n’a pu glisser son bulletin dans l’urne qu’en milieu d’après-midi, son bureau restant fermé huit heures après l’ouverture prévue, a assuré à l’AFP son conseiller en communication Guy-Pamphile Mba. En raison d’une livraison tardive du matériel de vote, selon Alternance 2023.

De nombreux autres bureaux dans la capitale et dans tout le pays ont également ouvert très tardivement ou sont restés fermés, a affirmé à l’AFP François Ndong Obiang, président d’Alternance 2023. De même, les bulletins au nom de M. Ondo Ossa manquaient dans « beaucoup de bureaux » et ceux des candidats qui s’étaient officiellement désistés en sa faveur sont restés présents dans d’autres, a-t-il accusé, dénonçant une « organisation du scrutin préparée pour mettre le chaos ».

« Ali Bongo et ses sbires ont multiplié les éléments de fraude », a lancé M. Ondo Ossa après son vote, dans une vidéo transmise en direct sur la page Facebook d’Alternance 2023.

« Les machines à fake News commencent à tourner à plein régime », a rétorqué Jessye Ella Ekogha, conseiller spécial du Président de la République sur X (anciennement Twitter).

Interrogé par l’AFP sur ces accusations, le Centre Gabonais des Élections (CGE), l’instance qui organise les scrutins, a décliné tout commentaire.

Ondo Ossa, professeur d’université agrégé d’économie, ancien ministre d’Omar Bongo, exhorte les Gabonais à « ignorer » les législatives pour se concentrer sur la présidentielle parce que le CGE a instauré au dernier moment un bulletin unique pour les deux votes, liant impérativement le prétendant à la députation au candidat du même parti pour la présidence. Un procédé destiné à favoriser M. Bongo et le PDG, accuse l’opposition.

Candidat indépendant, sans parti donc, M. Ondo Ossa a promis de dissoudre la future Assemblée nationale s’il est élu.

« Dynastie Bongo »

L’opposition avait déjà critiqué une « modification des règles du jeu » il y a cinq mois pour tailler une réélection sur mesure au sortant, en repassant le scrutin de deux à un tour, gagnable à la majorité relative pour M. Bongo, face à 13 candidats.

En 2016, il avait été réélu, mais laborieusement, avec 5.500 voix seulement d’avance sur l’opposant Jean Ping, qui dénonçait des « fraudes ».

Un AVC en octobre 2018 avait laissé M. Bongo de longs mois invisible et une partie de l’opposition continue, bientôt cinq ans après, de mettre en doute ses capacités physiques et intellectuelles à diriger le pays. La majorité, elle, dénonce des campagnes centrées sur sa santé, « sans aucun autre programme ».

Le Gabon est l’un des pays les plus riches d’Afrique en PIB par habitant, grâce à son pétrole, son manganèse et son bois notamment. Mais « le pays peine à traduire la richesse de ses ressources en une croissance durable et inclusive » et un tiers (32,9%) de ses habitants vivent sous le seuil de pauvreté, écrivait la Banque mondiale en avril 2023.

 

Avec AFP