- À la Une, Actualités, Politiques

Donald Trump impose de nouvelles taxes au continent africain

L’Afrique n’échappe pas aux mesures protectionnistes annoncées par Donald Trump le 2 avril 2025. À partir du 9 avril, les produits africains exportés vers les États-Unis seront soumis à des droits de douane supplémentaires allant de 10% à 50%, en fonction des pays et des secteurs concernés. Ces nouvelles taxes américaines sont calculées selon deux critères : le déficit commercial des États-Unis avec leurs partenaires et les barrières douanières mises en place par les pays africains pour protéger leurs économies.

Donald Trump veut rendre l’Amérique plus prospère… mais à quel prix pour l’Afrique ? L’AGOA, cet accord commercial préférentiel avec les États-Unis, est-il en sursis ? Le président américain a annoncé une taxe de 10 % sur toutes les importations, y compris celles en provenance du continent. Une rupture unilatérale, qui rebat les cartes du partenariat économique, estime le politologue Serigne Bamba Gaye, joint par Christina Okello, de la rédaction Afrique. Ces droits de douane violent les principes de l’AGOA mais c’est aussi le moment pour les pays producteurs de matières premières d’exiger une réciprocité de traitement de la part des compagnies nord-américaines qui exploitent ces ressources.

« Au terme de cet accord (de l’AGOA), plus de 1000 produits africains pouvaient entrer aux États-Unis sans payer de droit de droite. Donc le fait d’appliquer des droits nouveaux aux pays africains constitue de fait une violation de l’esprit de l’AGOA. Dans ce contexte, les États africains ont des leviers : ils disposent de matières premières et stratégiques. Je dis : le moment est venu pour nous, pour les États africains, d’ouvrir les yeux et de pouvoir véritablement créer les conditions dans lesquelles ces pays pourront désormais exploiter leurs matières premières et également traiter sur un pied d’égalité avec les compagnies privées américaines. Donc c’est le moment est venu pour des pays comme la RDC, des pays comme la Zambie, l’Afrique du Sud, de pouvoir appliquer la réciprocité avec les compagnies américaines qui seraient désireuses d’exploiter ces matières premières africaines. »

Le Lesotho est le plus durement taxé à hauteur de 50%. Sont visées ses exportations de textile, de même que Madagascar et Maurice, respectivement taxés à 47 et 40%. Le Botswana, exportateur de diamants, est surtaxé à 37%. L’Angola, la Libye et l’Algérie, qui exportent principalement des hydrocarbures, font face à des taxes d’au moins 30%, tandis que la Côte d’Ivoire voit son cacao frappé par une taxe de 21%.

Madagascar, l’un des pays les plus pénalisés par les droits de douane américains

Avec des droits de douane fixés à 47 %, Madagascar subit de plein fouet la guerre commerciale lancée par Washington, rappelle notre correspondant à Antananarivo, Guilhem Fabry. Cette annonce est un véritable coup de tonnerre pour plusieurs secteurs d’activité, dont l’économie repose en grande partie sur les exportations vers les États-Unis.

Le secteur de la vanille, qui représente 70 % des exportations malgaches à destination des États-Unis, est particulièrement menacé. Les producteurs redoutent une concurrence accrue de l’Ouganda, dont la vanille est taxée à seulement 10 %.

L’industrie textile, qui a exporté près de 40 % de ses vêtements vers les États-Unis en 2023, est également en grand danger. Un responsable du secteur qualifie la décision américaine de « catastrophe », estimant qu’au moins 60 000 emplois sont en péril.

Si Donald Trump a fixé la date d’entrée en vigueur de ces taxes au 9 avril, une inconnue subsiste pour Madagascar. De nombreux produits malgaches sont actuellement exemptés de droits de douane grâce à l’Agoa, l’accord de libre-échange en vigueur jusqu’en septembre 2025.

Face à cette menace économique, la ministre malgache des Affaires étrangères a annoncé mobiliser tous les leviers diplomatiques et commerciaux afin de garantir un accès équitable des produits malgaches au marché américain.

30% de droits de douane pour l’Afrique du Sud

L’Afrique du Sud, premier exportateur africain vers les États-Unis avec près de 15 milliards de dollars de ventes annuelles – notamment de véhicules et de pièces automobiles – pourrait être la plus durement touchée par ces nouvelles mesures. Taxée à 30%, elle négocie en urgence un accord de libre-échange avec Washington pour remplacer l’Agoa, un dispositif qui exonérait de droits de douane 1 800 produits africains et qui semble désormais obsolète.

Seuls les métaux de base et les métaux stratégiques sont épargnés par ces taxes, préservant ainsi le cuivre et le cobalt de la République démocratique du Congo.

11 % pour le Cameroun, un impact marginal

Pour le Cameroun, c’est une mesure aux impacts potentiels limités sur les échanges entre les deux pays, selon les spécialistes, le Cameroun étant un exportateur « marginal » sur le marché américain. Pour l’économiste, Louis-Marie Kakdeu, par ailleurs également vice-président du parti SDF, Social Democratic Front, ce sont les États-Unis qui ont le plus à perdre. « Si nous prenons les derniers chiffres connus pour les échanges entre le Cameroun et les États-Unis… en 2022, le Cameroun importait des États-Unis pour environ 89 millions de dollars et y exportait des marchandises pour environ 50 millions de dollars. Donc la balance était déficitaire. — (et nous pensons que) aujourd’hui, cette mesure va plutôt être défavorable aux États-Unis, car les produits que nous exportons sont les mêmes produits que la Chine recherche. Je pense que les exportateurs camerounais vont simplement trouver un meilleur marché », explique-t-il au micro d’Amélie Tulet, de la rédaction Afrique.

Trouver de meilleurs débouchés, ou simplement renforcer les routes d’exportations existantes avec l’Europe et l’Asie Pour Serge Alain Godong, professeur d’économie et de gestion à l’université, le Cameroun n’avait, de toute façon, pas su dynamiser la relation commerciale avec les États-Unis. « Le Cameroun a échoué sur les vingt dernières années à profiter d’un dispositif douanier favorable aux exportations africaines qu’on appelait l’AGOA. Il n’arrivait à augmenter ni le volume de ses exportations ni la qualité de ses exportations… et si d’ailleurs les tarifs douaniers américains ont signalé 11 % sur le Cameroun, c’est bien parce que ce sont des pays d’origine qui sont extrêmement marginaux, ça ne pèse pas pour grand-chose. »

Serge Alain Godong pense même que dans un premier temps, les importateurs américains préfèreront absorber les surcoûts plutôt que changer leurs habitudes commerciales.

Liste des principaux pays africains impactés par les droits de douane imposés par Donald Trump

Lesotho : 50 %

Madagascar : 47 %

Maurice : 40 %

Botswana : 37 %

Libye : 31 %

Afrique du Sud : 30 %

Algérie : 30 %

Tunisie : 28 %

 

Par RFI