- À la Une, Actualités, Politiques, Sports & Culture

Amadou Diallo président des étudiants en sciences Po pour l’Afrique l’ASPA: “Ma priorité, c’est favoriser la vision plurielle de l’Afrique’’

À l’occasion de la ‘semaine africaine’ organisée par l’association des étudiants en sciences Po pour l’Afrique l’ASPA, notre rédaction a rencontré son président Amadou Diallo. Dans cet entretien, M. Diallo est revenu sur son parcours migratoire de la Guinée en passant par la Grèce jusqu’en France ainsi que ses difficultés qu’ il a rencontrées et son adoption au système français. Il revient également sur sa priorité à la tête de l’ASPA et la place des étudiants africains dans les grandes écoles en France etc….

Pouvez-vous vous présenter brièvement à nos lecteurs ?

Je viens de la Guinée. J’ai vécu là-bas pendant très longtemps avant d’aller en Grèce en 2016. Mais là-bas, je ne connaissais personne. Finalement, j’ai réussi à me faire un petit chemin et j’ai intégré le lycée d’Athènes où j’ai pu reprendre les études et j’ai eu mon bac en 2020. J’ai pu repartir de Grèce pour venir en France. Donc j’ai été toute suite admis en sciences Po. Cela fait 5 ans que je suis ici.

Que représente pour vous votre rôle de président des étudiants de sciences Po pour l’Afrique ?

L’ASPA représente beaucoup pour moi. Je m’investis beaucoup dans cette association grâce aux soutiens de mes proches, des membres de l’association. C’est une grande association aujourd’hui en sciences PO. Elle a été créée en 2006 par les étudiants de Sciences Po. Le but est de permettre la promotion du continent africain d’organiser des événements, des ateliers, des conférences pour promouvoir la culture africaine dans toute sa richesse, sa diversité. Nous avons pu inviter Achille Mbembe (Historien politologue et un enseignant chercheur camerounais) pour parler un peu des questions de l’Afrique. Et notre engagement repose sur un examen critique de tout ce qui se passe dans le continent africain et nous essayons de faire avec un regard plus ou moins critique.

Vous avez quitté la Guinée en 2016. Qu’est-ce qui vous a poussé à partir ?

C’est un sujet qui est assez complexe. Je ne vais pas non plus aller dans les détails. Mais ce qu’il faut retenir de façon générale, c’est qu’il y a eu un concours de circonstances qui a fait que j’ai quitté la Guinée très tôt et c’est aussi dû à l’instabilité politique de notre pays. Je n’avais pas d’autres choix que de partir de la Guinée. C’est vrai qu’en partant de Guinée, je ne m’y attendais pas d’intégrer cette faculté de sciences PO, mais la force des choses, aujourd’hui je suis ici grâce à mon travail et mes proches dont je suis très fier.

Votre parcours migratoire vous a conduit à travers plusieurs pays. Quel souvenir marquant gardez-vous de cette traversée ?

Disons que la Grèce est un pays qui m’a beaucoup marquée. Parce que c’est là-bas que j’ai eu mon Bac j’ai su me reconstruire. J’ai su faire le premier pas dans le système français. C’est un pays où j’ai réussi à me projeter. C’est vraiment un très beau souvenir et je suis particulièrement heureux. Et c’est un pays où j’ai réussi à apprendre la langue anglaise et le grec.

Quelles ont été les plus grandes difficultés que vous avez rencontrées sur la route vers la France ?

Il ne faut pas aller en détail. Les plus grandes difficultés, c’est un peu le fait de se retrouver seul dans un pays où on ne connaît personne. Les difficultés financières étaient aussi majeures. Mais je pense que ce n’est pas un cas isolé. C’est un peu commun à toutes les personnes qui partent de chez eux pour aller à l’étranger soit pour se former ou à la quête d’un avenir meilleur. Pour moi, c’était vraiment un obstacle auquel je m’attendais.

Comment avez-vous gardé espoir et détermination face aux épreuves ?

C’est en étant obstinément positif tout simplement. Je ne suis pas parti en disant que tout allait bien se passer. Mais j’ai réussi à me dire que si je suis parti, c’est pour que ça se passe bien. Donc je m’attendais à tous les scénarios. C’est peut-être pour ça que j’ai réussi à les surmonter. Je ne dirais pas facilement, mais j’ai été suffisamment chanceux. Parce qu’il y a plein de jeunes qui ont été dans la même situation que moi, mais qui ont aujourd’hui eux du mal. Donc je n’estime pas que je suis plus déterminé ou plus courageux qu’eux, je dirais juste qu’il y a eu un alignement d’étoiles et de belles choses qui ont fait que je me suis retrouvé dans cette école. Je ne me fais pas abstraction de tout le travail que j’ai eu à faire, mais je pense qu’il y a beaucoup de choses dedans.

Étant en Formation continue dans cette université comment faites-vous pour subvenir à vos besoins ainsi que ceux de vos parents au pays?

Je ne me fais pas le porte-parole de tous les étudiants, parce qu’il y a certains qui ont des difficultés à subvenir à leurs besoins, et d’autres qui par exemple dans cette école, je pense qu’il n’y a pas mal dépend de leur famille. Tout n’est pas non plus à mettre dans un seul panier. Il y a tous les cas de figure. Concernant mon cas, je ne reçois pas d’argent de la part de ma famille. J’ai plutôt bénéficié d’une bourse d’excellence. C’est ce qui me permet d’avancer dans les études. Je n’ai pas forcément besoin de travailler pour pouvoir continuer mes études. C’est pour ça que j’ai réussi à garder le cap jusque-là.

Vous avez passé trois ans au lycée franco-hellénique Eugène Delacroix en Grèce. Comment s’est passée cette étape ?

C’est assez particulier comme situation. Je suis arrivé en Grèce et toute suite j’ai contacté le lycée, mais il se trouvait que c’était payant. J’ai essayé d’obtenir une bourse, mais ça ne s’est pas passé comme prévu. Donc j’ai tout de suite essayé de trouver du soutien et j’ai compris qu’il fallait du travail pour pouvoir payer les études dans ce lycée parce que c’était privé. Je me suis redirigé vers un job étudiant et j’ai réussi à collecter une somme de 5 000€ qui m’a permis de décrocher un rendez-vous avec l’administration du lycée, mais à côté j’avais des soutiens énormes qui m’ont permis de faire face à ce coût.

Quelles ont été les clés de votre réussite pour décrocher une bourse dans l’une des plus prestigieuses universités en sciences politiques à Paris ?

J’ai fait ma demande, mon dossier a été traité.

Comment avez-vous vécu votre arrivée dans le système universitaire français ?

Je n’étais pas complètement déconnecté du système dans la mesure où j’étais dans un système français. Pour moi, c’est une suite logique. Donc d’un point vu d’adaptation, méthode de travail et climat, les choses se sont relativement bien passées.

En tant que président des étudiants de sciences Po pour l’Afrique, quelles sont vos priorités ?

Mes priorités, c’est justement favoriser la vision plurielle de l’Afrique dans un premier temps et dans un second temps faire en sorte que mes collègues et moi participons à travers les débats d’une construction, évolution d’identité démocratique du continent africain. Et dans un troisième temps faciliter la connexion ou les relations entre la diaspora en France et les sociétés africaines.

Comment percevez-vous la place des étudiants africains dans les grandes écoles en France ?

Chaque université ou école à son propre mode de fonctionnement. Ici en sciences Po on essaye de faire en sorte que tous les étudiants africains qu’ils soient de sciences Po ou d’autres écoles puissent se reconnaître dans tout ce qu’on fait et on essaye de travailler pour promouvoir le continent africain dans ce qu’il a le plus beau et riche.

Avez-vous rencontré des obstacles en lien avec votre origine ou votre parcours ? Si oui, comment les avez-vous surmontés ?

Non, au contraire j’ai tout toute suite été compris, reconnu. Puisque la Guinée n’est pas un pays méconnu de la diaspora. Donc, je n’ai pas eu de difficultés à ce niveau-là.

Envisagez-vous un retour en Guinée, si oui, avec quel projet ou quelle ambition ?

Pour l’instant je n’y suis pas allé, mais le moment venu je m’y rendrai volontiers. Pour l’instant je ne pense pas à une échelle nationale. Je suis en dernière année d’étude (master). J’essaye justement d’acquérir l’expérience et voir un peu comment je peux me rendre utile pour la communauté et continuer dans ce sens de l’intérêt général.

Interview réalisée par Amadou Tidiane DIALLO pour Afriquevision.info

E-mail : contact@afriquevision.info

X : @Afriquevision1