La planète a mal à ses fleuves. Quasiment tous sont équipés de barrages, qui constituent une menace pour la biodiversité. Il ne reste plus qu’une vingtaine de fleuves indomptés. L’Afrique ne fait pas exception à la règle, où les projets de barrages gigantesques se multiplient.
On compte aujourd’hui 2 800 000 barrages dans le monde dont 52 000 sont considérés comme des grands barrages, c’est-à-dire d’une hauteur de plus de 15 mètres et avec un réservoir supérieur à 3 millions de m³. Et cela n’est pas fini. 3700 barrages hydroélectriques sont en cours de construction dans le monde.
Ainsi, selon une étude publiée par la revue Nature, deux tiers des plus longs cours d’eau de la planète (ceux de plus de 1000 km de long) ont été équipés. Seulement 21 de ces 246 fleuves majeurs sont encore, selon l’expression, « à courant libre », c’est-à-dire sans aménagement de la source à l’embouchure. Ces cours d’eau « sauvages » se retrouvent dans des régions isolées, Amazonie ou bassin du Congo. Or, justement, l’Afrique est un continent particulièrement menacé.
Sur le Nil, le barrage de la Renaissance en Ethiopie
Un monstre de 170 mètres de haut et 2 km de large, générant un lac de barrage sur le Nil bleu de 1500 km² et d’une capacité de 74 milliards de m³. La mise en eau de ce barrage, qui n’a pas encore commencé, pose problème dans la mesure où le Nil bleu assume 80% du débit du fleuve au niveau du confluent avec le Nil blanc à Khartoum. Le Soudan, puis l’Egypte, sont concernés par un assèchement même partiel du fleuve. On parle d’un débit réduit de 30%. Ce barrage soulève l’épineux sujet de l’accès à la ressource. L’Egypte est très inquiète, sachant depuis l’antiquité ce qu’elle doit au Nil.
5 ou 6 barrages supplémentaires sur le Congo
Le Congo est le deuxième plus grand fleuve au monde en termes de flux (42 000m³/s), après l’Amazone, et le deuxième plus long fleuve d’Afrique (4700 km), après le Nil. Son bassin compte déjà 51 barrages et pourtant 13 nouveaux projets sont à l’étude.
A 400 km en aval de Kinshasa, la capitale, se trouve le barrage d’Inga. Deux tranches de production hydroélectrique sont déjà en activité. Inga 3 est un maxi projet qui permettrait de produire plus de 4000 MW d’électricité, contre respectivement 350 et 1400 MW pour les deux tranches actuelles.
Hormis la production électrique, le projet permettrait la navigation sur 200 km. Mais l’impact sur l’environnement est considérable. Les barrages freinent la vitesse d’écoulement du fleuve et ainsi, gênent la descente jusqu’à l’estuaire des sédiments. Bien évidemment les lacs de retenu sont une catastrophe pour la biodiversité, que ce soit sur le plan animal ou végétal.
Réguler le Niger
Même le Niger, l’autre géant d’Afrique (4184 km), est concerné par ces aménagements. Le fleuve est pour l’heure peu équipé. D’ailleurs, de Bamako à la mer, il n’y a que neuf ponts dont deux constitués par des barrages. Il y a malgré tout un projet qui se veut écologique sur le site de Kandadji, à 180 km en aval de Niamey, au Niger. Comme à chaque fois, il s’agit d’accroître la production d’électricité, mais aussi de gérer la ressource en eau. Ici, le fleuve déborde fréquemment à la saison des pluies, mais connaît aussi de forts étiages à la saison sèche. Or, justement, l’objectif est d’assurer un débit minimum du fleuve de 120 m³/seconde.
La capacité du lac de barrage sera de 1,6 milliard de m³. Et il faut donc déplacer près de 40 000 personnes vivant dans la zone fertile du fleuve. Déplacer, cela veut dire donner des terres aux agriculteurs, construire des maisons, des écoles. Alimenter tout cela en électricité et en eau.
Une première phase, concernant 5500 personnes a été très problématique, privant même certains d’accès à l’eau. Le projet est pour l’instant embourbé dans des difficultés financières et techniques. La deuxième vague de déplacement est suspendue pour l’instant.
mediacongo