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Pourquoi le pouvoir cache-t-il cette ‘‘Constitution révolutionnaire réécrite’’ ?

En fait, tout indique que les « morceaux choisis » du texte de la nouvelle constitution, malicieusement distillés dans les médias ne représentent que le miel, c’est-à-dire les dispositions non dérangeantes pour les opposants à la révision constitutionnelle. Le piment ou le plus grave, le plus sérieux, l’inacceptable, l’objectif ultime poursuivi avec le nouveau texte est ailleurs.  Il ne s’agit rien de moins pour ses auteurs que de s’armer légalement, en se dotant de textes adéquats permettant une confiscation définitive du pouvoir en Guinée, avec ou sans l’actuel locataire du Palais. Ils sont ainsi décidés à empêcher par tous les moyens, toute alternance démocratique, dans un pays qui n’a connu que ce système de Parti-Etat corrompu, dictatorial et ethniciste dans son essence. On comprend mieux aujourd’hui le sens des allusions des idéologues du régime disant qu’ils avaient besoin de…50 ans pour asseoir la démocratie en Guinée !

De quoi s’agit-t-il ? Devant la stratégie du secret absolu sur le texte « réécrit », il n’est pas possible, comme il se devrait dans une démocratie véritable, de procéder à une analyse détaillée, pour nous prononcer en toute objectivité sur ses forces et ses faiblesses, comme ce fut le cas pour la Loi Fondamentale en 1990. Nous n’avons à notre disposition que des bribes de texte et des éléments glanés ici et là, sans garantie d’authenticité, la responsabilité d’une erreur éventuelle incombant entièrement aux pilotes cachés du projet troisième mandat.

Il y a d’abord la suppression du multipartisme intégral obtenu de haute lutte en 1990, en lieu et place du bipartisme. La nouvelle Constitution serait basée sur 3 partis : un du pouvoir, un de l’opposition et un du centre. En apparence, cette disposition paraît séduisante. Mais en réalité elle consiste à enlever tout contenu politique aux partis politiques! Un parti n’existerait plus alors selon un choix politique ou idéologique  quelconque, mais par rapport à ceux qui détiennent le pouvoir ! En toute logique, lorsqu’un changement politique se produit, les militants devraient être amenés à changer de partis ! Le texte ne nous dit pas que deviennent les partis politiques après un coup d’Etat. Deux partis peuvent ne pas être d’accord avec le pouvoir en place, mais n’avoir rien d’autre à faire ensemble, comme c’est le cas en ce moment pour l’UFD et d’autres partis.

Un parti qui s’engagerait à lutter en s’appuyant sur une idéologie quelconque n’aurait pas de place sur l’échiquier politique. Par exemple, un parti qui opterait pour la lutte pour le panafricanisme ou l’écologie, si importante aujourd’hui pour l’avenir du pays, n’aura pas de place dans la vie politique. Les partis seraient alors à géométrie variable ! En fait, le projet est une pérennisation et une légalisation du Condominium politico-ethnique du couple RPG-UFDG. C’est un énorme recul pour la démocratie chèrement acquise par le peuple de Guinée et c’est totalement inacceptable, car avec une opposition ainsi « mouillée » et anesthésiée dans le cadre d’un partage du gâteau, l’alternance démocratique est impossible à réaliser. Pour mémoire, même le Président Léopold Sedar Senghor qui fut un grand Président africain qu’on ne peut soupçonner d’être un dictateur, avait adopté le même système à trois partis maximum, basés sur des options politiques : libéraux, sociaux-démocrates et marxistes-léninistes ; Guerre froide oblige sans doute… Face aux difficultés d’application, il y avait renoncé et institué le multipartisme intégral. Dans ce dernier cas, comme dans toutes les vraies démocraties, le jeu des alliances a largement permis d’avoir une alternance démocratique au pouvoir au Sénégal. En matière de démocratie et de développement, ce pays frère et voisin, bien moins gâté par la nature que nous,  est aux antipodes de la Guinée bloquée, depuis plus de 61 ans dans un système de présidents à vie.

La deuxième mesure anti-démocratique est « le découpage électoral ». Sous prétexte de « corriger des aberrations » imputables aux déséquilibres démographiques entre les circonscriptions électorales, on va remodeler la carte des circonscriptions pour réduire à peu de choses l’opposition, qui, pourtant a applaudi à sa mort programmée ! On reviendrait ainsi à une proportionnelle presque intégrale, alors qu’actuellement, nous avons un système assez équilibré aux deux tiers proportionnels et un tiers par circonscription administrative. Avec les bourrages massifs, presque officiels du fichier électoral et la fraude à ciel ouvert donnant 98% dans les fiefs du pouvoir, les résultats des élections seront garantis pour  l’éternité. En s’appuyant sur une assemblée préfabriquée et nantie de la majorité qualifiée des deux tiers, le pouvoir peut modifier ou introduire n’importe quelle loi inique et liberticide lui permettant de se maintenir indéfiniment et d’agir à sa guise, sans aucun contrepoids. Pauvres opposants qui se disent pressés d’aller aux élections, certainement pour se précipiter sur les miettes que leur associé du pouvoir daignera leur laisser!

Comme on le voit, la fameuse « Constitution révolutionnaire réécrite » permettra au pouvoir, digne héritier des systèmes qui ont sévi sur la Guinée depuis 1958, de continuer tranquillement sa besogne de réduire l’écrasante majorité du peuple de Guinée à la misère et au désespoir. En plus du « Coup K.O » ce sera un coup double, car en l’état et légalement, aucune nouvelle constitution ne peut avoir pour effet de permettre à l’actuel président de se présenter à une nouvelle élection. Une modification de l’article 154 sur l’intangibilité de la limitation des mandats nécessiterait un large consensus qui n’existe pas aujourd’hui, comme chacun peut le constater, au vu de la réaction unanime farouchement hostile des populations dans la totalité des régions du pays.

 

Par Mamadou Baadiko Bah

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