A force de critiquer les chefs d’Etat africains, en particulier le nôtre, certains d’entre vous doivent me considérer comme un petit sadique nourri de rancœur et de haine et qui prend un malin plaisir à pourfendre voire à avilir les autres. Oh, que nenni !
Croyez-moi, je n’éprouve aucune jouissance à griffonner les chroniques qui sont les miennes avec ce ton acerbe-là. Je vous assure qu’il m’est beaucoup plus agréable de couvrir quelqu’un de fleurs que de l’éreinter (l’excès de bile nuit à la santé si l’on en croit les médecins !).
Malheureusement, les messires qui nous gouvernent avec le talent et la générosité que vous savez ne nous en donnent pas souvent l’occasion. Pour une fois que l’exception se présente, je ne vais certainement pas bouder mon plaisir.
J’ai déjà salué ici le président nigérien et son collègue mauritanien pour leur civisme, je veux dire pour l’intention très tôt affichée de libérer la place au terme de leur deuxième mandat comme le stipule la Constitution.
D’ailleurs, j’avais applaudi des quatre mains la sortie (lamentablement ratée, hélas !) du président Ouattara. Tout cela pour vous dire que je ne critique pas pour critiquer, je ne juge pas des personnes, mais des propos, des actes, des comportements. Les Guinéens savent d’ailleurs que quand Lansana Conté l’a injustement jeté en prison, j’ai été le premier à défendre Alpha Condé. Et si je le critique aujourd’hui, c’est parce que dans tous les domaines, il est en train de faire pire que son ancien geôlier.
A tortionnaire, tortionnaire et demi !
Mais laissons notre célèbre professeur à ses tortues et occupons-nous de l’homme du jour, celui qui, en ce moment-même est en train de sauver l’honneur de l’Afrique : Mahamadou Issoufou. Oh, je sais bien, tout n’est pas rose au Niger.
Le domicile du correspondant de RFI à Niamey a été saccagé, celui de l’opposant Hamma Amadou est encerclé par les forces de l’ordre. Des émeutes sporadiques éclatent ici et là pour contester le résultat des présidentielles. Que voulez-vous ?
Nous sommes en Afrique, ce continent où la vie politique a été si dévoyée par l’insondable fumisterie de nos dirigeants qu’en fin de compte, vote ou pas vote, ce sont l’armée et l’administration qui décident. N’empêche, au beau milieu du cafouillage, il y a toujours quelques belles âmes pour allumer la torche de l’espoir et nous éviter de tomber dans le purin. Mandela, Sankara, Rawkings, Alpha Oumar Konaré sont connus, Sangoulé Lamizana et Ali Saïbou, beaucoup moins (ils ont tous les deux rendu un fier service à leurs pays, pourtant !). A cette courte liste des valeureux qui méritent plus que notre attachement, notre totale admiration, il faut dorénavant ajouter Mahamadou Issoufou.
Pour la première, deux présidents démocratiquement élus se succèdent au Niger. Grâce à vous, Monsieur le président ! L’acte que vous venez de poser est un petit pas pour vous mais un grand pas pour l’Afrique ! Allez en paix, mon grand président ! Laissez les cancres s’encrasser au pouvoir avec leur bassesse d’âme, leur cruauté et leur incompétence !
Tierno Monénembo, in Le Lynx