Au lendemain du double scrutin législatif et référendaire du 22 mars 2020, très contesté et boycotté par l’opposition et la société civile mais tenu au forceps par Alpha Condé, la Guinée compte ses morts sur fond de polémique indécente sur les statistiques où le pouvoir voit quatre morts là où l’opposition en compte dix.
Comment pouvait-il en être autrement, quand on voit la façon dont le premier responsable du pays dont la volonté de se maintenir au pouvoir fait de moins en moins l’objet de doute, est resté hermétique aux appels à la raison, malgré la clameur nationale et internationale ?
Ainsi donc, ni le boycott de l’opposition, ni les interpellations de la communauté internationale, ni les démissions au sein du gouvernement, ni même la pandémie du coronavirus n’auront réussi à faire plier le Professeur Condé dans sa volonté d’organiser ces scrutins querellés qui n’ont jamais fait consensus en Guinée, voire au-delà.
A défaut de la honte, Condé devrait avoir le triomphe modeste par rapport au vote du 22 mars
Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce 22 mars restera une date noire dans l’histoire de la Guinée. Car, pour un rendez-vous électoral aussi important pour l’avenir de la Nation, et qui devait être le couronnement de l’expression libre et souveraine de la volonté du peuple, l’histoire ne pouvait pas être plus cruelle pour le peuple guinéen qui souffre le martyre et qui ne cesse de compter ses morts depuis qu’il est entré en délicatesse avec son Papy de président qui se refuse à la sagesse en refusant de faire valoir ses droits à la retraire.
Mais quelle crédibilité peut-on accorder à des élections qui se sont tenues dans la violence et à huis-clos, sans observateur étranger, après le retrait, tour à tour, de l’OIF (Organisation internationale de la Francophonie), de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest), de l’Union africaine et sans l’Union européenne ? Aucune ! Car, non seulement, la transparence du scrutin est largement, ici, sujette à caution, mais aussi Alpha Condé a, à présent, tout le loisir de fabriquer des résultats dans ses officines, à la hauteur de ses ambitions de confiscation du pouvoir. Peut-être était-ce même le but recherché.
Quoi qu’il en soit, il n’y a pas de quoi être fier de ce double scrutin! Surtout dans ces consultations populaires où le retrait successif des institutions internationales sonne non seulement comme un désaveu et une volonté de ne pas porter leur caution morale à un double scrutin biaisé d’avance, mais aussi a fini de jeter le discrédit sur lui. C’est dire si à défaut de la honte, Condé devrait avoir le triomphe modeste par rapport au vote du 22 mars. Mais maintenant qu’il a tiré le vin de son fameux référendum censé lui ouvrir les portes d’un troisième mandat, peut-on s’attendre à voir Alpha Condé renoncer à le boire? Rien n’est moins sûr.
Au contraire, tout porte à croire que pour lui, le plus dur a été fait. Et la seule tenue de ce référendum est, en elle-même, déjà une victoire, peu importent les conditions. Une victoire d’étape qui devrait lui permettre à présent de voir venir les choses. Et cette victoire est d’autant plus capitale qu’elle était un passage obligé pour la suite du processus. Car, sans référendum, pas de possibilité de troisième mandat.
Tant que Condé ne renoncera pas publiquement à ce mandat qui est visiblement celui de trop, son pays continuera à danser sur un volcan
Maintenant que les dés sont jetés, qu’adviendra-t-il de la Guinée ? L’opposition a déjà annoncé la couleur et l’on ne sera pas étonné de la voir continuer à ruer dans les brancards. La question est de savoir si elle va changer son fusil d’épaule et quelle forme elle donnera maintenant à sa lutte pour se donner de meilleures chances de faire barrage aux velléités monarchiques à peine voilées du chef de l’Etat. Car, si elle a perdu la bataille de la tenue du référendum qu’elle n’a pas pu empêcher, elle est loin d’avoir perdu la guerre contre le troisième mandat de Condé.
Quant au locataire du palais Sekhoutouréya, faut-il s’attendre à voir ses intentions se préciser ? On attend de voir. Mais tout cela n’augure rien de bon pour la Guinée. Car, tant que Condé ne renoncera pas publiquement à ce mandat qui est visiblement celui de trop, son pays continuera à danser sur un volcan. Et moins que les chants de sirène des Rapoustine qui contribuent à pousser le « Vieux » à la faute, c’est l’armée guinéenne qui semble avoir choisi de retourner ses armes contre le peuple pour accompagner un mortel dans ses ambitions et son aveuglement « pouvoiristes », qui révolte. Sous d’autres cieux, on a souvent vu la Grande muette prendre le parti du peuple contre le dictateur.
Par Le Pays