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Retour de la Guinée à l’OIF: « C’est le résultat d’une série d’activités, mais aussi de contacts fréquents..» (Senkoun Sylla, Ambassadeur de Guinée en France)

Dans cette interview exclusive accordée à notre rédaction, plusieurs sujets d’intérêt national ont été abordés avec l’ambassadeur de la Guinée en France Sénkoun Sylla. Il s’agit du retour de la Guinée au sein de l’organisation de la Francophonie après trois ans de suspension à la suite du coup d’État du 05 septembre 2021, les conditions d’obtention de papiers administratifs, la diaspora guinéenne et la coopération militaire franco-guinéenne.

Afriquevision.info: Après trois ans de suspension, la Guinée vient de réintégrer l’OIF. Qu’est-ce qui a prévalu ?

Senkoun Sylla : Je pense que des déclarations au plus haut niveau ont été faites à ce sujet pour exprimer d’abord la reconnaissance de notre pays à l’Organisation internationale de la Francophonie. Ce retour est le fruit d’un travail diplomatique et politique engagé par les autorités depuis trois ans pour assurer le retour effectif de notre pays au sein de la famille francophone. En fait, comme le disait tantôt le ministre des Affaires étrangères et des Guinéens établis à l’étranger, M. Morissanda Kouyaté, la Guinée n’a jamais été exclue. Parce qu’il y avait un mécanisme de coordination en place qui permettait à l’OIF et à la Guinée de continuer à travailler ensemble en vue d’élaborer les conditions de son retour sur la scène internationale. C’est le résultat d’une série d’activités, mais aussi de contacts fréquents entre l’OIF et la Guinée. La Guinée a également déployé des efforts en venant toujours donner des explications sur les progrès accomplis. Finalement, le plaidoyer de la Guinée a été accepté par l’institution au regard de ces avancées. C’est dans ce cadre qu’il faut se réjouir de la participation de la Guinée au dernier sommet de l’OIF, qui a eu lieu ici en France.

Quel rôle avez-vous joué ?

Nous sommes le prolongement de l’administration de notre pays à l’extérieur. Dans ce sens, quand la Guinée fait face à une situation donnée, nous agissons conformément aux directives et à la feuille de route soumises par nos autorités pour établir des rapports et des contacts de bon voisinage et de compréhension. Nous avons désormais un représentant permanent à la Francophonie, ce qui témoigne de l’importance que nous accordons à cette institution. Nous avons travaillé en collaboration avec l’institution, mais aussi avec les pays membres de l’organisation. Cela a permis de susciter la compréhension et la reconnaissance des efforts engagés au plus haut niveau par nos autorités. Aujourd’hui, la Guinée réintègre la famille francophone avec honneur et considération.

Quelles ont été les principales conclusions de ce sommet de la Francophonie qui a eu lieu à Paris ?

Comme vous le savez, le sommet a abouti à plusieurs conclusions, dont le renforcement de la coopération avec la famille francophone et la valorisation de la langue française. C’est une communauté très forte, avec plus de 300 millions d’habitants. Il est donc nécessaire de faire de cette famille un moteur de coopération, de cohésion et de solidarité entre les peuples. Plusieurs actions ont été identifiées pour promouvoir la langue française comme langue de communication, d’affaires et d’usage fréquent dans nos institutions. Un appel a également été lancé aux pays qui ne sont pas membres ou qui ont été temporairement exclus pour envisager leur retour au sein de la famille francophone.

Il y a beaucoup de Guinéens vivant à l’étranger qui se plaignent des conditions d’obtention du passeport. Est-ce le cas ici en France ?

Non, je ne pense pas que cela soit véritablement le cas en France. Cependant, il faut savoir que la question des passeports est transversale et touche tout le monde. Des efforts ont été fournis pour faciliter, autant que possible, l’obtention de ce document. À mon arrivée en France, un système de rendez-vous avait été instauré à l’ambassade, permettant de recevoir une vingtaine de personnes par jour. Trouvant cela insuffisant, nous avons élargi les rendez-vous à plus d’une cinquantaine de personnes par jour. En plus de ces rendez-vous, nous gérons aussi des cas urgents pour lesquels les documents sont nécessaires sous 24h ou dans la semaine. Grâce à une collaboration avec le ministère de l’Intérieur, nous avons pu améliorer la fluidité et la régularité dans l’arrivée des passeports. Cette initiative cadre avec la vision du président de la République, le général Mamadi Doumbouya, et avec les directives du ministre des Affaires étrangères pour garantir les droits de chaque Guinéen, où qu’il soit.

Certains compatriotes perdent néanmoins leur emploi ou leurs études faute de titre de séjour, ce qui les oblige parfois à se rendre à Conakry pour obtenir leurs documents. Comment comptez-vous résoudre cette situation ?

Aucun système n’est infaillible, mais notre engagement est crucial. Nous recevons quotidiennement entre 70 et 80 personnes, en incluant les cas d’urgence. Lors de mes déplacements à l’intérieur de la France, j’encourage nos concitoyens à nous solliciter dès qu’ils rencontrent des difficultés administratives. Notre mission diplomatique est là pour les accompagner, et nous nous efforçons d’être proches et à l’écoute de nos concitoyens. Le message que je souhaite faire passer est le suivant : ne restez pas isolés, venez vers nous pour obtenir la version officielle et l’aide nécessaire.

Quelle relation entretenez-vous avec les associations des Guinéens établis en France ?

Je pense que cette question leur est plus adressée, car leurs réponses pourraient témoigner des efforts que nous déployons pour être plus proches de nos concitoyens. Par exemple, avant-hier, j’étais à Grenoble pour un événement organisé par une association. Dès ma prise de fonction, je me déplace chaque mois dans une province : Strasbourg, Rennes, Lyon, Bordeaux, Toulouse, etc. C’est une première, et il faut saluer ce rapprochement avec les communautés guinéennes en France.

La coopération militaire Franco-guinéenne suscite le débat. Une proposition de résolution pour une commission d’enquête a été déposée à l’Assemblée nationale française. Quelle est votre réaction ?

Il est normal que certains sujets suscitent des passions. Cependant, notre ministre des Affaires étrangères a souligné que la Guinée est un pays souverain, entretenant des relations de coopération avec de nombreux pays, dont la Chine, la France, la Russie, et la Turquie. Nous coopérons militairement avec la France, notamment dans la formation des formateurs pour répondre aux besoins de notre armée.

Quel message souhaitez-vous adresser à vos compatriotes ?

Le message que je voudrais transmettre est celui de l’unité. La Guinée est une grande famille, et nous devons tout mettre en œuvre pour renforcer cette unité afin que le développement économique que nous ambitionnons devienne une réalité. Je vous remercie.

Interview réalisée par Amadou Tidiane DIALLO

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