Les deux présidentielles du 11 avril dernier qui se sont déroulées sur le continent africain, ont commencé à livrer leurs verdicts. Au Bénin, Patrice Talon a été déclaré, le 13 avril dernier, vainqueur au premier tour par la Commission électorale nationale autonome (CENA), avec 86,57% des voix. En attendant la validation de la Cour constitutionnelle, le natif de Ouidah peut déjà sabrer le champagne puisqu’en dehors d’une éventuelle légère variation de son score, il ne faut pas s’attendre à un rebondissement. En effet, non seulement, en l’espace d’un seul mandat, l’homme d’affaires devenu président, a réussi à mettre la plupart des institutions de la République sous sa botte, mais aussi et surtout pour le scrutin du dimanche dernier, il n’avait rien d’autre en face que deux illustres inconnus qui ont accepté de jouer le rôle de « candidats motards ». Le chef de l’Etat sortant ayant balisé le terrain en amont en écartant par toutes sortes d’artifices juridiques, tous les candidats sérieux capables de lui tailler des croupières ou de lui tenir la dragée haute lors de cette compétition électorale.
La contestation de l’opposition qui est loin de retomber, annonce tout sauf des lendemains de calme pour le deuxième quinquennat du magnat du coton
C’est donc sans surprise que Talon a vaincu et son triomphe ne peut être que sans gloire puisqu’il aura été véritablement sans péril. Du reste, son poursuivant immédiat qui a récolté 11,29% des voix au terme des résultats de la même CENA, ne met pas, dans le fond, en cause ces résultats mais « estime [plutôt] être au-delà de ce score » en espérant qu’il « sera revu à la hausse ». C’est dire si cette élection est définitivement pliée et le chef de l’Etat béninois peut, d’ores et déjà, savourer sa victoire. Mieux, avec ses 86,57% acquis au premier tour, largement devant Boni Yayi (75% au second tour en 2006 et 53% au premier tour en 2011), Patrice Talon voudrait montrer qu’il est le président le « mieux » élu du Bénin qu’il ne s’y prendrait pas autrement. D’autant qu’à ce jeu, ni Nicéphore Soglo (68% au second tour en 1991) ni l’emblématique Mathieu Kérékou (59% au second tour en 1996 et 84 % au second tour en 2001) ne lui tiennent la comparaison. Mais en se faisant élire à hauteur de dictateur avec un score qui devrait faire honte à tout bon démocrate, Patrice Talon se chatouille, pourrait-on dire, pour rire. Car, une chose est de se faire élire dans les conditions que l’on sait, une autre est de pouvoir gouverner sereinement. Quoi qu’il en soit, il est difficile de croire que 86% des Béninois soient d’accord avec Talon, au moment où la démocratie qu’il a choisi de malmener, est à l’agonie dans son pays. Et la contestation de l’opposition qui est loin de retomber, annonce tout sauf des lendemains de calme pour le deuxième quinquennat du magnat du coton que l’on voit venir et qui sera attendu au tournant sur la fameuse question du troisième mandat. Car, il faut rappeler que le vote n’a pas pu se tenir dans certains arrondissements du pays, en raison des tensions pré-électorales qui l’on émaillé. Au Tchad, les résultats se faisaient toujours attendre au moment où nous tracions ces lignes, mais il ne fait l’ombre d’aucun doute que le Maréchal président en quête d’un sixième mandat, triomphera haut la main.
Patrice Talon et Idriss Déby auront peut-être gagné une bataille mais pas la guerre
Lui aussi ayant réussi à s’ouvrir en amont un boulevard à la faveur du climat de terreur qu’il a créé par l’attaque meurtrière du domicile d’un de ses concurrents les plus sérieux en la personne de Yaya Dillo ; attaque qui a eu pour conséquence le jet d’éponge de challengers de taille tels Saleh Kebzabo, Théophile Bongoro et autre Yorongar Ngarlejy. Mais le président tchadien est inquiet avec les deux rébellions armées du Tibesti, c’est-à-dire celle du Conseil national pour le changement (CNC) et celle non moins menaçante du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), qui menacent de descendre sur Ndjamena au lendemain d’une présidentielle fort contestée. Ce, au moment où le gouvernement tchadien recevait les félicitations d’institutions régionale et panafricaine comme l’Union africaine et la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale pour le « bon déroulement du scrutin ». C’est le lieu de dénoncer le mauvais rôle que tendent à jouer ces institutions d’observation des élections sur le continuent noir, accusées moins à tort qu’à raison de jouer le jeu des dictateurs. Car, les appréciations qu’ils en font et qui, généralement, « ne sont pas de nature à mettre en cause la crédibilité du scrutin », selon la formule consacrée, sont souvent vite considérées par les satrapes du continent comme un blanc-seing donné à l’ensemble du processus électoral. Or, Dieu seul sait comment bien de ces processus électoraux pèchent en amont par des tripatouillages constitutionnels et autres mesures d’exclusion qui sont autant de sources de tensions pré et post-électorales avec leur corollaire de violences meurtrières. En tout état de cause, en se faisant réélire dans les conditions que l’on sait, Patrice Talon et Idriss Déby auront peut-être gagné une bataille mais pas la guerre, avec des lendemains de vote qui s’annoncent aussi orageux qu’indécis.
Par « Le Pays »