Il est décrit comme l’architecte du projet Pastef. Son choix qui a surpris beaucoup d’analystes et d’observateurs de la scène politique, est pourtant évident et logique selon Ousmane Sonko lui-même. « Mon choix sur Diomaye n’est pas un choix de cœur mais de raison. Je l’ai choisi parce qu’il remplit les critères que j’ai définis. Il est compétent et a fait la plus prestigieuse école du Sénégal. Après presque 20 ans aux Impôts et Domaines où il a abattu un travail exceptionnel, personne ne peut dire qu’il n’est pas intègre. Je dirais même qu’il est plus intègre que moi. Je place le projet entre ses mains « , a déclaré Ousmane Sonko à son sujet.
Né en 1980 à Ndiaganiao dans le département de Mbour (Ouest), Bassirou Diomaye Diakhar Faye est issu d’une famille modeste.
Après son baccalauréat obtenu en 2000 au Lycée Demba Diop de Mbour, Bassirou Diomaye Faye s’inscrit à la faculté de droit de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) où il décrochera une maîtrise de droit.
En 2004, trois mois après avoir obtenu sa maîtrise, Bassirou Diomaye Faye est admis à l’École nationale d’administration (ENA). Il en sort diplômé trois années plus tard, en 2007 et rejoint la Direction générale des impôts et domaines.
Il y fera connaissance avec Ousmane Sonko qui l’a devancé de quelques années dans ce prestigieux corps de l’administration sénégalaise.
La relation entre Sonko et Diomaye est quasi fusionnelle, ils sont deux frères inséparables.
Moustapha Sarré est chargé de la formation au sein de l’ex-Pastef. Il connait les deux hommes : » ils sont deux faces d’une même pièce avec deux styles différents. Le charisme d’Ousmane est inégalable mais le charme et la perspicacité de Diomaye font sensation », décrit-il.
« Bassirou, c’est moi » a dit Ousmane Sonko au sujet de son lieutenant et désormais son remplaçant à la présidentielle du 24 mars.
Dans l’entourage du leader de l’ex Pastef, ce choix de faire de Bassirou Diomaye Faye le remplaçant du PROS (Président Ousmane Sonko) est tout sauf une surprise, tant les deux hommes ont plusieurs points en commun.
« On peut dire que Diomaye est l’autre Ousmane Sonko, sa copie presque parfaite, ils ont la même vision, ils pensent de la même façon et surtout ils se vouent un respect et une confiance à toute épreuve », nous confie un membre du staff de campagne.
L’inspecteur des impôts ne se voyait pourtant pas faire de la politique, avant de militer au Pastef, dont il a co-écrit les textes et dont il va défendre désormais le projet politique devant les sénégalais.
«Il ne me traversait pas l’esprit de faire de la politique, car quand vous avez un parent qui fait de la politique, de prime abord, vous avez horreur de la politique parce que vous voyez le manque de temps. Vous voyez la pénibilité de l’engagement, vous voyez les absences répétées du pater», disait Bassirou Diomaye Faye dans un entretien avec des médias locaux, au sortir de la présidentielle 2019.
De Plan B à président ?
« Président, tu dis souvent que je suis têtu, on ne s’entend jamais, mais nous sommes toujours ensemble », a t- il lancé, lors de sa prise de parole dans la même conférence de presse sous le regard quasi perplexe d’Ousmane Sonko, drapé de son grand boubou blanc.
Avant de poursuivre « Je suis quelqu’un de particulièrement raisonné, de particulièrement raisonnable, de particulièrement sensé, de particulièrement réfléchi ».
Bassirou Diomaye Faye, alors secrétaire général et n°2 du parti, avait été interpelé et placé en garde à vue dans la soirée du 14 avril 2023 puis placé sous mandat de dépôt le 18 avril pour «actes de natures à compromettre à la paix publique », «outrage à magistrat » et «diffamation à l’encontre d’un corps constitué », à la suite de la publication d’un post sur les réseaux sociaux où il critiquait le comportement de certains magistrats.
Suite à un réquisitoire supplétif du parquet, il s’était vu accuser des mêmes chefs que son mentor Ousmane Sonko.
Après près d’un an de détention, BDF comme le surnomment ses intimes, est sorti de prison sous les habits de l’un des candidats favoris à la présidentielle.
Il devra désormais se montrer sous les habits de numéro un et montrer qu’il a le profil de l’emploi.
Ousmane Sonko ne tarit pas d’éloges à l’endroit de son « petit frère ».
« Bassirou, c’est moi. Il est extrêmement brillant et je peux meme dire qu’il est plus honnête que moi « .
Après avoir fait de Diomaye le candidat du Pastef, Ousmane Sonko s’est érigé en bouclier contre les critiques et les attaques des adversaires sur l’inexpérience et l’impréparation de Bassirou Diomaye Faye pour assumer la fonction présidentielle.
Des critiques que El Malick Ndiaye, porte-parole du candidat rejette catégoriquement. « Diomaye a les épaules assez larges pour piloter le projet. Il a travaillé sur les dossiers techniques. Il a dirigé les cadres. Il est l’artificier du projet », confie t-il.
Secrétaire général du Syndicat autonome des agents des Impôts et domaines, puis secrétaire général du Pastef et président du Mouvement national des cadres patriotes (Moncap), Bassirou Diomaye Faye est au coeur du projet du Pastef et a contribué à implanter le parti dans la diaspora.
Ses proches décrivent un homme « méthodique, sérieux, un esprit brillant, très discret, froid dans l’analyse, cohérent dans les idées et qui sait exactement dans chaque situation donnée comment maîtriser ses sentiments. »
Quel est le programme de Diomaye président ?
S’il venait à être élu au soir du 24 mars 2024, Diomaye Faye deviendrait le cinquième président de la République et le premier fonctionnaire formé à l’Ecole nationale d’Administration du Sénégal (ENA) à accéder à la fonction suprême.
Bassirou Diomaye Faye qui a réussi en même temps les concours de l’ENA et de la magistrature, est aussi connu pour sa passion pour l’agriculture et l’élevage. « Les dimanches et les congés, surtout en période d’hivernage, Bassirou les passe au village, dans les champs », lit-on sur le site officiel de campagne de sa coalition.
Diomaye , qui a comme référence et modèle politiques l’ancien président du conseil Mamadou Dia et le savant Cheikh Anta Diop, a toujours revendiqué ses origines rurales, lui qui s’est imprégné de valeurs éducatives et sociales typiques de son terroir, Ndiaganiao, en pays sérère.
Le projet qu’il défend et intitulé « pour un Sénégal souverain, juste et prospère » vise le changement social et la justice pour faire du Sénégal « une nation juste, prospère et souveraine ancrée dans des valeurs fortes ».
« Cette vision prône la nécessité de trouver de nouvelles voies de développement économique et social du Sénégal, fondées sur les valeurs de patriotisme, de travail acharné, d’éthique et de fraternité. »
Ce projet s’articule autour de cinq axes comprenant quinze orientations.
Le premier axe concerne le renouveau institutionnel et l’engagement en faveur de l’Afrique. Le candidat désigné par Ousmane Sonko propose des réformes majeures, notamment la suppression du poste de Premier ministre et l’instauration d’un poste de vice-président, qui serait élu en tandem avec le président.
Les prérogatives et attributions du président et du vice-président seront clairement fixées dans la Constitution.
Le volet économique du candidat Bassirou Diomaye Faye regorge de propositions et de projets phares. Il propose notamment « un modèle économique endogène d’industrialisation par substitution aux importations pour parvenir à une économie efficace et résiliente fondée sur une gestion transparente des finances publiques ».
Sur le plan monétaire, la proposition majeure consiste à la sortie du Sénégal du Franc CFA. Le candidat Bassirou Diomaye Faye souhaite mettre en œuvre une réforme monétaire qui permettra au Sénégal d’intégrer une monnaie unique pour l’ensemble des pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ou de disposer de sa propre monnaie si les conditions ne sont pas réunies.
Dans son projet, le candidat Bassirou Diomaye Faye propose également la renégociation des contrats d’exploitation du gaz et du pétrole ainsi que les accords de défense et de pêche.
La création de pôles économiques régionaux, le développement et le renforcement des infrastructures économiques (chemins de fer, électrification, services postaux, télécommunications, réseau routier), la préférence nationale et la consommation locale constituent les autres points de ce programme économique.
Longtemps resté dans l’ombre de son leader charismatique, Bassirou Diomaye Faye doit assumer un nouveau statut, un nouveau rôle et convaincre au-delà de son propre camp, qu’il ne serait pas juste un président par défaut.
À moins d’une semaine du scrutin, l’opposant n’a plus beaucoup de temps pour endosser les habits de chef à la place du chef et prouver sur ses capacités à succéder au président Macky Sall à la tête du Sénégal. Ce qui serait sans doute un coup de génie unique en Afrique.
Par BBC Afrique