Défi climatique, protection de l’environnement, la participation de la Guinée à la COP26, et la suspension de la Guinée par l’Union Internationale de conversation de la nature (l’UICN). Le Ministre Oyé Guilavogui s’exprime ‘’exclusif ’’
Dans une interview exclusive accordée à notre rédaction, le ministre guinéen de l’Environnement, des Eaux et Forêts, a donné des explications sur le défi climatique et la protection de l’environnement. Par ailleurs, Mohamed Oyé Guilavogui est revenu sur la transition écologique, les enjeux du réchauffement climatique et des orientations prises par les politiques publiques. Nous vous proposons un extrait de cet entretien, lisez……
Quel regard portez-vous en tant que ministre de tutelle sur la situation de la Guinée quant au défi climatique et de la protection de l’environnement ?
Oyé Guilavogui: Nos préoccupations sont tellement grandes que je me demande par où il faut commencer, mais ce que je retiens, ce que l’Afrique subit. Nous ne sommes pas responsables de ce réchauffement climatique, mais il faut reconnaître quelques part que l’Afrique contribue à la perturbation, aux déséquilibres du climat, la désertification des sols et contribué au changement climatique. Mais étant conscient de ce fait, l’Afrique est assez placée dans la logique réelle de respecter les engagements de Paris. Parce qu’avant cette convention, avant cette conférence des parties, la préoccupation était mondiale à cause du rythme de réchauffement de notre planète. Alors que des engagements avaient été pris par tous les États qui ont fait partie de cette conférence et c’était la COP21 qui se voulait dynamique. La COP était inscrite dans la dynamique de l’action directe. Ce qui fait que toutes les parties ont signé cette convention. Du côté guinéen, on s’était engagé pour une réduction sensible de pourcentage de nos émissions de gaz à effet de serre. Et également baisser la température d’ici 2030 à 13%. Donc ces engagements ont été pris. Et ces engagements vont à leur droite ligne pour la réduction, l’adaptation, l’atténuation, la transparence, le transfert de technologie, le renforcement de nos capacités et le financement des projets. Voilà quelques engagements qui ont été pris par notre État, la Guinée. Alors je ne sais pas par où il faut tenir, mais c’est une préoccupation internationale. Donc la Guinée continue de respecter, dans sa contribution nationale, à agir sur la nature pour pouvoir faire cette atténuation et l’adaptation.
Comment analysez-vous la prise en compte de la situation générale environnementale par les politiques publiques mises en œuvre en Guinée ?
Je veux bien comprendre. Tous les pays avaient pris des engagements en se souciant du fait que les plus pollueurs devraient les accompagner. Mais très malheureusement c’est l’effet contraire que nous avons enregistré depuis la tenue des différentes COP. Sinon je peux vous dire qu’on s’est engagé drastiquement à la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. Mais il y avait des engagements pris par les bailleurs de fonds de nous engager pour pouvoir respecter les engagements pris par nos États qui subissent le réchauffement climatique. Mais très malheureusement à chaque COP tous les États qui subissent, particulièrement les États africains, dénoncent la lenteur et la participation de l’accompagnement de ces pays responsables de cette production. Donc pour l’heure nous nous contentons seulement de la contribution de nos États dans la réduction de nos engagements à partir des politiques de réduction de ces effets de ce gaz à effet de serre. Donc pour l’heure la balle est dans le camp des pays développés et qui n’ont pas respecté leur engagement. Ce qui est regrettable, c’est que tous les ans nous participons à ces différentes COP. C’est le cri d’alarme partout dans les pays en sous-développement qui n’ont jamais été écoutés. Donc je me demande à quel moment nous allons sortir pour tout au moins respecter les engagements vis-à-vis de la communauté internationale.
Pouvez-vous nous préciser sur les politiques menées quant à la gestion de l’eau, de forêts et des terres ? Et quel mécanisme mettez-vous en place, lorsque l’on rencontre ce cas de figure sur le territoire pour que des réponses techniques soient accessibles et mises en œuvre ?
Cette question est bien précise. C’est pour vous donner le détail de notre contribution nationale en Guinée. Étant conscient du rythme de dégradation et de l’élévation de la température dans notre pays, nous n’avons pas attendu l’intervention de décideurs, de bailleurs de fonds. On s’est appuyé sur notre contribution nationale qui a été d’ailleurs appréciée par les Nations Unies. Et nous avons un peu pensé à la restauration de nos forêts qui sont complètement dégradées. Ce qui est source du tarissement de nos cours d’eaux. Et le chef de l’État, il y a trois ans, avait émis l’idée de travailler directement avec le ministère de la Jeunesse pour résoudre quelque peu ce problème d’employabilité des jeunes. Et donc on a donné l’idée qu’il était question que le ministère de l’Environnement travaille avec le ministère de la Jeunesse pour pouvoir procéder à un reboisement massif à l’intérieur du pays et sur l’ensemble du territoire. Et nous avons créé une compétition entre les préfectures. L’État a mis de gros moyens à la disposition du ministère de l’Environnement. Nous avons pu reboiser plus de 3 mille hectares sur l’ensemble du territoire national et essentiellement sur les berges des fleuves aussi sur les bassins pour protéger un peu nos cours d’eaux. Parce qu’on s’est rendu compte que ces cours d’eaux ne faisaient que tarir d’année en année. Ce qui ne sauvait pas du tout les barrages hydroélectriques. Et on vient à peine de lancer l’un des plus gros barrages hydroélectriques en Guinée (Souapiti, 450 MW) il y a de cela deux ans. Et la première année déjà on a constaté la baisse du début de l’eau. Donc on s’est rendu compte que c’est l’intervention des hommes sur les forêts qui couvrent ces cours d’eaux qui sont complètement destinés par la population. Donc d’où l’intérêt de lancer la campagne de reboisement à l’intérieur du pays. Donc ça a été une action très suivie en Guinée et la même politique continue. C’est pour vous dire que nous n’avons pas attendu l’intervention des pays développés pour pouvoir sauver nos forêts et nos sols.
En considérant les zones aurifères artisanales de Mandiana, de Siguiri, Kerouané et d’autres, quelles sont les dispositions prises pour une restauration des sols ou tout au moins pour le suivi environnemental post extraction ?
C’est vrai que les miniers en Guinée contribuent beaucoup à la dégradation de nos sols. Étant conscient de cela dans le contenu de leur permis d’exploitation, l’État a bien précisé et insisté sur la restauration de ces sols si bien que dans leur programme d’intervention sur le terrain, les miniers ont mis un volet de reboisement dans leur programme d’intervention. Et très malheureusement, il faut reconnaître que ce programme n’est pas bien suivi par les miniers. D’où chaque fois qu’on se rend là-bas, on se rend compte que les terrains sont dégradés complètement, et les volets qui sont chargés pour la restauration ne sont pas financés. Alors théoriquement dans leur budget, vous voyez des montants colossaux qui sont réservés pour la restauration de ce sol. Mais une fois que l’année tourne, ils continuent à dégrader. Mais pour le cas spécifique de Siguiri et de Mandiana c’est encore plus grave. Parce que là ce n’est pas seulement les miniers qui détiennent des permis qui interviennent directement sur la nature. Mais aussi les pays tels que le Burkina Faso et le Mali qui viennent complètement s’investir sur le sol et qui dégradent sans aucune autorisation de l’État. Ce qui fait qu’il est très difficile de les contrôler dans leur intervention sur le sol. Et la dégradation va à un rythme très inquiétant. Alors nous avons décidé, c’est vrai que ce n’est pas encore accepté, que désormais qu’on inverse les choses. Au lieu que ce soient les miniers eux-mêmes qui mettent les fonds en place et les exécutent sur le terrain pour la restauration du sol, désormais on aimerait bien que ce soit le ministère de l’Environnement qui se sert de ces fonds et qui exécute sur le terrain, et que ce soient les miniers qui contrôlent la restauration du sol. C’est pour inverser un peu les rôles. Mais je dois faire une communication en conseil des ministres pour que cette idée soit soutenue. Parce qu’il ne nous sert absolument rien pour inscrire des gros montants pour la restauration et que l’opération ne se fasse pas sur le terrain. Ce qui fait que si vous allez en Haute Guinée c’est un cri d’alarme, tout est complètement dégradé. Alors si on ne fait pas garde, on risque de ne plus avoir un sol pour les cultures. Et les forêts vont disparaitre complètement. Pourtant c’est bien précisé dans le contenu des permis qu’ils bénéficient de l’État, qu’ils ont l’obligation de les restaurer.
Entretien réalisé par Amadou Tidiane DIALLO