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Nouveau gouvernement guinéen : de quoi demain sera-t-il fait ? (3e partie)

Dans ce troisième et dernier volet, j’aborderais les enjeux et défis qui attendent l’opposition guinéenne face à un nouveau gouvernement et une fin de mandat dont on ne connait pas les contours.

Les enjeux tout comme les défis changent de dimension et de nature selon la conjoncture politique ou économique. En la matière, la nomination de M. Kassory Fofana comme Premier ministre pourrait conduire à une sorte de mutation pouvant impacter tant bien l’opposition que le parti au pouvoir.

Parmi les premiers signes, le départ de certains leaders qui ont accepté des portefeuilles ministériels avec ou sans dissolution de leur parti politique dans le RPG. Se réclamant jusque-là de l’opposition, ils plastronnent désormais sur les tribunes du RPG Arc-en- Ciel ou s’affaissent sur les fauteuils ministériels.

Quant à l’opposition républicaine, dont les leaders ont accepté « l’usure de leurs pantalons », pour paraphraser un dirigeant de l’UFDG, elle continue la traversée du désert. Un choix qui s’inscrit dans la durée et au nom d’un idéal : lutter pour l’alternance politique devant instaurer une nouvelle gouvernance. A cette fin, une nouvelle approche de l’avenir avec ses paramètres et ses contraintes s’impose parmi lesquelles :

La définition d’une nouvelle stratégie gagnante

L’enjeu majeur de l’opposition actuelle est sa capacité ou non de satisfaire les attentes de changement dont rêvent ses partisans.

Cette opposition est engagée depuis mai 2018 dans une nouvelle course au pouvoir face à un nouveau gouvernement dont on ignore, comme je le disais, la mission principale : réparer les erreurs du quinquennat plus trois (ans), préparer un troisième mandat comme l’affirment certains.

Dans tous les cas, il va falloir une nouvelle stratégie. Celle-ci doit être méticuleusement préparée et parfaitement maitrisée. Cela implique la capacité de l’opposition de dresser un schéma directeur, un calendrier électoral, une démarche commune et un plan de combat. Bref, une stratégie qui repose sur un certain nombre d’actions.

Cette stratégie ne saurait réussir si certaines plaies ne sont pas cicatrisées. Cela induit le rétablissement du dialogue intra-opposition par le retour définitif de certains leaders politiques qui se disent de l’opposition sans réellement en faire partie.

Je suis conscient que je touche à un tabou en évoquant l’idée de retour ou de dialogue.  En effet, il y a de toutes parts des radicaux, disons-le comme ça, qui sont allergiques à toute idée de rapprochement. Ils avancent les échecs du passé, notamment celui de 2010 sans trop vouloir en analyser les raisons. A mon avis, pour gagner, il faut tout tenter : faire, refaire et défaire ce qui n’a pas réussi avant jusqu’à obtenir gain de cause.

Je sais également que les mêmes considèrent que parler de stratégie, c’est minimiser ce qui a été fait ; c’est critiquer négativement l’opposition. Ce qui n’est pas vrai. Pour moi, la stratégie passée et actuelle a juste aidé l’opposition à exister. Elle devra mettre en place celle qui lui permette de gagner aux prochaines élections, plus précisément la présidentielle de 2020.

Pour cela, il faut une recomposition politique. Je l’aborderais dans un esprit critique en vue de proposer ma vision de la démarche et de la mission dévolue à certains hommes politiques.

Une nouvelle alliance pour une nouvelle opposition à l’aune de 2020

La situation qui prévaut depuis l’avènement d’un nouveau gouvernement va générer une nouvelle coexistence ou une crise de plus. L’opposition devrait pouvoir saisir l’une ou l’autre hypothèse pour en tirer les bénéfices.

A ce jour, cette opposition est grosso modo composée de six partis politiques : le RDIG, le GRUP, l’UDG, le Bloc Libéral (BL) l’UFDG… On comprend aisément que le premier enjeu soit l’ouverture à d’autres partis et mouvements politiques. Parmi les quels : l’UFR, le PEDN, le PUP, le PADES sans exclure d’autres.

L’objectif doit être de renforcer les partis membres de l’opposition actuelle par le retour des poids lourds déçus ou à cheval.

Mais aucune nouvelle alliance ou recomposition n’est possible si les différents acteurs ne jouent pas la même partition au profit de l’intérêt supérieur des guinéens. A cet effet, il s’impose à chacun de clarifier sa ligne et son appartenance politique : mouvance, opposition, sans étiquette.

Cela est d’autant plus nécessaire que le drame de l’opposition africaine, guinéenne en l’occurrence, c’est sa perméabilité, sa division, son manque de constance et son incapacité à se hisser au-dessus des querelles de chefs.

Depuis plusieurs années les principaux leaders politiques guinéens se regardent en chien de faïence à tel point que la vraie opposition semble être celle qu’ils se livrent. Trois personnalités ont leur rôle à jouer pour décanter cette situation.

Le président de l’UFDG, chef de file de l’opposition

L’initiative de la reconstruction ou de la recomposition politique revient, selon moi, au président de l’UFDG, chef de file de l’opposition. Les raisons sont évidentes.

L’UFDG forme déjà avec d’autres le noyau principal de l’opposition actuelle. Ce parti se doit, par le statut et la stature de son président, continuer à mutualiser et à brasser.

Le président de l’UFDG doit continuer de consolider ses liens avec ses alliés actuels mais il devrait aussi faire la cour aux autres. Il ne devrait pas hésiter de tenter les rapprochements les plus inattendus en retournant vers des adversaires ouvertement déclarés ou d’anciens alliés.

En effet, faire vivre un parti politique, une alliance ou coalition de quelle que nature que ce soit, c’est comme planter de l’igname : tu dois accepter les innombrables postures, t’assoir, te pencher, te coucher, t’arcbouter, te courber, te lever, répéter tout ce processus jusqu’à pouvoir déterrer le tubercule.

L’homme politique, doit apprendre à se faire des amis, à se rapprocher de ses adversaires, éventuels partenaires. En politique, les adversaires d’aujourd’hui peuvent être les alliés de demain.  Du coup, quand l’ami s’en va, l’adversaire arrive et inversement. La preuve !  Qui est le porte-parole actuel du gouvernement ?

L’UFDG, ai-je dit, devrait tout tenter pour réunir et rassembler. Je reste convaincu, que ceux qui pensent faire cavalier seul, au détriment de ce parti ou d’autres, risquent gros. L’inverse est tout autant risqué.

Les présidents de l’UFR et du PEDN

 

  1. Sidya Touré, président de l’Union des Forces Républicaines (UFR) détiendrait, selon plusieurs observateurs, le nœud de la réussite ou de l’échec de la classe politique guinéenne. Les mêmes analystes considèrent qu’il ne semble pas disposé à un dénouement profitable tellement il jouerait perso.

Un tel point de vue est renforcé par les récentes déclarations de M. Lansana Kouyaté, président Parti de l’Espoir pour le Développement National (PEDN) sur les choix du président de l’UFR qui ne seraient pas judicieux.

Pour bon nombre de guinéens, M. Touré devrait se positionner clairement. Un homme politique ne peut tanguer d’un bord à l’autre et attendre paisiblement l’échec ou la victoire de l’une des parties pour changer le fusil d’épaule, soutiennent-ils. Il se doit de la constance dans l’adversité ou le partenariat en évitant de jouer à la fois au caméléon en changeant de couleur et au tisserand qui file du bon ou mauvais coton selon la tête du client et les circonstances, renchérissent certains.

Le leader de l’UFR, cet homme respectable devrait donner plus de la lisibilité à sa ligne politique. C’est le seul gage de stabilité et de réussite de son parti car il ne tirera pas plus d’avantages en coopérant avec le pouvoir qu’il n’en aurait s’il était dans l’opposition.

Pour mieux exister et se faire prévaloir le statut de troisième force politique du pays, ce parti, de l’avis de plusieurs Guinéens, devrait montrer plus de constance d’autant plus qu’il a encore de grands cadres.

Cependant, les questionnements touchent également le PEDN de M. Lansana Kouyaté. Ils concernent le long séjour de ce leader du côté de Paris. On ne verrait pas d’un mauvais œil son retour au pays pour taire les interrogations sur son positionnement politique.

Il rassurerait aussi sur la nature de son engagement. Aurait-il tiré les leçons de l’expérience post-électorale de 2010 qui n’a pas été porteuse en 2015 ni pour lui ni pour l’opposition ? Ou bien les déboires auraient-ils eu raison de lui ?  Autant de questions qu’on se pose.

Beaucoup de ses compatriotes souhaiteraient que M. Kouyaté rentre au pays pour mettre en pratique ses préconisations et faire bénéficier ses talents tant à son parti qu’à l’opposition. Enfin, le fait de s’éloigner trop longtemps de ses militants désoriente et frustre ces derniers.

Je conclurais cette série d’articles en rappelant que les enjeux et défis qui attendent la classe politique guinéenne sont innombrables. Il est de la responsabilité de l’opposition et du parti au pouvoir de les assumer.

La première doit résister à l’enthousiasme, presque généralisé, lié à la nomination du premier ministre. Du genre : « le nouveau premier ministre est l’ami du chef de file de l’opposition ». Se fier à une telle assertion laisse penser que M. Kassory serait un interlocuteur plus favorable qu’un autre.

Une telle vision des liens personnels en politique pourrait, à termes, se révéler un piège pour ceux qui y croient. Il faudrait donc relativiser les probables effets positifs de la nomination d’un membre d’un parti adverse au poste de premier ministre. Ne dit-on pas qui a embrassé sait plus que quiconque où mordre pour que ça fasse mal ?

L’opposition guinéenne doit être et rester, au risque de ne plus exister, un interlocuteur et non un partenaire du gouvernement. Elle devrait prendre du recul tout en exigeant respect et considération de la part du pouvoir.

Ce dernier doit éviter de jouer à la toute-puissance en s’inspirant, notamment, de la fin des systèmes qui l’ont précédé.

J’ai la ferme conviction qu’une grande part de ce qui se jouera en 2020 dépend de la grandeur dont feront preuve les leaders de l’opposition. S’ils continuent à se tirer sur les pattes comme des crabes qu’on grille ensemble, ils n’échapperont pas à la mort politique. S’ils ont la force d’esprit de viser une cible commune alors leurs tirs croisés porteront. Donc, de leur attitude et comportement dépendra leur propre échec ou réussite future.

Je dis que les leaders de l’opposition n’ont pas le droit de nous faire échouer à nouveau. Ils doivent réussir en mutualisant leurs efforts, en mobilisant et valorisant tous les partis qui se battent pour une alternance politique. Tout porte à penser que les Guinéens croient encore en leur capacité. Ils devront prouver qu’ils en sont dignes en enterrant la hache de guerre et en mettant définitivement fin à la lutte des égos.

Les militants et sympathisants des partis politiques devraient faire pression sur leur président respectif pour les inciter, voire obliger, à composer avec les autres. Ainsi les Guinéens sont-ils libérés de l’étau du passéisme qui les enferme dans des considérations anachroniques.

Enfin, si à l’aune de 2020, des leaders de l’opposition s’obstinaient à détruire le rêve de changement, il ne serait pas mal que leurs militants et responsables à la base leur portent le coup KO à la place du RPG et du Professeur.

 

Lamarana-Petty DIALLO      

lamaranapetty@yahoo.fr

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