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Meurtre de Mamoudou Barry et la question de l’intolérance

Nous avons, la nation reconnaissante, rendu un dernier et vibrant hommage à Mamoudou Barry et à Dounet,  dans Mamou et auprès des  siens, il reposera à jamais, pour son sommeil éternel, sous la terre bénie de ses ancêtres.

Plusieurs jours après le crime, nous continuons toujours à pleurer Mamoudou, tant notre émotion est encore vive et notre affliction, immense, à juste titre.

Il est vrai qu’il est toujours difficile de perdre un proche, de voir s’en aller, à la fleur de l’âge, une vie pleine de promesses. Mais, il est encore plus insupportable,  lorsque celui-ci arrive dans des circonstances de violences extrêmes, comme celles de la tragédie du 19 juillet dernier.

A l’issue des actions de solidarité qui se sont exprimées à Conakry et à Rouen (France) et continueront encore plus longtemps, mes pensées vont à la famille Barry, à son épouse très éprouvée et à leur tendre fille. Cet élan de compassion nationale et internationale à certain égard qui s’est manifesté est toujours opportun en pareille circonstance et peut contribuer à atténuer l’amertume des proches.

Pour quelqu’un qui est décrit comme aimable, serviable et inoffensif,  Mamoudou n’aurait jamais dû être victime d’actes de violence, encore moins de violence raciste, comme à ce stade, ce que l’enquête et les témoignages sur l’incident laissent légitimement à croire. Mais fatalistes que nous sommes, nous disons que notre sort est décidé par la main invisible de ce qu’on appelle, destin qui frappe comme il veut et souvent dans des situations particulières et émouvantes. Nous subissons, impuissants, la faucheuse, l’impitoyable, victorieuse indéfectible. Il est d’ailleurs écrit, nous sommes tous, prisonniers de notre destinée. Misérable, voilà le vrai nom de la destinée humaine.

Mais au moment où nous célébrons le deuil de notre compatriote, nous savons tous que dans notre pays et partout dans le monde, la question de l’intolérance, sous toutes ses formes, est plus que jamais d’actualité et empoisonne la vie des individus et des peuples.

Nous savons tous que dans les montagnes d’Afghanistan, dans les déserts de l’Irak,  au Levant, en Occident, au Sahel…dans bien de régions de la terre, le terrorisme fait terriblement des vagues et des hécatombes chaque jour. Le conflit israélo-arabo-palestinien aux racines plusieurs fois millénaires, sévit sérieusement au Proche-Orient et affecte certaines dimensions des relations internationales. Au nom d’un chauvinisme irrationnel, les migrants sont refoulés aux portes de l’Europe et de l’Amérique, après des traversées périlleuses, la plupart du temps aux dépens de leurs vies. En Afrique subsaharienne, les conflits intercommunautaires de tout genre, frappent de plein fouet des pays, étouffent le «vivre ensemble » et confisquent leur développement.

En Guinée, dans le pays de feu Mamoudou, le tissu social est en lambeau en raison du communautarisme exacerbé. Depuis l’indépendance, mais à une échelle encore plus importante aujourd’hui, les questions politiques et partisanes continuent à nous diviser et sont parfois, sources de tensions importantes. Sur des sujets, essentiels ou parfois banals, il y a certains acteurs de la vie nationale dont le discours et les actions ne pas sont très éloignés de l’acte du scélérat du 19 juillet.

Certes, sur la question, il ne s’agit pas de peindre un tableau tout noir. Grâce à certains progrès, l’intolérance a reculé dans plusieurs endroits dans le monde. Bien de vertus de tolérance ont enregistré des succès dans le monde : il est un peu plus libre de penser, de s’exprimer, de croire, bref de vivre sa différence par rapport au siècle dernier.  Mais ces progrès accomplis sont assez timides pour parvenir à une éradication complète de ce fléau. Le chemin qui reste à parcourir pour avoir un monde totalement débarrassé de toute intolérance est encore long et nous interpelle tous, tant que nous sommes, à plus d’engagement.

Les interactions humaines actuelles dues à la globalisation et toutes ses imbrications renforcées grâce aux réseaux sociaux et autres nouvelles  technologies de la communication ne doivent pas nous aveugler sur le fort passif du phénomène et ses nouvelles manifestations. D’ailleurs, en Europe et en Amérique, les mouvements extrémistes gagnent du terrain et remportent même des élections ; dans des régions d’Asie, au Sahel… le fanatisme religieux continue à enregistrer de nouvelles recrues dans ses rangs.

Dans l’affaire du 19 juillet, certaines informations font état de problèmes psychiatriques du meurtrier présumé. Ces éléments ne sont pas encore confirmés. Nous devons avoir la vigilance de mise jusqu’à ce que toute la vérité soit faite et que justice soit totalement rendue. Mais, c’est à croire finalement et à juste raison que les auteurs et commanditaires d’actes d’intolérance ne sont pas psychologiquement sains.

En attendant que justice se fasse dans cette affaire, nous pleurons, chez nous toutes les victimes de violences et d’actes d’intolérance. Quand nous aurons conclu notre deuil, nous ne devrons jamais oublier que nous avons tous, autant que nous sommes, la responsabilité de travailler pour le jour où, l’épouse Barry dira à leur tendre fille : 《tiens, ton père fut victime d’acte raciste, d’intolérance. Mais c’était une époque obscure et elle est désormais révolue. Tu n’auras plus à avoir peur de vivre ta différence ma fille 》. Nous aurons alors réussi, après tant d’échecs, à payer la rançon de l’intolérance. Ainsi, Mamoudou et toutes les autres victimes ne seront alors pas morts pour rien. Mamoudou Barry, cher compatriote, dors en paix!

 

Aboubacar SYLLA

 

 

 

Président de l’UFC

 

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