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Mali : les clés d’une transition apaisée

Ce vendredi 28 août 2020, un sommet extraordinaire des chefs d’État de la CEDEAO se tient par visioconférence. Au menu des discussions, la situation de crise au Mali après le changement de régime intervenu le 19 août dernier.

Cette réunion, la troisième du genre après celles du 27 Juillet et du 20 août, intervient au lendemain de la rencontre, à Bamako, entre la délégation de l’organisation communautaire dirigée par le médiateur Goodluck Jonathan et la junte au pouvoir.

Il est attendu des chefs d’État de la sous-région une position claire par rapport au souhait de la junte de gérer une période de transition d’au moins deux ans, avant le retour à l’ordre constitutionnel. Il sera aussi question du maintien ou de la levée des sanctions imposées au pays.

Arrêtons-nous d’abord sur la décision irrévocable du président déchu Ibrahim Boubacar Keita de renoncer au pouvoir au profit de l’intérieur supérieur de la nation. En même temps qu’elle libère le peuple malien de la crainte d’une exacerbation des passions et de l’éventualité de voir sortir du bois des nostalgiques (déjà !) du défunt pouvoir, cette décision freine les ardeurs de la CEDEAO, et au delà, de la communauté internationale, obligées de constater le fait accompli. Certes, le débat sur la légalité ou la légitimité du coup de force opéré, il y a quelques jours, se posera encore, aujourd’hui, mais il convient désormais de procéder à une analyse lucide de la situation actuelle pour jeter les bases d’une transition apaisée.

Il faut se rendre à l’évidence. Si l’ex-président IBK avait, reconnaissons-le, initié un certain nombre de mesures destinées à permettre au Mali de s’ouvrir davantage au monde et, surtout, initié des réformes dans de nombreux secteurs de la vie nationale, il était cependant passé à côté de l’essentiel : assurer aux Maliens de meilleures conditions d’existence, dans un contexte économique certes difficile, mais aussi accentué par la crise sécuritaire et la mal gouvernance.

Si le putsch du 18 août dernier a été accueilli avec soulagement et beaucoup d’espoir par une bonne partie du peuple malien, c’est bien parce que l’intransigeance des acteurs politiques avait fini par créer les bases d’une insurrection généralisée. Les fondements mêmes de l’État malien étaient ébranlés, son autorité bafouée et donc tous les ingrédients étaient réunis pour aboutir au chaos. Avec un Exécutif désemparé et à la recherche d’un consensus impossible à trouver auprès de protagonistes dont le seul mot d’ordre était la démission du président de la République, une Assemblée nationale remise en question après des élections législatives controversées, le Mali risquait de vivre des lendemains incertains.

Ainsi, l’avènement du Comité national pour le salut du peuple (CNSP), dirigé par des officiers patriotes qui se sont engagés à préserver l’unité nationale et garantir la paix sociale, doit être considéré comme une nouvelle opportunité, pour un pays aux ressorts rouillés, de jeter les bases d’une véritable refondation.

Le changement intervenu sans effusion de sang, ni manifestations hostiles contre les militaires, apporte un nouveau souffle au peuple malien. Un souffle d’espoir annonciateur de perspectives heureuses pour un pays longtemps confronté à des disfonctionnements de tous ordres, politique, économique, social et culturel. Le CNSP n’a pas clairement défini les conditions d’un transfert du pouvoir aux civils, mais il aurait proposé à la mission de la CEDEAO une durée de transition de deux ans. Un délai que l’organisation tient à raccourcir pour le porter entre sept et douze mois.

Il nous paraît, pour notre part, judicieux de s’inspirer du modèle de transition qui avait permis à la Guinée voisine, à l’époque du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) dirigé par le capitaine Moussa Dadis Camara, puis par le général Sékouba Konaté, entre décembre 2008 et décembre 2010, de revenir à la légalité constitutionnelle. Un délai de douze à dix huit mois nous semble tout à fait acceptable pour mettre en place un nouveau cadre institutionnel plus conforme aux attentes du peuple malien. Parmi les priorités du CNSP qui s’est engagé à gérer la transition avec toutes les forces vives du Mali figure en bonne place la nécessaire remise en état des fondamentaux de la République, sans quoi tout effort sera vain.

Le CNSP peut compter sur l’adhésion du peuple malien, stoïque et solidaire malgré les menaces de sanctions de la communauté internationale, en particulier la CEDEAO fortement attachée au respect des dispositions de son Protocole additionnel sur la bonne gouvernance et la démocratie, notamment en son article 1er, point c (tout changement anti-constitutionnel est interdit de même que tout mode non démocratique d’accession ou de maintien au pouvoir).

Cependant, cette adhésion populaire est loin de signifier un blanc-seing pour la junte, encore moins un chèque en blanc. Il lui faudra, pour rassurer les uns et les autres sur sa réelle volonté de corriger les errements d’un passé récent, restaurer l’autorité de l’État malmenée par des comportements et attitudes d’une autre époque, poser les jalons d’un réarmement moral, aussi bien de l’armée que du peuple malien dans son ensemble et, enfin, procéder à l’assainissement des finances publiques à travers des audits exhaustifs de la gestion antérieure. Un préalable nécessaire pour comprendre comment le pays en est arrivé là, situer les responsabilités et initier les mesures correctives qui s’imposent.

Dès lors, les récents évènements ne doivent pas remettre en cause l’impérieuse nécessité de voir les autorités militaires, tous les acteurs politiques, les forces vives et la société civile, œuvrer ensemble pour préserver le seul bien commun et cher à tous : le Mali, une nation qui doit rester debout, fière et digne d’assumer pleinement les responsabilités que lui confère sa souveraineté. Face aux menaces d’isolement de la communauté internationale, à travers la CEDEAO, l’Union africaine, l’Union européenne et le Conseil de sécurité de l’ONU, en dépit des bonnes dispositions affichées par la junte à l’égard notamment de l’ancien président et de ses proches collaborateurs, le CNSP doit donner des gages du respect scrupuleux du chronogramme de la transition telle que souhaitée avec l’implication active de la classe politique, des syndicats et de la société civile.

Dans le contexte actuel de surenchère et de positionnement de certains politiciens qui inscrivent déjà leur action dans l’après-transition, il ne sert à rien de brûler les étapes et d’agir dans la précipitation. Il appartient, en définitive, au peuple, et au peuple malien seulement, de désigner les hommes et les femmes à même de le diriger. D’où la nécessité d’un débat inclusif, consensuel et ouvert à tous les fils du Mali, qu’ils soient au pays ou à l’extérieur des frontières maliennes, les cadres locaux et ceux de la Diaspora, pour enfin remettre le pays au travail.

 

Karim DIAKHATÉ

Directeur de Publication du magazine Le Panafricain

Coordonnateur de la Rédaction du magazine Afrique Démocratie

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