Face à la pression de la rue pilotée par le mouvement M5, le chef de l’État fait un mea-culpa en annonçant la dissolution de la Cour constitutionnelle, qui constitue l’un des points de revendication des frondeurs. Vendredi, une troisième mobilisation contre le président IBK a eu lieu à Bamako. Alors que le mouvement M5 avait appelé à la désobéissance civile, des barricades ont été érigées et des bâtiments publics saccagés. Les heurts ont fait quatre morts et des dizaines de blessés. Plusieurs leaders de la contestation ont été arrêtés. Dans une tentative d’apaisement, le président a annoncé une « dissolution de fait » de la Cour constitutionnelle samedi soir.
La Cour constitutionnelle focalise les protestations en cours, avec le président lui-même. Dans une brève allocution télévisée, la deuxième en une semaine, Ibrahim Boubacar Keïta a indiqué qu’il abrogerait les décrets de nomination des juges de la Cour encore à leur poste, ce qui revient à une « dissolution de fait ».
« J’ai décidé d’abroger les décrets de nomination des membres restants de la Cour constitutionnelle et d’aller vers la mise en œuvre des recommandations issues de la mission de la Cédéao », a-t-il dit. « Cette dissolution de fait de la Cour va nous conduire dès la semaine prochaine à demander aux autorités compétentes la désignation de membres pour que, rapidement, une cour reconstituée nous aide à trouver les solutions aux contentieux issus des élections législatives », a déclaré le président.
La décision de la Cour constitutionnelle d’invalider une trentaine de résultats des élections législatives de mars-avril passe pour un élément déclencheur de la contestation qui a atteint son apogée vendredi et samedi.
La capitale est agitée par des troubles depuis vendredi, suite à la troisième mobilisation du mouvement M5, dont plusieurs leaders ont été arrêtés. Dès vendredi soir dans la nuit, Issa Kaou Djim aurait été l’un des premiers à avoir été interpellé. Le coordinateur de la CMAS, l’une des 3 organisations qui composent le M5, est l’un des bras-droit de Mahmoud Dicko, l’influent et respecté imam présenté comme l’un des leaders de la contestation.
Pendant la manifestation de vendredi, à la tribune Issa Kaou Djjim avait appelé les manifestants à la désobéissance civile et a occupé des bâtiments administratifs.
Clément Dembélé, président de la plateforme anti-corruption, a également été arrêté chez lui dans la nuit de vendredi à samedi. Depuis, ses proches sont sans nouvelles. Déjà en mai, il avait été détenu par la sécurité d’État pendant une quinzaine de jours avant d’être remis à un procureur.
Selon un communiqué du M5, l’imam Oumarou Diarra aurait aussi été arrêté ce samedi. Membre actif de la CMAS, c’est lui qui a dirigé les prières sur la place de l’indépendance les jours de mobilisation.
Peu après la publication de ce communiqué, deux anciens ministres d’Ibrahim Boubacar Keïta devenus opposants Choguel Maïga et Mountaga Tall ont été interpellés alors qu’ils sortaient d’une réunion du M5, dans le quartier de Badalabougou, théâtre de plusieurs regroupements d’opposants ce samedi. Mountaga Tall a ensuite été relâché dans la soirée.
Les arrestations, j’ai envie de dire : le pouvoir pense que ça va intimider les leaders du mouvement, que ça va décourager la protestation. Au contraire, ça va augmenter la détermination des Maliens pour mener cette lutte à bien, a indiqué Moussa Sinko Coulibaly.
Le silence de l’imam Dicko
Des manifestants se sont notamment dirigés autour du domicile et de la mosquée de l’imam Mahmoud Dicko, l’autorité morale des contestataires, alertés par une fausse rumeur : celle de l’arrestation de l’imam, démenti ensuite par son entourage. Car celui qui est présenté comme le leader de la contestation reste discret depuis le début des violences à Bamako ce vendredi. Il n’a pas pris la parole publiquement, il n’était d’ailleurs pas présent à la manifestation place de l’indépendance vendredi.
À plusieurs reprises, il a rappelé que sa fonction religieuse lui imposait une certaine retenue. Le 19 juin, il avait calmé des dizaines de milliers de manifestants qui voulaient marcher vers Koulouba, le palais présidentiel pour réclamer la démission du chef de l’État. Ce jour, il avait affirmé ne pas faire de politique. « Je ne sais que diriger la prière » avait-il déclaré.
Pourtant, les hommes politiques, de tous les camps, multiplient depuis le début de la crise les rencontres officielles ou officieuses avec Mahmoud Dicko. Le 4 juillet, le président IBK l’a reçu en aparté au palais présidentiel. Car l’ancien président du Haut conseil islamique semble continuer de mobiliser la colère populaire.
Seul le dialogue est le salut pour nous. Nous appelons les responsables politiques à accepter ce dialogue, à saisir la main tendue du président de la République, parce que notre pays ne peut pas souffrir d’une autre crise.
RFI