« Les Guinéens sont tellement cons qu’ils ne savent même pas que leurs femmes sont belles » me répétait à l’envi, feu William Sassine.
Cela me faisait penser à un joli petit film italien que j’ai vu à Grenoble fin 1973, juste après mon arrivée en France. Il s’appelait Ma femme est un violon, ce chef- d’œuvre. L’histoire d’un pauvre type tellement insignifiant que le bus ne s’arrêtait même pas quand il lui faisait signe ; un musicien tellement nul que l’orchestre cessait de jouer dès qu’il poussait une petite note.
Comble de l’ironie, il s’appelait Vivaldi, ce résidu humain ! Le nec plus ultra de l’humour latin à un moment où le cinéma italien passait pour le joyau du 7ème art ! Un jour, notre petit imbécile, accompagne son épouse chez le médecin pour une visite de routine. Bien sûr, le toubib dénude sa poitrine pour pouvoir l’ausculter et tombe en pâmoison devant la petite déesse.
Pour la première fois, notre dérisoire Vivaldi réalise qu’il a dans son lit la plus belle femme de la ville. Alors, il va en profiter pour se forger une personnalité, gagner enfin le respect et la considération qui lui manquaient. Suit une série de gags où le pauvre homme va s’efforcer de montrer au premier venu le corps magique de son épouse : à ses collègues musiciens, aux cheminots, aux flics, aux marchands de glace, même aux clochards.
Il ira jusqu’à enfoncer une grosse épine dans l’orteil da la pauvre femme après l’avoir habillée d’une pièce unique qui la recouvrait de la tête aux pieds.
Evidemment, les médecins sont obligés de la déshabiller complètement pour pouvoir soigner son pied. « C’est vous, le mari, c’est vous ? -Bien sûr, que croyez-vous ? » Voilà : le pauvre Vivaldi est devenu quelqu’un pas par son génie, pas par son effort, juste grâce aux charmes ensorcelants de sa compagne !
Peut-être que les Guinéens eux aussi finiront par acquérir le prestige et la prospérité le jour où ils prendront conscience qu’ils ont les plus belles femmes d’Afrique de l’Ouest. J’avoue que moi-même -je ne suis pas Guinéen pour rien ! – j’ai mis du temps avant de m’en rendre compte.
Pourtant, en France, mes amis Maliens, Sénégalais, Ivoiriens etc. me l’ont toujours répété. Seulement, un jour et pour la première fois, je pris l’avion de Conakry pour me rendre dans un pays voisin dont je tairai le nom. Deux ou trois jours après, une curieuse question jaillit dans mon esprit : « Qu’est-ce qui manque ici ? ». La réponse tomba comme un couperet : « Les belles femmes, pardi ! »
Il ne s’agit évidemment pas de prendre les autres de haut. Il s’agit simplement d’apprécier à leur juste valeur le charme de nos mères, de nos filles et de nos compagnes. Pour une fois que nous damons le pion à quelqu’un, pourquoi bouder notre plaisir ?
D’autant qu’elles ne sont pas que ravissantes, nos « belles au bois dormant ». Elles sont aussi élégantes, elles sont aussi naturelles. Plus que tout, sympathiques et agréables à regarder !
Prenez le temps un jour d’arpenter nos rues et d’oublier un moment la fringale, le palu, le manque d’eau (au robinet, s’entend !), les pannes de courant, les éboulements sur nos routes et les gueules hideuses de ceux qui nous dirigent et laissez-vous bercer le regard. Moi, de promenade, je reviens toujours reclus de torticolis à force de zyeuter à gauche et à droite, l’incessant défilé des belles créatures.
Le fait est là, Dieu nous a tout donné, tout : la mer, les fleuves, les montagnes, la forêt, les belles plantes, les bons fruits, les belles femmes. Tout, je vous dis, tout sauf des dirigeants ! Mais nous pouvons nous consoler en nous disant que nous avons le privilège d’habiter un pays dénommé Femme.
Guinéennes, merci d’être belles, merci d’être fortes, merci d’être libres !
Tierno Monénembo, in Le Lynx