Face à une situation « fortement dégradée », la filiale au Niger du spécialiste français de l’uranium Orano va « suspendre » sa production de concentré d’uranium à partir du 31 octobre, faute de pouvoir « continuer à travailler » dans ce pays dirigé par un régime militaire depuis quinze mois.
« L’aggravation des difficultés financières de la Somaïr contraint cette société », installée dans la région d’Arlit dans le nord du Niger, « à suspendre ses activités », a annoncé mercredi à l’AFP la porte-parole d’Orano à Paris. Selon Orano, la production de concentré d’uranium du site sera « à l’arrêt à compter du 31 octobre », faute de pouvoir exporter cette matière première. « Malgré tous les efforts déployés » auprès du régime militaire nigérien arrivé au pouvoir en juillet 2023 « pour essayer de débloquer la situation » et obtenir des autorisations d’exportation, « toutes nos propositions sont restées sans réponse », a expliqué la porte-parole d’Orano.
Le spécialiste français du cycle de l’uranium Orano possède 63,4% de la Somaïr, détenue pour le reste par la Sopamin, société d’État du Niger. Leurs représentants étaient absents mercredi d’un « conseil d’administration extraordinaire consacré à la situation de Somaïr ». Quinze mois après l’arrivée au pouvoir d’un régime militaire, la seule mine exploitée par Orano au Niger depuis 1971, associée à une usine de production de concentré d’uranium (dit « yellow cake ») se trouve toujours dans l’incapacité d’exporter ses produits, en raisons de difficultés logistiques.
Le régime militaire au pouvoir à Niamey, qui a fait de la souveraineté un de ses mantras, a plusieurs fois répété qu’il souhaitait revoir en profondeur le système d’exploitation des matières premières sur son sol par des compagnies étrangères. Très récemment, le 19 septembre, le conseil des ministres a adopté un projet de décret portant création d’une Société d’État dénommée « Timersoi National Uranium Company », en abrégé TNUC, sans aucune précision.
« Impossible d’exporter »
« Les frontières sont toujours fermées » avec le Bénin, « il est donc impossible d’exporter », a expliqué la porte-parole d’Orano, soulignant que les propositions alternatives pour exporter par la voie aérienne via la Namibie étaient également « restées sans suite ». « On est dans la contrainte, dans l’impossibilité de continuer », a dit la porte-parole en rappelant de précédentes difficultés pour le site qui avait dû arrêter sa production quelques mois, entre septembre 2023 et février 2024, faute de pouvoir faire venir des intrants chimiques.
Au-delà du 31 octobre, « la maintenance se poursuivra, mais il n’y aura plus de production », a-t-elle ajouté, en déplorant une situation « navrante » qui « s’impose à nous », alors que « le site fonctionne très bien » et des conséquences « importantes, et notamment en premier lieu pour nos salariés et les sous-traitants ». Au total, le site emploie quelque « 780 collaborateurs et autant de sous-traitants », « à 99% nigériens », qui continueront d’être « rémunérés jusqu’au 31 décembre 2024 ». Au total, 1.050 tonnes de concentré d’uranium issus de stock de 2023 et 2024, soit près de la moitié de la production moyenne annuelle du site, sont actuellement bloquées sur le site, sans pouvoir être exportées vers les clients.
Leur valeur marchande est estimée à « 300 millions d’euros », selon le groupe Orano, dont le capital est détenu à 90% par l’État français. La suspension de l’activité de la Somaïr « sera actée à l’issue d’un conseil d’administration extraordinaire qui se tiendra dans quelques jours », selon Orano. Le groupe a déjà fini le premier semestre 2024 dans le rouge avec une perte de 133 millions d’euros, plombé par les difficultés de ses activités minières au Niger. Cette perte est principalement due à « 197 millions d’euros » de « provisions et dépréciations » passées au cours du semestre.
Les dépréciations concernent le permis d’exploitation du gisement d’Imouraren, retiré en juin au groupe par les autorités du Niger (69 millions), ainsi que des actifs de sa filiale Somaïr (105 millions). Le groupe a en outre inscrit 23 millions de provisions pour des risques divers, notamment fiscaux, dans le pays. Malgré ses difficultés au Niger, Orano s’est toujours voulu rassurant sur la sécurité d’approvisionnement des clients électriciens, qui « reste assurée grâce à la diversité de ses sources d’approvisionnement », notamment au Canada et au Kazakhstan.
AFP