En pleine crise du coronavirus qui ne cesse de tourmenter le monde et qui focalise toutes les attentions, la Commission électorale guinéenne a proclamé, le 1er avril dernier, les résultats des législatives du 22 mars dernier.
Ils donnent une large victoire au Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), le parti au pouvoir, qui a raflé 79 des 114 sièges de députés que compte l’Assemblée nationale. C’est à se demander si les autorités guinéennes ne cherchaient pas simplement à passer sous silence cette victoire de la honte obtenue au forceps et dont il n’y a pas de quoi se gargariser eu égard au climat de fortes tensions qui ont entouré le scrutin et le sang versé de dizaines de Guinéens qui exerçaient, depuis des mois, leur droit constitutionnel de contestation d’une procédure viciée à la base. Et le retrait, tour à tour, d’institutions internationales comme la CEDEAO, l’OIF et l’Union africaine (UA), qui a contribué à jeter le discrédit sur un processus électoral déjà fort décrié, n’est pas pour donner plus d’éclat à une victoire qui ne brille que par sa pâleur.
Quoi qu’il en soit, en l’absence de l’opposition dont les principaux partis avaient, de guerre lasse, choisi le boycott, on ne pouvait que parier sur une victoire du parti au pouvoir qui n’est donc en rien étonnante. Pour autant, Alpha Condé peut-il s’en féliciter ? Libre à lui, mais comme le dit l’adage, « à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ». Et dans le cas d’espèce, il n’y a d’autant pas matière à fanfaronnade que cette consultation populaire sous tensions et sous forte protection militaire, est une parodie d’élection qui est loin de servir la cause de la démocratie. Car, avec cette razzia du parti au pouvoir et l’absence remarquable de l’opposition, l’on se dirige vers une Assemblée monocolore qui a toutes les chances d’être une caisse de résonnance de l’Exécutif en Guinée.
C’est dire si avec cette large victoire qui confère, au parlement, une plus que confortable majorité au président Alpha Condé à peine remis des émotions du Oui de son référendum contesté qui lui ouvre les portes d’un troisième mandat, la marge de manœuvre de l’opposition politique semble à présent bien réduite. Et dans un système aussi verrouillé que celui de la Guinée aujourd’hui, avec en plus une Justice aux ordres et une armée acquise à la cause du dictateur, à l’heure où l’on ne parle que de confinement sanitaire lié au coronavirus à l’échelle planétaire, c’est peu de dire que la démocratie aussi a fini d’être confinée au pays d’Alpha Condé. Si ce n’est pas un recul démocratique, cela y ressemble fort. Car, en concentrant autant de leviers du pouvoir entre ses seules mains, sans véritable contre-pouvoir, Alpha Condé n’est pas loin d’être un Néron des temps modernes. A Conakry, un empereur nous est né.
En tout état de cause, à présent que tout est visiblement accompli, on se demande quelle sera la réaction du Front national de défense de la Constitution (FNDC). Va-t-il continuer à ruer dans les brancards jusqu’à en perdre haleine ou saura-t-il trouver la parade contre le Professeur qui peut, à présent, boire son petit lait et voir venir les choses après s’être créé les conditions légales d’une possible candidature à sa propre succession ? On attend de voir. Mais l’expérience a souvent montré que dans les circonstances où ils usent de tripatouillage constitutionnel pour s’accrocher au pouvoir, les dictateurs se soucient peu de leur légitimité aux yeux de leur peuple.
C’est visiblement le cas d’Alpha Condé que rien, pas même le coronavirus, n’aura pu arrêter dans sa volonté de contourner l’obstacle constitutionnel de limitation des mandats, malgré la clameur nationale et internationale, pour s’ouvrir les portes d’un possible pouvoir à vie.
Mais tout porte à croire que la lutte du peuple guinéen ne s’arrêtera pas là et que ces élections marqueront le début d’une nouvelle bataille. C’est dire si la Guinée n’est pas encore sortie de l’auberge. Et, sans jouer les Cassandre, l’on est quand même porté à croire que les djinns de la violence des manifestations-répressions risquent de s’inviter pour longtemps encore au débat politique, dans un pays qui ne cesse de se faire peur en dansant continuellement sur un volcan. Cher Professeur, ce n’est pas comme cela que l’on construit la démocratie ! La Guinée mérite mieux.
Le Pays