Mamadou Dian Baldé, journaliste et éditorialiste ne ménage pas le chef de file de l’opposition pour ses récentes sorties hasardeuses dans la presse parisienne. La fuite en avant du gouverneur de la ville de Conakry face aux morts causées par les inondations dans la banlieue de la capitale figure également dans cette chronique hebdomadaire « croustillante » de notre confrère.
Talibé Barry: Bonjour Mamadou Dian. Dans votre chronique de cette semaine, vous revenez sur les ratés enregistrés dans les sorties du président de l’UFDG dans la presse internationale, qui lui valent depuis des railleries dans la cité et sur la toile. Et vous titrez « Cellou entre le zist et le zest » ?
Mamadou Dian Baldé : Le leader de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) doit être gêné sans doute aux entournures, après les dérapages qu’il a commis dans sa récente sortie sur France 24. Un entretien dont il a profité pour ravaler ses propos tenus la veille sur le plateau de TV5. Cette attitude cauteleuse renvoie une image négative du principal opposant au régime, à un moment où le pays est à la croisée des chemins. Lui qui constitue pourtant l’un des maillons forts des forces vives opposées au changement constitutionnel.
Face à un président qui veut tenter un passage en force pour perpétuer son pouvoir.
La tentative de Cellou de rectifier le tir, en ménageant la chèvre et le chou n’a pas prospéré. Sinon quel mal y avait-il pour lui de s’en tenir à son mea culpa des méfaits causés par la révision constitutionnelle de 2001, dont il fut l’un des acteurs clés, en tant que ministre de la république. Que de trouver le lendemain, de peur certainement de liguer contre lui les « héritiers » de l’ancien parti au pouvoir, cette parade peu efficace. Qui consiste à dire sur le plateau de France 24, que «Lansana Conté avait le droit de changer la constitution parce qu’il était un bon président ».
Cellou venait de donner ainsi des verges à ses adversaires pour se faire battre. Au Rpg on continue de moquer les propos de l’opposant, en lui rétorquant que si ‘’Conté fut un bon président, Alpha aussi en est un.’’ Donc pourquoi ne pas alors lui donner la latitude de changer notre constitution.
Le parti au pouvoir n’a d’ailleurs pas tardé à annoncer les couleurs samedi, pour son fameux projet de changement de constitution.
Le chef de file de l’opposition doit se départir de son instinct pusillanime et assumer sa ligne politique.
Comme l’a dit Nicolas Sarkozy : « ceux qui ne peuvent supporter d’être hais ne doivent pas faire de la politique. Il n’y a pas de destin sans haine.».
L’effet boomerang d’une saturation médiatique
Pour vous Mamadou Dian, le chef de l’opposition guinéenne subit le revers d’une « saturation médiatique »…
Nombreux sont aujourd’hui les observateurs qui pensent que le fait d’avoir enchaîné des sorties médiatiques du côté de Paris, dans le cadre de sa campagne anti troisième mandat, a produit plutôt un effet boomerang.
Lors de son récent séjour parisien, Cellou Dalein Diallo y est allé très fort, il faut le reconnaître, en faisant le tour des plateaux de télévisions de TV5, France 24, avec en sus des interviews sur RFI, Africa N1 et dans l’express, en un cours laps de temps.
Dans ses interviews, l’ancien Premier ministre de Lansana Conté, devenu par la force des choses le principal opposant au pouvoir d’Alpha Condé s’est illustré par des critiques acerbes contre le système.
Le but était de dénoncer les velléités du pouvoir, aux yeux d’une communauté internationale qui semble afficher son indifférence sur le sort de la Guinée.
Mais Cellou a fait une boulette en reniant ses propos, en tissant des lauriers à Lansana Conté, après avoir la veille, déploré le fait d’avoir été l’un des promoteurs de la modification constitutionnelle de 2001.
Cela a suscité une vive polémique qui n’est toujours pas retombée. Malgré l’opération de déminage entreprise par son entourage. Sans succès. Le mal étant fait.
Mettant ainsi de l’eau au moulin de ses adversaires, tant du parti au pouvoir que de l’opposition. Quand on sait que certains opposants ne peuvent plus voir Dalein en peinture.
La saturation médiatique a ses revers. Et Dalein vient d’en faire l’amère expérience.
En son temps, Alpha Condé en tant qu’opposant, communiquait peu. Ce qui fait que ses rares sorties dans la presse suscitaient une grande attention chez ses militants et adversaires.
Pourtant le leader historique du Rpg frayait avec de nombreux hommes de médias, qui lui servaient en quelque sorte de « boucliers » contre le pouvoir de Conakry.
Fuite en avant de Mathurin face au drame de Dabondy
Vous êtes de ceux qui ont été offusqués par la sortie du gouverneur de la ville de Conakry contre les victimes des inondations survenues dans la commune de Matoto, le week-end dernier. Une sortie qui, pour vous, a sali la mémoire des 5 victimes des ordures ?
Le gouverneur de la ville de Conakry n’a pas trouvé mieux à faire que de se défausser sur les pauvres victimes des inondations de Dabondy 3, qu’il accuse sans sourciller d’être les seules responsables du funeste sort qu’ils venaient de subir. Par la mort de 5 de leurs enfants, provoquée par la force des eaux, suite aux pluies diluviennes qui se sont abattues sur la capitale dans la nuit de vendredi à samedi.
Sans aucune décence morale, Mathurin Bangoura pointe du doigt les constructions anarchiques des habitants de la zone, auxquelles il impute ces inondations. Dans une capitale insalubre et dont les rares égouts servent de dépotoirs d’ordures aux populations. Lui qui aurait dû débarrasser le plancher en pareilles circonstances, au lieu de se poser en moralisateur de bas étage.
C’est le lieu de dénoncer ces opérations d’assainissement initiées les derniers samedis de chaque mois, qui ne seraient en réalité que des coups de com, et des prétextes pour enrichir ceux qui gèrent la manne consacrée à ces soi-disant ramassages.
Tout comme le gouverneur, le maire de la commune Matoto dont relève la zone sinistrée, Mamadouba Tos Camara, s’en est pris aux victimes dans des termes peu amènes.
L’édile dont l’élection a souffert de contestations au lieu de compatir à la douleur des familles éplorées, a pesté en balançant à la figure des victimes, tel un juge hystérique: « les décisions sont prises. Nous allons casser toutes les maisons sur les caniveaux. Depuis trois jours, le ministre de la ville, a donné l’instruction de venir identifier les zones qui sont occupées anarchiquement. Donc, nous autorités communales, nous allons les identifier et les déguerpir ».
La fuite en avant de ces deux personnalités dans la gestion de cette crise, ne peut que choquer l’opinion. Preuve qu’étant du même tonneau, ils sont simplement de la caste d’administrateurs intéressés par le profit.
De par leur attitude, Mathurin et Tos ont sali la mémoire des 5 victimes de ces inondations, dont l’une n’avait que 3 ans. Mais que voulez-vous quand on est dans un système où seuls priment les renvois d’ascenseurs et autre népotisme.
Comme toujours, c’est le peuple qui trinque.
Des ordures qui tuent, ce n’est pas une première à Conakry
Vous rappelez que les ordures avaient déjà fait des victimes dans un passé récent. Vous faites allusion à l’éboulement survenu au niveau de la décharge de Dar es Salaam, n’est-ce pas ?
Les victimes de la décharge de Dar es Salaam sont encore dans nos mémoires. Les 9 morts de l’éboulement survenu le 22 août 2017. Depuis, les riverains de cette décharge continuent de squatter la zone, ce malgré les promesses du gouvernement de déplacer cette montagne d’ordures vers un site plus approprié.
C’est finalement l’option de déguerpissement des habitants du coin qui semble retenir l’attention des autorités compétentes.
Le ministre de la Ville Dr Ibrahima Kourouma vient de réitérer ses menaces. Et tout porte-à-croire que l’opération aura lieu, incessamment. Le drame de Dabondy3 pourrait leur servir d’adjuvant.
Même si jeter ces pauvres populations à la merci des pluies, avec le début de l’hivernage ne ferait pas honneur à notre gouvernement.
Ce pouvoir a pêché en n’ayant pas réussi en 9 ans, à sortir des sentiers battus en termes de salubrité urbaine. En lieu et place d’une politique bien pensée, d’assainissement et de salubrité, on se contente d’opérations ponctuelles, sous l’œil des caméras.
Aux familles des victimes de Dabondy, le président a offert une enveloppe de 40 millions de fg et quelques tonnes de riz. Et la boucle est bouclée.
Mamadou Dian Baldé
Journaliste et éditorialiste