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Karamo Nabé RPG « Il faut quelqu’un de plus violent que Doumbouya pour le faire partir du pouvoir » (Interview)

Dans une interview accordée à notre rédaction, le secrétaire fédéral du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) arc-en-ciel France et coordinateur Europe, Karamo Nabé a soutenu que pour faire partir le président de la transition le Colonel Mamadi Doumbouya au pouvoir, « Il faut certainement quelqu’un de plus violent ». Il estime d’ailleurs que seul Alpha Condé est capable de déloger le putschiste sans violence.

Afriquevision.info : Comment se porte le RPG Arc-en-ciel en Europe ?

Karamo Nabé : le RPG Arc en ciel au niveau de l’Europe se porte bien. Les sections européennes du Parti sont composées de 7 pays. Au niveau de la France, on continue de faire des activités. On essaie de préparer le retour de notre champion, Alpha Condé.

Afriquevision.info : depuis que votre leader a été renversé, est-ce que vous tenez des réunions régulièrement ? Si oui de quoi vous parlez ?

Vous savez, il n’y aucun motif qui doit faire que nous cessions nos réunions. Comme je dis souvent, le président Alpha Condé n’a jamais démissionné de son pouvoir. Donc, pour nous, les sections du RPG en Europe, le président légitimement et légalement élu s’appelle Alpha Condé. Et ce, jusqu’en 2026. Nous, les réunions se font régulièrement. (…). Nous nous battons toujours ici et en Guinée pour faire en sorte que l’ordre constitutionnel soit rétabli en République de Guinée. Et pour nous, rétablir l’ordre constitutionnel implique implicitement le retour d’Alpha Condé au pouvoir. Cliquez ici pour lire l’intégralité de  l’Interview de Karamo Nabé du RPG Europe – YouTube

Afriquevision.info : nous avons vu une note circulaire suspendant l’ancien député Souleymane Keita pour faute ” lourde”. Quelle est votre réaction ?

Je ne n’aime pas trop commenter les décisions internes du RPG. Puisque le RPG comme tous les autres partis politiques c’est un parti qui est régi par un règlement intérieur auquel tout le monde est tenu et qui régit le fonctionnement interne du par ti. Donc que ce soit le RPG ou un autre un parti politique, je pense que s’il y a une décision de suspension, ça doit être motivé par quelque chose. Ce que je sais, l’honorable Souleymane Keita est un militant du RPG et je pense que lui-même n’a pas réagi et se plie à la décision qui a été prise contre lui. Aujourd’hui, l’heure est plutôt à la remobilisation. Nous appelons tout le monde à faire en sorte que personne ne tient un discours de division, de dispersion. Nous devons tous nous donner la main et faire en sorte que le remplacement générationnel se fasse de façon naturelle.

Afriquevision.info : Saloum Cissé a annoncé que désormais c’est Kassory Fofana qui dirige le RPG Arc-en-ciel et qu’Alpha Condé reste le président fondateur. Qu’en pensez-vous ?

Ce n’est pas exactement ce que Saloum Cissé a dit. C’était juste une erreur de langage. Sinon, les structures du RPG sont claires. Le président du parti s’appelle Alpha Condé. C’est lui qui a été élu par le congrès. Personne ne peut contester ça. Quand Alpha Condé a été absent, Kassory Fofana a été élu effectivement à la tête d’un conseil dont le nom est très spécifique qui s’appelle Conseil exécutif provisoire. Donc cela n’a rien à voir. Le président du parti reste Alpha Condé bien qu’il soit le fondateur.

Afriquevision.info : est-ce qu’on peut s’attendre à une sanction contre Saloum Cissé par rapport à cette sortie ?

C’est une erreur de langage. Je pense que Saloum avait promis d’éclaircir ce point. Il a voulu dire qu’Alpha Condé est le président du parti et c’est lui qui l’a fondé aussi. C’est juste un abus de langage qui l’a entraîné à dire Kassory. Il voulait dire Kassory président du conseil exécutif provisoire. Donc, on ne s’attend à aucune sanction.

Afriquevision.info : selon vous, en dehors de Kassory Fofana, qui pourrait conduire les destinées du RPG ?

Le RPG est pétri de talent que ce soit à l’extérieur ou à l’intérieur du pays. C’est ce qui démontre d’ailleurs que le RPG est un parti démocratique. Vous avez un peu partout des personnes qui s’excitent. À un moment donné on nous parlait de Zakariaou Koulibaly, de Ibrahima Khalil Kaba et d’autres personnes. Ça démontre la richesse du RPG. Et là, je ne parle pas de l’extérieur. Il y a beaucoup de compétences qui pourraient conduire les destinées du RPG, le parti est régi par un règlement intérieur. Il y a quelqu’un qui a été élu par le congrès qui s’appelle Alpha Condé qui est, pour le moment, à la tête du parti. Il est, non seulement, le président du parti, mais aussi le président de la République.

Afriquevision.info : beaucoup de gens prédisent la disparition du Rpg comme ce fut le cas du PUP et du PDG-RDA. Selon vous, que faut-il faire pour remobiliser le sous-marin jaune ?

Je pense que vous avez une vision erronée (rires) de l’actualité du RPG qui reste, pour le moment, le plus grand parti de la Guinée. Pour nous, le RPG n’a jamais été démobilisé ou démembré. On ne peut pas du tout comparer le RPG au PUP, ni au PDG-RDA. Puisque ces deux partis là dès qu’ils ont perdu le pouvoir, les personnalités sont parties, nous cela fait deux ans qu’on est là. Et la preuve que le RPG est le plus grand parti de la Guinée ce que dès que le RPG prend la parole ou une simple photo  d’Alpha Condé qui sort sur les réseaux sociaux tout le pays est ému y compris le CNRD. Aujourd’hui, le seul homme politique capable de faire partir Mamadi Doumbouya du pouvoir c’est Alpha Condé. Ça c’est évident.

Afriquevision.info : le faire partir par les urnes ou par les armes ?

Vous savez, le RPG est un parti démocratique. Le RPG n’a jamais prôné la violence, ou cautionné tout ce qui est moyen illégal. Le RPG a perdu les élections en 1993. Si ce parti était un parti armé ou violent, on aurait fait en sorte que l’on récupère le pouvoir. Le RPG a été triché en 1998 aussi. Nous allons reconquérir le pouvoir légalement. Comme Alpha Condé n’a jamais démissionné donc le RPG est en train de se battre pour faire en sorte que nous récupérions le pouvoir qui a été perdu.

Afriquevision.info : le CNRD a célébré ses deux ans au pouvoir le 05 septembre dernier. Quel bilan tirez-vous de sa gestion ?

Je n’aime pas commenter le bilan de cette junte puisqu’elle a été complètement détournée de son objectif. Tout le monde sait qu’une transition c’est principalement la préparation des élections. Comme c’est une période transitoire, aujourd’hui même le nom de cette junte est trompeur. Il dit le Conseil national pour le développement. Ils ne sont pas là pour le développement. Pour nous, nous n’avons jamais cru à cette junte. Mamadi n’a jamais respecté ses engagements y compris tout ce qui a été dit dans son discours du 05 septembre 2021.

Le principal motif de sa prise du pouvoir, selon lui, c’est que le pouvoir était personnalisé. Aujourd’hui, le pouvoir est personnalisé, en plus, il est personnifié. Il avait dit que la justice serait la boussole de la transition. Aujourd’hui tous les Guinéens sont en train de voir plutôt l’injustice qui est la boussole de la transition. Il avait dit qu’il lutterait contre la corruption. Aujourd’hui tout le monde est en train de voir que la Guinée n’a jamais été aussi corrompue, puisqu’on entend parler de milliards de détournements qui n’ont jamais été encaissés dans les caisses de l’État. Il a dit aussi que quand il serait au pouvoir il n’y aurait plus les erreurs du passé et que le sang d’aucun Guinéen ne serait plus versé. On a vu qu’en deux ans, ils sont à une trentaine de morts. Donc, nous pensons que ce que nous avions dit dès le début c’est ce que la Guinée est en train de vivre. Même ceux qui ont applaudi pour Mamadi Doumbouya au début sont en train de le traiter aujourd’hui y compris le FNDC et tous les autres leaders politiques.

Nous, nous sommes plutôt contents du fait que les gens se sont rendus à l’évidence. Ce que nous avions dit au début qu’on n’avait pas confiance à cette junte, c’est ce qui est en train de se faire. Aujourd’hui, pour nous, le bilan de cette junte est totalement négatif même s’il y a évidemment quelques affaires positives. En tout cas la corruption, les détournements et toutes ces morts qu’il y a, ce 05 septembre 2021 au palais et que les familles de ces différentes victimes n’ont pas eu droit d’enterrer leurs enfants. C’est aujourd’hui très regrettable. C’est ce bilan que nous tirons. À cela s’ajoute toutes les violations des droits de l’homme en Guinée y compris sur les journalistes et sur les citoyens. Pour nous, le bilan est totalement négatif. La seule chose pour la Guinée d’aujourd’hui c’est que cette junte-là doit partir.

Afriquevision.info : quelle analyse faites-vous de son discours au siège des Nations-Unies ?

Avant d’arriver au discours, nous avons été très déçus par les Nations-Unies. Des grandes nations qui disent aujourd’hui véhiculer les valeurs universelles de la démocratie, nous ne pouvons pas comprendre qu’on invite à la tribune des Nations-Unies une junte et de surcroît sanguinaire. Et nous avons compris que les Nations-Unies sont devenues une tribune où n’importe qui peut venir et à n’importe quel moment. C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles la plupart des grands présidents du monde ne se sont pas présentés à cette session. Quand on parle des Nations-Unies, on parle du Conseil de sécurité. Il y a cinq pays qui président ce conseil. On peut dire qu’aucun des présidents ne s’étaient présentés à part Joe Biden qui était chez lui. Donc c’est un Sommet pour lequel nous n’accordons pas beaucoup d’importance.

Et par rapport au discours, le Colonel a exposé de façon explicite sa volonté à tout le monde. Vous venez pour une transition au lieu de venir dire le programme de la transition, dire aux gens comment est-ce que vous allez faire en sorte que votre transition finisse, vous venez lancer des critiques contre la CEDEAO et les puissances. Ce qui reste clair, toutes les puissances ont compris que ces gens-là ne sont pas venus pour partir. Mamadi Doumbouya à clairement dit qu’il n’est pas pour la démocratie et que la démocratie n’est pas adaptée à l’Afrique. Cela veut dire qu’il est pour le stalinisme, ou Bokassa, ou un régime aristocratique. Donc nous pensons que le contexte ne s’y prêtait pas. Celui qui a écrit ce discours là pour lui l’a orienté vers un mauvais chemin et lui a glissé une peau de banane sur les pieds. Il a exposé sa volonté à toute la communauté internationale dont nous attendons la réaction.

Afriquevision.info : il dit également que « les vrais putschistes sont ceux qui manipulent les textes pour se maintenir au pouvoir ». Est-ce qu’il fait allusion à votre président Alpha Condé ?

Dans son discours, il a parlé de généralité. Mais, nous ne croyons jamais à ce que la junte a dit notamment Doumbouya. Il a parlé du troisième mandat comme motif de son coup d’État. Aujourd’hui, la CRIEF au lieu de servir d’organe de lutte contre le crime est devenue plutôt un organe de règlement de comptes. Aujourd’hui, si c’est le troisième mandat qui était la cause de son coup d’État, Alhassane Ouattara serait parti. Mais, pourquoi il y a eu coup d’État au Mali alors que le président était sur son deuxième mandat. Pourquoi il y a eu un coup d’État au Niger alors que Mohamed Bazoum était à sa deuxième année ? Ceux qui font ces coups d’État utilisent simplement des motifs fallacieux pour justifier leur forfaiture. Les militaires ne sont que des gens à la solde des puissances. Dès qu’il y un panafricain qui essaie de faire en sorte que son pays s’en sorte, on estime qu’il est marionnette et il faut le faire partir du pouvoir. Doumbouya peut dire tout ce qu’il veut. Ils ont trompé les Guinéens. Ils ont même essayé à un moment donné de dire qu’ils sont en complicité avec Alpha Condé pour dire celui qui leur a passé le pouvoir. Cette junte est juste propagandiste. Ce qui nous intéresse c’est quand est-ce qu’il nous organise les élections, qu’il nous donne la liste du CNRD et qu’il donne son bilan économique.

 Afriquevision.info : soupçonnez-vous le CNRD des velléités de se maintenir au pouvoir ?

Naturellement ! Nous nous sommes toujours dit que Mamadi Doumbouya a gouverné par l’arrogance, le mépris, par la défiance et par un discours de violence qui ne connaît que le langage de la force, les armes. Ce défi qu’il lance ne nous surprend absolument pas. Nous avons toujours dit qu’il ne veut pas quitter le pouvoir. Il faut certainement quelqu’un de plus violent qu’eux pour les faire partir du pouvoir. C’est évident. Malheureusement pour la Guinée.

Afriquevision.info :  Pourtant, il a promis qu’il ne dépassera pas les 24 mois de la transition…

Nous n’avons jamais cru à la parole de la junte. Nous ne nous inscrivons pas dans un calendrier d’élections. Nous, notre président, n’a pas démissionné. Nous demandons qu’il quitte le pouvoir sinon peut-être qu’on le fera partir. Nous, 24 ou 36 mois, ne sont rien parce qu’ils ne vont jamais respecter le délai.

Pour dérouler le chronogramme de la transition, le gouvernement demande aux partenaires notamment la CEDEAO de l’aider à mobiliser les 600 millions USD…

Cette junte est constituée de personnes perverses et très intelligentes. Les gens pensent que nous avons à faire à des gens qui ne sont pas très intelligents. Ils sont très intelligents. Il n’y aucun point qui a été atteint après deux ans au pouvoir. C’est évident que les 24 mois ne seront pas respectés. Même si on leur donne 5 ans, ils ne vont jamais organiser d’élections. Le montant qu’ils ont, ils l’ont fait sciemment. Qui va leur donner ça ? Quel bailleur de fonds va faire confiance à cette junte pour lui donner ça ? Ils savent bien que personne ne leur fera confiance pour leur donner ça, ni l’Union européenne, ni la CEDEAO ni aucun organisme international. C’est évident qu’ils ne vont jamais avoir ça. Et ça c’est juste un motif pour dire que nous n’avons pas pu organiser les élections par manque de moyens. Je suis convaincu que même si on leur donnait ce montant, ils n’organiseront jamais les élections. Ils savent ce qu’ils ont fait jusqu’à présent. La Guinée a déjà vécu un passif comme ça. Il y a des gens qui sont en train d’être jugés aujourd’hui pour les événements qui se sont déroulés le 28 septembre 2009. Nous, on pensait que ceux qui sont là aujourd’hui allaient tirer les leçons du passé. Ils ont fait pire que ceux qui sont en train d’être jugés. Ils savent que quelque chose les attend. Ils n’ont aucune volonté de quitter le pouvoir.

Afriquevision.info : est-ce que vous regrettez aujourd’hui d’avoir présenté  Alpha Condé au troisième mandat ?

Pas du tout ! Que ce soit moi ou un autre, je crois que nous n’avons aucun regret par rapport à ça. Même le troisième mandat que nous appelons premier mandat de la quatrième République a peut-être été mal utilisé aujourd’hui et cela nous a conduit dans cette situation. Ça je peux vous le concéder. Donc c’est le congrès qui décide du candidat et la législation le permettait aussi. Et aucun juriste ne m’a prouvé légalement qu’Alpha Condé n’a pas le droit de se présenter pour la troisième fois. On peut discuter de la morale et d’autres choses, mais sur le plan légal rien ne l’empêchait de se présenter. À  partir du moment où le RPG l’a désigné candidat du parti à travers un congrès et que le peuple lui-même a voté pour choisir son président. Aujourd’hui, nous pensons que le problème qui se pose ce n’est pas ça. Après qu’est-ce qu’on a fait du troisième mandat ?

Interview réalisée par A. Tidiane & Mamadou Diallo