La violence, encore de la violence observée dans le pays. Les mises en garde n’ont pourtant pas fait défaut. Depuis des années déjà, la sonnette d’alarme est régulièrement tirée. Des observateurs avertissent de la récurrence du phénomène et dégagent des pistes de solutions pour son contrôle.
Les questions politiques et communautaires, les rapports entre autochtones et allogènes dans certaines contrées, la gestion de la terre entre agriculteurs et éleveurs par ci et des zones d’exploitation minière entre communautés voisines par-là, de nombreuses facettes de notre vie sont devenues des échiquiers favorables à la confrontation entre des groupes qui ont souvent des relations de voisinage multiséculaires.
De regrettables manifestations se sont encore produites, cette fois en signe de protestation contre l’interdiction des prières nocturnes des dix derniers jours de Ramadhan. L’événement a donné lieu à un mort, de nombreux blessés et des arrestations. Des manifestants se sont encore attaqués aux symboles de l’Etat. Des biens privés ont été également touchés. Un imam a même été violenté, son domicile vandalisé. Triste tableau pour un pour un pays aux traditions religieuses anciennes.
Pour ce malheureux événement les responsabilités se situent à trois niveaux.
D’abord, celui des manifestants eux-mêmes. On nait musulman, on reçoit la base préparatoire de la pratique religieuse de ses parents et de son environnement social. Une fois adulte et en pleine conscience de soi, il incombe à chacun d’assurer sa renaissance par un travail soutenu d’apprentissage en vue de la bonne connaissance de Dieu et de son adoration correcte. Tel est le but de la création de l’Homme. ‘’Connaissez-moi avant de m’adorer’’, dit le Seigneur. Les manifestants contre l’interdiction du ‘’quiamou laïl’’ n’ont pas bien compris ce précepte.
Il y a ensuite le niveau des organisations religieuses. La Guinée regorge d’une pléiade, on pourrait même dire d’une pléthore d’ONG et associations islamiques. La mission fondatrice d’une organisation islamique est la promotion des principes de l’islam en vue de sa bonne pratique. Mais peu d’organisations islamiques guinéennes s’occupent véritablement à cet objectif essentiel, préférant s’atteler aux questions tapageuses de parade, de soutien politique ou encore de culte de la personnalité pour des raisons inavouées. Et malheureusement, le Secrétariat Général des Affaires Religieuses lui-même ne fait pas exception à cette triste réalité. Les grands séminaires de formation des fidèles et de renforcement de capacité des structures et responsables religieux deviennent de plus en plus un lointain souvenir.
Vient enfin le niveau de l’Etat. L’Etat guinéen doit se réinventer au plan de l’anticipation et de la prévision dans la gestion des affaires. Il doit cesser d’être la machine de diktat, de distribution d’interdictions et de répression dont il renvoie souvent l’image. Il doit muter vers un organisme de gestion réfléchie et cohérente d’accompagnement des citoyens dans une marche ordonnée vers le bien-être et la concorde. L’Etat doit surtout travailler à résoudre la crise de confiance qui l’oppose aux citoyens. Il est inconcevable que les populations se méfient et défient l’Etat en permanence. L’énorme déficit de confiance des populations en sa sincérité et sa bonne foi est la raison des crises à répétition qui les opposent. Dans un climat de qui vive quotidien, le moindre fait divers suffit à dégénérer et entraîner mort d’homme, blessures, destruction de biens et privation de liberté.
Dans cette affaire d’interdiction des prières nocturnes, l’ANSS est dans son rôle. La décision d’interdiction, ou plus exactement la demande d’abstention au ‘’quiamou laïl’’ dans un contexte sanitaire critique, est parfaitement justifiée sur le plan religieux. La préservation de la vie fait partie des finalités principales de l’islam. L’impréparation des populations à la circonstance est fondamentalement la cause des problèmes survenus. L’Etat en est responsable ; il est en faillite.
Puisse Dieu disposer les uns et les autres à assumer leurs responsabilités pour le bonheur de tous. Aameen !
Sény Facinet Sylla
Ancien Secrétaire Général Adjoint
des Affaires Religieuses