C’est un recul pour la liberté de la presse au Bénin. Le célèbre journaliste d’investigation Ignace Sossou a été condamné ce mardi 19 mai 2020 à un an de prison, dont 6 mois ferme.
C’est le verdict pathétique qu’a rendu la cour d’appel de Cotonou. Dans cette affaire qui continue de susciter de vives réactions dans le monde médiatique et politique, le seul crime qu’on reproche à l’homme de plume et de micro, c’est d’avoir rapporté sur son compte tweeter les propos frisants du procureur de République de ce petit pays d’Afrique de l’ouest.
Mais il n’en fallait pas plus, pour abattre la cible, qui est le journaliste d’investigation connu pour ses articles d’enquêtes, dont les dignitaires du régime de Patrice Talon sont souvent furieux. En réalité, pour celui qui connait l’appareil judiciaire du Bénin en déliquescence ces derniers temps, ne sera pas surpris, de la sentence prononcée par cette cour d’appel de Cotonou, ce mardi, contre le journaliste d’investigation Ignace Sossou, écroué déjà dans les geôles depuis plusieurs mois. C’est une purge contre la corporation de la presse en général et l’Afrique en particulier. Il est condamné à 12 mois de prison, dont six mois ferme, ainsi qu’à une amende de 500 000 francs CFA, a rapporté nos confrères de RFI.
Selon toujours ce média, l’audience a été extrêmement courte, elle a duré tout juste deux minutes, et la cour a infirmé la condamnation de 18 mois de prison ferme prononcée le 24 décembre 2019 pour cyber-harcèlement. Ce jugement faisait suite à une plainte du procureur de la République qui a jugé que le journaliste avait déformé ses propos dans trois tweets publiés lors d’un atelier organisé par CFI sur l’intox dans l’information. Six mois ferme et six mois avec sursis, ainsi se résume donc le jugement rendu peu avant 10 heures ce mardi matin.
Ignace Sossou, vêtu d’un jean, d’une chemise blanche avec par-dessus un gilet de détenu, le visage recouvert d’un masque n’a rien dit après le verdict. Il a juste fait un geste de la tête, puis il est retourné s’asseoir dans le banc. Quelques instants après, un gardien est venu le chercher direction la prison civile de Cotonou.
Une condamnation que Me William Bourdon, l’un de ses avocats, juge insensée, car à ses yeux, le dossier est « d’un vide sidéral ». « C’est toujours une tactique, dans des pays autoritaires, ou qui dérivent vers des régimes autoritaires, en cours d’appel, de donner le sentiment d’une certaine mansuétude en diminuant la peine, explique-t-il. Mais évidemment, tout ça est un artifice pour essayer de gommer le caractère insensé de cette condamnation. » Ignace Sossou, affirme l’avocat, est « un homme qui a fait son métier de journaliste, et que son métier de journaliste, qui a reproduit les propos d’un procureur, et qui se retrouve criminalisé et victime d’un acharnement qui est totalement invraisemblable. Enfin, c’est Ubu plus Kafka, cette histoire ! ». Me William Bourdon qualifie l’affaire d’« incroyable dérapage judiciaire » et de « mauvais signal envoyé par ce pays, qui vient conforter des soupçons d’une dérive autoritaire qui chaque jour, semble se confirmer ».
Selon son avocat Me Brice Houssou, Ignace Sossou devra recouvrer sa liberté le 24 juin. Ses collègues, venus nombreux le soutenir, tout comme ses avocats, se sont dits déçus. Le rédacteur en chef adjoint de Bénin Web TV dit regretter son maintien en détention et confie qu’Ignace manque à la rédaction.
Nous sommes très déçus.
Commentant le jugement, Me Brice Houssou avocat du journaliste a déclaré que « Ignace Sossou n’a commis aucune faute déontologique et aucune infraction à loi pénale ». Il n’exclut pas la possibilité d’un pourvoi en cassation.
En face, Me Olga Anasside, conseil du procureur-plaignant, estime que « la cour a été plus clémente » et elle ajoute qu’elle en avait le pouvoir.
Nous sommes assez loin du soulagement espéré parce qu’il va au moins rester encore un mois en prison.
Afriquevision avec RFI