À
Monsieur le président de la République
PALAIS SEKHOUTOUREYA GUINEE-CONAKRY
Monsieur le président,
L’idole que vous fûtes nous a trahis. J’ai choisi de vous écrire directement à propos de votre troisième mandat et des tueries dans notre pays, car les organisations telles que CADHP ou OGDH, censées réclamer la justice pour les survivants, ont peur de tenir tête au parti au pouvoir. A l’instar d’autres institutions dites indépendantes dans ce pays, elles sont soumises aux ordres venus d’en haut.
Pendant votre investiture en 2010, vous avez prononcé un mot « Guinea is back » « Guinée est de retour » je pensais qu’il n’y aura plus de sang guinéen versé injustement. Ou s’agissait d’un simple slogan destiné au monde extérieur ? Parce que la vie des guinéens semble ne pas avoir d’importance.
D’abord, je me présente : je m’appelle Alpha Berete, je suis un Guinéen âgé de 20ans qui a quitté la Guinée par peur de représailles. C’est en cela que je vous en vous en veux, parce que vous nous avez trahis.
Je vous écris cette lettre, avec le cœur, la raison et le courage car il y a beaucoup à exprimer. Et bien que je craigne l’orage, rien ni personne ne m’arrêtera. Car tant que mon combat et mes idée seront véhiculées et partagés, et bien vous pourrez toujours me nuire, me buter ou m’emprisonner, le bien sera fait, et vous ne pourrez rien y changer.
Que ce soit au travers de la censure, par le parjure ou la dictature, je vous préviens que vous n’arrêterez pas le vent de l’insurrection qui se rapproche, et encore moins la tempête de la révolution qui remettra tous vos acquis en question. Comprenez que vous paierez l’addition de vos résolutions, ainsi que ceux de vos ministres, monsieur Alpha. Je ne vous menace pas, je vous promets.
Pourquoi de m’adresse à vous ? Parce que vous pouvez encore faire changer les choses positivement en renonçant à toute modification de la constitution. Cette lettre est là pour exprimer mon point de vue sur plusieurs sujets et tenter de vous ouvrir l’esprit sur le réel et non sur les statistiques.
Veuillez pardonner ma plume qui se fera acérée.
Monsieur le président Alpha Condé, je fais partie de ceux et celles qui ont quitté la Guinée par peur de représailles. J’ai toujours souhaité de faire ma vie en Guinée, mon école afin de participer au développement de ma Guinée.
Vous avez brisé une partie de mon rêve, mais j’ai eu la chance de continuer ma scolarisation sur le sol français malgré des années de retard à cause de vous.
1) Pourquoi j’aime la Guinée :
C’est le pays dans lequel je suis né, dans lequel j’ai été élevé et ai grandi. C’est du loir et cher que je commence mon combat pour la Guinée, avant mon combat pour le monde entier.
C’est un très beau pays, avec beaucoup de culture différente, illustrant la beauté, la diversité de ses terres et habitants. L’écriture, la musique, la littérature…et tant d’autres domaines dans lesquels la Guinée et les Guinéens sont excellents, oui j’aime mon pays. L’histoire de la Guinée, c’est avant tout des valeurs, le respect, des combats pour la liberté et des principes.
La Guinée que j’aime est non violente, elle défend les droits des hommes et femmes. Elle n’aime pas les cons qui ne carburent qu’au pognon et à l’oppression. La Guinée de Sékou Touré (le guide éclairé, le lion de l’Afrique) c’est pourquoi j’aime ma Guinée.
2) Pourquoi je prends position
Monsieur le président, pendant les élections démocratiques dans mon pays qui ont eu lieu en 2010, je n’avais que 11 ans et je criais tout le temps votre nom en disant « M’TÖMA ». Un grand moment. L’espoir, la joie, le sentiment de pouvoir influer sur l’avenir d’un pays, l’illusion de pouvoir bien plus que l’illusion du pouvoir. L’enthousiasme enfin, et la victoire, quand vous avez gagné la première élection démocratique en Guinée après 40 ans de lutte pour garantir la démocratie dans mon pays.
On m’avait pourtant dit, de ne pas y croire. On m’avait dit, que le « système » est plus grand et plus fort. On me l’a dit et malgré tout, j’ai cru.
Moi et mes illusions, ont cru à votre promesses de faire de la « jeunesse » votre priorité : la culture, le social, l’éducation, la santé……… soucieux de participer au développement de mon pays, j’y ai cru.
Mais aujourd’hui, je vous en veux, parce que je vous considérais comme le libérateur de mon peuple. Les Guinéens ont souffert assez de traumatisme, d’angoisse et de pertes lors des massacres de leurs compatriotes. Leurs libérateurs devraient leur donner la liberté et non l’oppression. Je vous pose humblement la question : que faire lorsque les protecteurs deviennent les persécuteurs ?
Nous accusons à juste titre la communauté internationale d’avoir gardé le silence à la politique cruelle, inhumaine dont mon peuple est plus en plus victime. Jusqu’à quand ? Quiconque supporte cette injustice extrême et conseille de faire un troisième mandat n’aime pas la Guinée et contribue à la mort lente de notre nation.
Je vous supplie d’user de toutes les ressources de votre Autorité pour mettre fin à ces meurtres insensés et renoncer a votre troisième mandat.
Monsieur le président, on ne va pas vous demander de régler tous les problèmes du pays, ce n’est pas votre rôle. Il n’empêche que celui-ci en partie vous oblige. Or, depuis quelques années, vous desservez votre propre cause et partant, vous décevez une partie de la nouvelle génération qui cherche à s’affranchir des relents de l’ethnocentrisme morale et intellectuelle.
Des familles, nombreuses, doivent être entendues, accompagnées, soutenues et rétablies dans leur droit de connaître la vérité sur les cas de tueries dont leurs proches ont été victimes. Vouloir faire son marché < électorale-politique> sur la douleur d’une mère éplorée ou d’un père dont le cadavre du jeune adolescent est encore chaud confine à une forme immorale.
Pour vous montrer mon état d’esprit, je vous rappelle la formule de Thierno Monenembo de « Crapauds-brousse » : « Eux qui auraient dû être la solution, ils ne l’étaient en rien. C’était plutôt eux le problème à la lumière de la vérité ». Désormais, vous faites partie du problème de ce pays. Pensez aux parents, aux femmes, et sœurs et aux conjoints de ces hommes et femmes assassinés.
Je ne vous embrasse pas car je vous en veux.
Je vous prie d’agréer, l’expression de mes sentiments attristés.
Par BERETE ALPHA