Chronologie d’un avènement au pouvoir
Le 3 avril 1984, quelques jours après le décès du président Sékou Touré, le colonel Lansana Conté prend le pouvoir et condamne les violations des droits de l’homme sous le régime précédent. Un Comité militaire de redressement national (CMRN) est investi du pouvoir législatif. C’est le 23 décembre 1990 qu’un projet de Constitution est adopté par référendum et promulgué seulement le 23 décembre 1991. Les partis politiques sont autorisés. La première élection présidentielle a lieu le 23 décembre 1993. L’élection de Lansana Conté est contestée par l’opposition comme par exemple Alpha Condé.
Le 22 décembre 2008, le président Lansana Conté, au pouvoir depuis avril 1984, meurt des suites d’une maladie. Le président de l’Assemblée nationale Aboubacar Somparé doit assurer l’intérim du pouvoir, mais hélas, l’assemblée est expirée, c’est-à-dire, illégitime de siège.
Le 23, le Premier ministre Ahmed Tidiane Souaré appelle au calme et charge l’armée de maintenir l’ordre. Cependant, le capitaine Moussa Dadis Camara, responsable de l’approvisionnement en carburant de l’armée, déclarant agir au nom de la lutte contre « la corruption généralisée, l’impunité et l’anarchie » et contre « la situation économique catastrophique », annonce sur les ondes la dissolution du gouvernement, la suspension des institutions et la mise en place d’un Conseil national pour la démocratie et le développement composé de civils et de militaires. Le chef d’état-major, le général Diarra Camara, assure que les mutins sont minoritaires au sein d’une armée très divisée. L’Union africaine, l’O.N.U., l’Union européenne et les États-Unis condamnent la tentative de coup d’État.
Le 24, tandis que les putschistes promettent l’organisation d’élections libres en décembre 2010, le capitaine Camara se proclame président de la République.
Le 25, le Premier ministre et une trentaine de ministres font allégeance au capitaine Camara.
Le 26, le président du Sénégal Abdoulaye Wade appelle à soutenir la junte au pouvoir à Conakry.
Le 29, l’Union africaine suspend la Guinée.
Le 28 septembre 2009, à Conakry, un meeting de l’opposition allait tourner au drame. Des milliers de manifestants s’étaient rassemblés dans le stade de Conakry (pour dire « non » à une candidature à la présidentielle de Dadis Moussa Camara, alors chef de la junte)
Le général Sékouba Konaté, président par intérim depuis la tentative d’assassinat perpétrée en décembre 2009 contre le chef de la junte, le capitaine Moussa Dadis Camara, annonce sa décision de nommer un Premier ministre désigné par l’opposition, qui sera chargé de mettre en place un gouvernement transitoire d’union nationale.
Alpha Condé est devenu président en 2010 par les élections et il a juré sur la constitution de 19 avril, qui a été promulguée le 7 mai de la même année, la constitution qui a été portée par tous les représentants de l’institution, c’est-à-dire les sages, les avocats, les commerçants, les journalistes, les syndicats, les forces vives et autres, et les partis politiques. Dans son serment, il a exprimé l’espoir d’unifier son pays ethniquement divisé à la manière dont Nelson Mandela rassembla l’Afrique du Sud après l’apartheid.
Opposant historique depuis la dictature de Sékou Touré, Condé a été élu le 7 novembre lors d’un scrutin qui avait pour objet de mettre fin à un régime militaire d’environ deux ans et de tirer un trait sur un demi-siècle d’autoritarisme politique souvent marqué par des violences politiques et ethniques. Après sa prestation de serment, il a déclaré qu’il s’efforcerait d’être « le Mandela de la Guinée » et d’unir tous les habitants du pays. Il a souligné que le rétablissement de la cohésion sociale et de l’unité nationale exigeait « un regard collectif sur notre passé douloureux ».
Retournements de veste
Qu’en est-il de toutes ces belles promesses, où en est le pouvoir aujourd’hui ?
Le président Condé combattait le régime de Lansana Conté, ainsi que son clan, pour les détournements et la mauvaise gouvernance du régime.
C’est ce président qui travaille avec le clan qu’il a combattu et avec le soutien duquel il est devenu président. Dans son gouvernement, il y a des milliards de détournement, des abus de pouvoir, une mauvaise gouvernance, de nombreux mensonges d’état.
C’est ce président qui a combattu le changement ou la modification de la constitution en faveur de Lansana Conté [1], et qui aujourd’hui exige une nouvelle constitution qui modifierait la loi en lui permettant de faire 3eme mandat, voire d’être président à vie. Or le peuple a décidé en 2009 et 2010 de mettre la nouvelle constitution en place et en révisant le nombre de mandats présidentiels possibles.
C’est ce président qui voulait être « le Mandela de la Guinée » qui maintenant ne respecte pas son peuple et qui ne respecte pas la constitution. C’est ce président qui viole la constitution en ne mettant pas en place la cour de justice et d’autres cours et tribunaux. C’est ce président de la nation qui préside encore lors de l’assemblée générale de son parti, alors que la loi lui interdit toute responsabilité dans un parti politique le temps de son mandat (Article 38 : « La charge de président de la République est incompatible avec l’exercice de toute autre fonction publique ou privée, même élective. Il doit, notamment, cesser d’exercer toutes responsabilités au sein d’un parti politique »).
C’est le même « président Mandela » qui met sa population à la rue. A Kaporail, sur un terrain d’état, des terres ont été vendues à des particuliers par les mairies. Certaines administrations et les mairies jouent le jeu de la corruption. Ces familles sont maintenant expropriées par l’état et le président se décharge de toute responsabilité de ses administrations, laissant le peuple guinéen à la rue, tel des sans domicile fixe.
Ce président qui se dit socialiste ! Le socialisme, c’est travailler sans relâche à l’émancipation des femmes, ouvrir des portes pour que la jeunesse s’émancipe, tendre la main aux précarisés, permettre l’accès aux soins de santé à tous, rendre la scolarisation obligatoire pour qu’elle ne puisse être empêchée et donner les moyens aux familles de s’y tenir, mettre l’accent sur la solidarité et non sur le libéralisme.
Le rôle primordial à jouer pour les guinéens en 2019 est de permettre l’expression des aspirations de chacun, dans le respect des autres, en veillant à ce que cette liberté soit effectivement accordée à tous et non réservée à une classe, un clan ou à une ethnie particulier(e). L’action politique doit libérer les individus en corrigeant les injustices sociales, en réduisant les inégalités, la pauvreté de fait et en protégeant chacun contre les mauvaises personnes.
Les choix politiques d’Alpha Condé montrent clairement qu’il n’est ni un socialiste ni un Mandela ni un démocrate, mais plutôt un dictateur moderne. En luttant contre le pouvoir en place précédemment, il a laissé penser aux guinéens qu’il voulait un réel changement, une véritable démocratie, un vrai progrès social. Aucun Mandela ne troquerait les aspirations de son peuple, la lutte contre la précarité des femmes et des jeunes, l’accès aux soins de santé pour la corruption, les mensonges d’état et les abus de pouvoir en vue d’asseoir insidieusement son autorité absolue et unique et d’en tirer des profits personnels.
Où sont les promesses dites aux campagnes des élections ? Pourquoi piétiner la constitution ?
La Guinée possède toutes les richesses et ressources nécessaires pour lui permettre de se développer mais les guinéens n’en voient pas la couleur. C’est pour toutes ces raisons qu’une alternance est absolument nécessaire dès 2020 sans changer la constitution.
[1] La Constitution a été modifiée par la loi du 25 octobre 1996 (art. 55) et par la loi adoptée par référendum le 11 novembre 2001 et promulguée le 15 mai 2002 (1er 8, 24, 26, 88, 89)
Ne mettez pas le pays en danger pour vos clans et pour vous, on a tiré des leçons du passé et on a appris à chaque fois.
D’après des appels sur l’actualité-RFI, le mardi 30 avril 2019, des heurts ont éclaté à Kankan entre partisans et opposants d’une modification de la constitution. Faudra-t-il encore des morts, et pour quel résultat? Pour que rien ne change ? Pour toujours un peu plus de la même chose ? Pour toujours la même précarité, l’injustice, l’absence de perspective ?
A vous de choisir de quel côté de l’histoire vous voulez être…
Amadou Barry
Bruxelles
Amadoubarr15@yahoo.fr