L’enquête des juges d’instruction ouverte en février 2010 est bouclée depuis fin 2017. Pourtant, le procès sur le massacre du 28 septembre 2009 se fait toujours attendre. En raison d’obstacles politiques, financiers et logistiques.
Le lundi 28 septembre 2009, les forces vives guinéennes appellent à une manifestation pour empêcher les dérives de la junte militaire conduite par le capitaine Moussa Dadis Camara qui voulait confisquer le pouvoir.
Ce jour-là, des agents des forces de défense et de sécurité (Fds) lourdement armés encerclent le Stade du 28 septembre et bloquent toutes les issues. Un groupe pénètre à l’intérieur et se met à tirer sur la foule.
Au moins 156 personnes sont tuées, 1 400 blessés et 109 femmes violées, selon l’ONU.
Dans cette affaire, un pool des juges d’instruction a été chargé du dossier. Plus de 400 victimes ont été entendues. 14 personnes ont été inculpées, dont la moitié composée de responsables militaires.
Ce sont: le capitaine Dadis Camara, chef de la junte au pouvoir au moment des faits, son ex-aide de camp, le lieutenant Aboubacar Diakité dit Toumba, le colonel Claude Pivi alias Coplan, actuel chargé de la Sécurité présidentielle. Le colonel Moussa Tiégboro Camara, secrétaire d’État chargé de la lutte antidrogue et des crimes organisés qui, à l’époque des faits, commandait une unité d’élite de la gendarmerie qui a pris part au massacre, selon un rapport transmis à la Cour pénale internationale (Cpi).
Le capitaine Bienvenu Lamah, responsable de la milice qui stationnait au camp de Kaléah à Forécariah (région de Kindia) qui est accusée d’avoir participé au massacre. Ainsi que le colonel Abdoulaye Chérif Diaby, ex-ministre de la Santé, accusé d’avoir délibérément entravé la prise en charge médicale des blessés, et le général Mamadouba Toto Camara, ex-numéro 2 de la junte et ministre de la Sécurité sous Dadis, poursuivi pour les exactions commises par les forces de police placées sous son commandement.
Détention illégale
La Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, hausse le ton sur l’impunité dont bénéficie les responsables présumés du massacre de 2009.
«L’impunité règne depuis trop longtemps en Guinée et empêche les cicatrices des victimes de guérir», dénonce Mme Bachelet qui demande aux autorités guinéennes de poursuivre les présumés responsables du massacre.
Par ailleurs, l’ONG Human rights watch dénonce la détention illégale de quatre individus à la Maison centrale de Conakry, respectivement depuis 2010, 2011, 2013 et 2015 dans le cadre de cette affaire. Alors que la durée maximale de la détention provisoire prévue par la loi ne doit pas excéder 18 à 24 mois en matière criminelle, en fonction du chef d’inculpation.
Coût du procès
Le budget prévisionnel du procès est de 78 milliards 87 millions 711 600 Francs guinéens, soit près de 8 millions d’euros.
L’État guinéen s’est engagé à payer 60,25 milliards de Francs guinéens, soit 77% du montant total. Parmi les partenaires, les Etats-Unis pour 17% et l’Union européenne, 5,8%. Tous ont fait savoir que leurs parts sont immédiatement disponibles.
Le 14 août 2019, le Garde des Sceaux Mohamed Lamine Fofana a déclaré que le gouvernement guinéen a débloqué une somme de 20 milliards de FG. Mais ce n’est pas suffisant. Les victimes savent compter sur la Cpi de la gambienne Fatou Bensouda. Mais là, bien qu’elle ait effectué une dizaine de missions à Conakry depuis 2010, la Cpi ne prendra le relai dans ce dossier qu’en l’absence de volonté ou de capacité de la Guinée à rendre justice.
Indemnisation
Le Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana a annoncé que «tous les présumés auteurs desdites exactions, quels que soient leur appartenance politique, leur titre, leur rang ou leur grade, devront répondre de leurs actes devant la justice de notre pays», sans indiquer comment et à quelle date la Guinée paiera sa quote-part.
Il a dit seulement qu’il revient à son pays de «de créer les conditions matérielles, logistiques, techniques et sécuritaires pour la tenue effective de ce procès dans l’enceinte de la Cour d’Appel de Conakry».
Il a aussi réaffirmé «que tous les auteurs (…) de ces évènements tragiques du stade du 28 septembre seront jugés et les victimes indemnisées à la hauteur des préjudices qui leur ont été causés».
Faut-il y croire vraiment ? A chacun sa réponse.