Au pouvoir depuis 37 ans, Paul Biya, 86 ans, a entamé depuis octobre son ultime mandat de sept ans après une réélection acquise d’avance. Si le mystère de sa succession reste entier, le faible renouvellement des élites depuis des décennies au Cameroun laisse peu de place à une transition emmenée par une jeune figure. Enquête.
Dauphins
Particularité de la scène politique nationale: une majorité de « présidentiables » sont sous les verrous depuis le lancement de l’opération anticorruption Epervier, en 2006. Leur seul tort est, en réalité, d’avoir manifesté trop tôt leurs ambitions. Si le retrait de Paul Biya devrait ouvrir la course au pouvoir à certains d’entre eux (Jean-Marie Atagana Mebara, Marafa Hamidou Yaya…), les collaborateurs ayant actuellement la confiance du président camerounais renforcement discrètement leurs réseaux et leur poids. A 60 ans, Louis-Paul Motaze reste l’homme à tout faire du régime. Ministre des finances depuis mars 2018, il peaufine son image grâce au document de stratégie pour la croissance et Au palais aguerris des arcanes du pouvoir. Bien qu’en retrait, le ministre de la communication, René Emmanuel Sadi, 70 ans, demeure l’homme de confiance de Biya, dont il fut l’un des secrétaires généraux de la présidence de la République (SGPR).
Ces piliers du système n’empêchent pas les regards de converger de plus en plus vers Samuel Mvondo Ayolo, 62 ans, directeur du cabinet civil depuis 2017. Ce neveu du chef de l’Etat, ex-ambassadeur à Paris, incarne un nouveau pôle d’influence au palais d’Etoudi. Bénéficiant d’une grande proximité avec Paul Biya, il peine toutefois à consolider ses réseaux en dehors de son mentor.
Chantal aux aguets
Si elle fait en sorte de polariser son image sur ses œuvres caritatives, Chantal Biya n’en impose pas moins ses relais originaires de sa région natale, la Haute Sanaga (centre). Parachuté à cette fonction en 2011, l’actuel SGPR, Ferdinand Ngoh Ngoh, 58 ans, proche de la première dame, monte de plus en plus dans l’appareil d’Etat (LC n°792). Loin d’avoir été sanctionné après l’annulation, en novembre, de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2019 dont il gérait les 1.200 milliards FCFA de budget (1,8 milliard $), il a été promu ministre d’Etat. Ferdinand Ngoh Ngoh est vu comme la main invisible à l’origine de l’arrestation, en mars dernier, du ministre de la défense Edgar Alain Mebe Ngo’o. Directeur adjoint du cabinet civil au palais d’Etoudi, Oswald Baboke, 45 ans, fait également parler de lui. Natif de la Haute-Sanaga, il officie comme directeur de cabinet de Chantal Biya.
Opposants à l’affût
Sur le modèle du Congo-K, l’après-Biya pourrait profiter à une figure de l’opposition ayant percé à la présidentielle d’octobre. Ex-ministre devenu adversaire du régime, l’avocat Maurice Kamto, 65 ans, entend faire fructifier sa seconde place. Emprisonné depuis le 26 janvier aux côtés d’une centaine de militants du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC, LC n°795), il bénéficie d’une marge de manœuvre grâce à l’implantation nationale de son parti. De son côté, l’ex-bâtonnier Akéré Muna, 66 ans, semble le seul anglophone présidentiable via sa plateforme NOW (LC n°768). N’ayant jamais été aux affaires, il jouit d’une crédibilité à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Après sa percée historique au même scrutin – il est arrivé troisième -, Cabral Libii, 39 ans, vient de transformer son mouvement 11 millions de citoyens en parti. Ce Bassa, qui rêve d’un destin calqué sur celui d’Emmanuel Macron, testera de nouveau sa popularité lors des législatives, fin 2019.
Source: La Lettre du Continent n°798