Dans une interview accordée à notre rédaction ce samedi 10 juin 2023, le journaliste reporter Amadou Tidiane Diallo du groupe de presse l’Indépendant est revenu sur l’attaque à main armée dont-il a été victime le 26 Mai dernier à son domicile à Bambeto (Dar-es-Salam) dans la commune de Ratoma. Il soupçonne des hauts gradés de l’armée Guinéenne d’avoir orchestré cette attaque manquée. Aujourd’hui loin du pays, ce reporter qui a subi plusieurs arrestations nous relate comment tout cela s’est passé. Lisez
Afriquevision.info : Vous avez été victime d’une attaque à main armée tout récemment dans votre domicile. Pouvez-vous revenir sur comment cela s’est déroulé ?
Amadou Tidiane Diallo : C’est dans la nuit du vendredi 26 mai 2023, aux environs de 22h qu’un groupe d’homme armée jusqu’aux dents et encagoulés ont fait irruption dans notre cour à Bambéto, commune de Ratoma. Ces personnes sont venues à bord d’un véhicule sans plaque d’immatriculation alors que tout le monde s’apprêtait à dormir. Ces individus, au visage dissimulé, escaladent la clôture de la cour et entre dans l’intention de me mettre aux arrêts. Constatant mon absence, ils ont attaqué mon cousin avec qui je vivais. Quand il a entendu le bruit dans la cour il est sorti voir. Arrivé à la terrasse, il s’est croisé les deux individus cagoulés. Directement ils ont commencé à l’interroger où j’étais. Quand il leur a dit que je n’étais pas là, ils ont dit non « Il est là, nous le savons ». Donc ils ont demandé où se trouvait ma chambre. Par peur, il a indexé l’endroit. Ils l’ont pris à la nuque jusqu’à la porte en demandant de sortir mon ordinateur. Heureusement je ne me sépare pas de ma machine. Ils ont saccagé la porte avant d’accéder dans la chambre. Un d’entre eux avait braqué son arme sur mon cousin en le menaçant s’il crut, il allait tirer sur lui. Quand l’autre a fini de fouiller la chambre sans trouver ce qu’ils voulaient, ils l’ont rouillé de coups à mon cousin avant de partir.
Afriquevision.info : Pensez-vous que cette opération a été planifié ?
Amadou Tidiane Diallo : Je n’indexe personne. Mais cette opération violente a été minutieusement planifiée contre ma personne. Sinon il y a plusieurs murs qui sont collés dans notre cour. Pourquoi ils n’ont pas entrés là-bas. Pour moi, il n’y a pas de doute, c’est une opération planifiée. Mais je ne sais pas seulement qui est derrière cette opération.
Afriquevision.info : Avez-vous de suspens ou bien par le passé vous aviez eu des antécédents avec quelqu’un ?
Amadou Tidiane Diallo : Bon, il y a plusieurs pistes. Parce qu’il n’y a pas longtemps j’ai été menacé par deux hauts responsables de l’armée. Il s’agit du directeur adjoint de la lutte contre la drogue, Abdoulaye Sangaré, et le commissaire de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DPCJ) Mohamed Keita le 10 et 11 mai 2023. Le premier jour, il y a eu 7 morts, 32 blessés et 56 arrestations. Pour la petite histoire quand on m’a arrêté et mis en prison le 21 mars 2021 jour du double scrutin législatif et référendaire. Ce jour-là, j’étais sorti couvrir la manifestation appelée par le Front national pour la défense de la constitution (FNDC) toute la journée. Vers 19h, c’est la police qui est venue m’arrêter chez moi à Bambéto pour me déposer à la direction centrale de la police judiciaire (DPCJ). Mais avant de me déposer à cet endroit, c’est en présence de Abdoulaye Sangaré qui était à l’époque le commissaire central de police de Kaporo rails et Mohamed Keita qui était également directeur de la police régionale de Conakry. Ce sont eux qui avaient ordonné à ce qu’on me tabasse avant de m’envoyer à la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DPCJ). J’ai passé la nuit ce jour-là à la prison. Quand je suis sorti le lendemain j’étais carrément fatigué. Donc j’ai dû quitter la Guinée et m’exiler au Sénégal jusqu’à la fin du régime Alpha condé. J’ai subi deux opérations au Sénégal suite à cette bastonnade. À mon retour en Guinée en 2022, ils ont été nommés à des plus hautes fonctions. Donc quand les manifestations ont repris à Conakry je sortais couvrir ça. Le 10 mai dernier, je suis rentré avec Mohamed Keïta qui est le patron de la DCPJ à Cosa. Dès qu’on s’est vu, il m’a reconnu et m’a dit ‘’tu es toujours sur le terrain de manifestations malgré tout ce que tu as subi ?’’. Finalement j’ai dû quitter le lieu sans prévenir même mes collègues. Donc le lendemain 11 mai ça été la même chose avec Abdoulaye Sangaré directeur adjoint de l’office central anti-drogue. Donc vu que tout ça s’est passé à l’espace d’un mois je pense qu’il y a des doutes.
Afriquevision.info : Mais qu’est qu’on vous reproche au final ?
Amadou Tidiane Diallo : Je n’ai aucune idée. Mais la couverture des manifestations fait forcément partie. Parce que quand je suis allé interroger un des parents d’une victime qui a perdu sa vie, le nommé Mohamed Keita m’avait reproché de n’avoir pas équilibré l’information. Donc ils ne veulent pas que j’interviewe les parents des victimes de la barbarie policière.
Afriquevision.info : Voulez-vous nous dire c’est cette attaque qui vous a poussé à quitter le pays ?
Amadou Tidiane Diallo : Oui je pense que je ne suis pas en sécurité. Et d’ailleurs dans la maison où cette attaque s’est produite, le propriétaire de la maison nous a demandé de quitter pour éviter qu’un même scénario ne se répète là-bas. Parce qu’il a des enfants. Donc finalement mon cousin a quitté là-bas. Pour le moment, j’ai peur de rentrer dans mon pays pour éviter qu’on mette la main dessus. Ma sécurité est vraiment menacée. C’est pourquoi j’ai peur de retourner chez moi. C’est cette situation qui m’a poussée à être en exil forcé.
Afriquevision.info : Comment avez-vous pu sortir de la Guinée ?
Amadou Tidiane Diallo : Depuis que cette attaque a eu lieu, je ne suis jamais retourné à la maison. J’étais caché chez mes amis. Le lendemain je suis allé à la rédaction de l’Indépendant pour prendre certains documents et je suis allé en Côte d’Ivoire avec toutes les preuves. C’est comme ça que l’ambassade de Suisse m’a donné le visa. Et là aussi je suis resté là-bas jusqu’au jour de mon départ. Quand je suis arrivé à Conakry le 3 juin dernier, j’ai attendu à l’aéroport jusqu’à l’heure de mon départ. Je n’ai même pas osé sortir de l’aéroport pour éviter d’être pris. Et depuis que je suis sorti du pays, j’ai reçu plusieurs fois des appels inconnus me demandant je suis actuellement, dès que je refuse de dire l’endroit, l’intéressé raccroche. Donc n’oubliez pas que j’ai été le 13 janvier 2020 à Hamdallaye également par la police m’a séquestrée dans leur pick-up plusieurs heures puis le 20 mars 2021 avant d’être mis en prison le lendemain le 21 mars. Le 31 octobre 2017 aussi à la direction d’investigations judiciaires (PM3) de Matam j’étais là quand les agents des forces de l’ordre se sont attaqués aux journalistes. Ce jour-là aussi seul Dieu sait comment nous étions sortis de cette cour. Donc avec toutes ses barbaries que j’ai subies autant de régime d’alpha condé je ne souhaiterais plus revivre ça avec le CNRD. C’est pour cette raison que j’ai dû quitter le pays cette fois-ci.
Entretien réalisé par la rédaction