Lu, écouté et souvent compris et admiré par ceux qui font l’actualité en Guinée, Lamarana-Petty Diallo annonce aux candidats Alpha Condé et Cellou Dalein Diallo que « le temps du sursaut » national est arrivé.
Il adresse le même message aux forces de défense et de sécurité, aux leaders politiques, syndicaux et aux activistes de la société civile auxquels il montre la voie qui évite au pays de plonger dans l’abîme.
La Guinée, notre pays, notre patrie, notre « nation une et indivisible » est face à l’un de ses réveils les plus risqués de son histoire.
On parle de veille d’élections dans toutes les langues, tous les médias nationaux et étrangers. Cependant, parle-t-on suffisamment d’enjeux et de défis auxquels ces élections pourraient exposer notre pays ?
Les couteaux sont affutés de toutes parts comme si la Guinée était une bête à dépecer ; une orange à presser ; une noix de coco à éventrer pour s’abreuver du jus. Oui, notre Guinée ressemble à tout cela et bien plus. En pire, hélas.
Il faudrait qu’une voix se fasse entendre tant le zèle de certains est en train de dépasser toutes les limites de la raison. Il faudrait donc qu’une plume écrive, fasse dissidence dans l’ambiance déjà nauséabonde qui pollue le climat sociopolitique guinéen à treize jours d’une échéance électorale aux lendemains qui font craindre le pire.
Oui, il faut qu’un œil s’ouvre pour montrer, ce que d’autres yeux, pourtant, bien ouverts, refusent de voir. Et Dieu sait qu’il y a longtemps que j’avise. Qu’à cela ne tienne.
Il faudrait que quelqu’un s’adresse aux Guinéens raisonnables, saints de corps et d’esprit. Des patriotes de tout bord : civils et militaires. Pour ce faire, j’emploierai le « je » pour m’adresser à toutes celles et ceux dont le cœur bat pour la Guinée.
Je leur dis, il est grand temps…
Je commencerai par poser un préalable. Sans heurter qui que ce soit, je précise que je ne me préoccupe, outre mesure, d’être entendu par des personnes subjuguées par le pouvoir. Qu’elles m’entendent ou non, j’essaierai de faire parler la vérité de mon cœur au seul bénéfice de notre nation.
Une vérité pour tenter d’extraire la Guinée de ses divisions, du goulot d’étranglement dans lequel des compatriotes affolées par la tentation de puissance, l’ont plongé. Pour essayer d’épargner le pays des violences pré et postélectorales qui seraient méticuleusement en préparation. Il suffit d’écouter les discours de certains ministres ou députés zélés et revanchards pour s’en convaincre.
A contrario, je déplorerai que des âmes avisées et patriotes soient sourdes aux cris de mon cœur, aux larmes souvent écarlates de ma plume. Cette plume qui ne cesse d’alerter, d’interpeller et de plaider.
Oui, je plaide et dis, s’il n’est pas trop tard, il est grand temps de se ressaisir tant du côté du pouvoir, de l’opposition, de la société civile que des corps constitués.
… à Alpha Condé
Je lui dis qu’à un certain âge, la sagesse doit primer sur toute forme de bataille. Quoi qu’on soit président l’âge à raison de tout.
Si on vient de loin et on approche de la destination, il faut mesurer la distance parcourue. En ce qui le concerne celle entre 2 ans (le temps des premiers pas) et 82 ans. A ce dernier âge, il faudrait se convaincre que la prochaine porte qui s’ouvre n’est pas celle de deux fois 6 ans concoctée par n’importe quelle constitution mais bien celle de l’éternel aller sans retour.
Si tel pouvait être le cas, si demander pardon, non pas à une région (comme il l’a fait), mais à la nation toute entière n’est pas envisageable, un mea-culpa, un sentiment de regret au moins serait possible.
J’ajouterai qu’il y a infiniment de pouvoirs. Mais, dans leur hiérarchie, le prestige revient à la fonction de président de la République. Se battre pour y accéder est légitime. Cependant, vouloir s’y accrocher pour y rester contre vents et marées n’est pas la meilleure des options. Si l’on sait comment arriver au sommet, le plus souvent on n’ignore de quelle manière on va redescendre.
… à Cellou Dalein Diallo
Je dis prudence. Pondération n’est pas faiblesse, contrairement à ce que feraient croire certains adversaires ou cireurs de chaussures.
La patience est payante à tout prix. C’est indéniable. Cependant, il ne faudrait pas se laisser déborder par des voix qui pousseraient vers l’abîme. Il n’est pas question, quoi que pourrait le souhaiter Sarata ou Farba, si l’on veut Paul ou Pierre, de se détourner de l’idéal démocratique sans violence : le cheval de bataille, cheville ouvrière de toute démocratie.
Avoir le peuple à ses côtés – et tout semble indiquer que c’est le cas enfin -, n’est pas suffisant en soi. C’est le conserver qui est le plus dur. Pour cela, il ne faudrait pas écouter les sirènes, pour reprendre l’autre, de la radicalisation. Seules les voix de la tempérance et de la grandeur d’un chef, d’un futur chef d’Etat, doivent compter.
Le peuple le soutient certes, et de plus en plus, mais il observe aujourd’hui plus qu’hier. Il scrutera les mots, les faits et gestes des 13 jours qui nous séparent du 18 octobre 2020.
Alpha Condé est arrivé au pouvoir par la peur du chaos que la communauté internationale lui a concédée pour éviter des lendemains sanglants au deuxième tour de l’élection présidentielle de 2010.
Il ne faudrait pas apparaitre comme celui par qui un nouveau chaos est inévitable. Une seule solution à cela : la maitrise du discours, l’appartenance à soi et non à l’entourage ou aux militants. C’est le seul crédit, la seule manière de mettre fin au chaos de 10 ans d’un pouvoir qui s’est illégitime lui-même.
Si la défaite n’est pas envisageable, tant la ferveur est visible un peu partout dans le pays, les militants de l’Ufdg ne doivent pas, comme ceux d’en face, être des va-t-en-guerre. Ils doivent rassurer et montrer que si le pouvoir changeait de main, il changera de nature. Que c’est une Guinée réconciliée qui se réveillera au lendemain du 18 octobre 2020.
Une Guinée qui se regardera les yeux dans les yeux pour se pardonner. Une Guinée qui chantera et dansera dans toutes les langues du pays. Les guinéens n’attendent plus qu’une seule chose : celui qui va Unir et Servir le pays.
… aux forces de défense et de sécurité
Je ne m’attarderai pas outre mesure sur ce point tant les chiffres et les faits parlent d’eux-mêmes. Plus de 200 morts devraient conduire, non pas à un simple mea-culpa, mais à une remise en question ; à une réflexion sur sa propre existence et sur sa profession.
Suis-je policier, gendarme pour violenter, violer, torturer, tuer des êtres humains devrait être la question existentielle que devrait se poser chacun à la veille d’échéances aux grands enjeux.
Chacun d’entre-vous devrait tout simplement se dire : « Ai-je choisi ma vocation pour faire du mal ; pour semer la terreur ou défendre des vies ?» En un mot, les forces de défense et de sécurité guinéennes devraient enfin utiliser la baïonnette intelligente comme le commande l’éthique de leur profession. Ainsi elles auront prouvé avoir pris enfin conscience que seul le peuple demeure.
Le peuple n’est point une menace, contrairement à ce que feraient croire les dictatures et leurs tenants. Il faut savoir que toutes les dictatures ont ceci en commun : elles se dédouanent toujours sur ceux-là qu’elles ont couvert ou missionné un jour. La besogne accomplie, elles transforment l’allié d’un jour en bourreau en l’opposant aux autres citoyens.
… et aux leaders politiques, syndicaux, de la société civile
Il faudrait prendre garde aux jeux de l’ombre et se dire que certaines alliances vivifient les dictatures et leur servent de levain de la division.
Ceux qui se disent, si ce n’est pas moi, ce sera le chaos, devraient s’aviser et comprendre que la Guinée ne court pas forcément vers l’unité en ces temps présents. Ils devraient savoir que plusieurs portes d’entrée ou de sortie sont envisageables en ces temps troubles. Cependant, la meilleure n’est pas forcément celle que l’on croit.
Seules la hauteur de vue, la tolérance, la mesure, comme je le disais plus haut, indiqueront la voie de sortie qui convient. En tout cas, un adversaire qui aurait les qualités et valeurs humaines évoquées est plus fréquentable qu’un allié qui en serait dépourvu.
A vous de voir, à défaut d’être candidat, vers qui se tourner. Consignes de vote ou pas, la stratégie : « je patiente pour voir au cas où … », n’est salutaire pour personne.
Aux uns et aux autres, à vous tous, je dis que le peuple de Guinée doit être enfin récompensé.
Ce peuple a été patient, toujours, beaucoup et peut-être trop. J’ajouterais, et c’est indéniable, le Tout-Puissant Allah, nous a Gratifié de toute sa Patience, de toute sa Miséricorde. Mais la question est posée à chacun d’entre-nous, avons-nous compris cela ? Avons-nous cessé nos guerres intestines pour des miettes ou de parcelles de puissance éphémère ?
Quelle que soit la réponse que chacun apportera en son âme et conscience, j’ai un vœu à formuler.
Que des ténèbres actuelles, du doute qui plane, « du goût forcené du pouvoir personnel » jaillisse la Lumière qui éclairera le devenir du peuple de Guinée.
Cela fut à des moments inattendus pour tous les peuples opprimés. Ainsi soit-il pour nous.
Par Lamarana-Petty Diallo
lamaranapetty@yahoo.fr