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Guinée. L’utopie de démocratie  de 1958 à 2020

Tribune. Certains hommes d’État sont spécialistes en montage institutionnel, aussi complexe qu’il puisse paraitre, pour le bien de leurs pays. C’est par exemple le cas des présidents ghanéens depuis Jerry Rawlings.

Grâce à eux, le Ghana est aujourd’hui un pays qui continue de forger son économie et d’assainir ses finances au point de ne guère regretter de s’être passé du Fonds monétaire international. Un pays qui vit depuis plus d’une décennie dans une démocratie apaisée qui fascine les regards et force l’admiration de tout observateur.

D’autres hommes politiques, loin d’être des hommes d’État sont par contre spécialistes en démontage institutionnel, ils savent tailler dans la pierre et mettre leurs pays sous une coupe réglée, exclusivement pour leurs biens personnels. C’est le cas de la Guinée depuis son indépendance. Dès le départ, le PDG (Parti démocratique de Guinée), parti-État, a, conformément à son idéologie forgé un pays à pensée unique avec un pouvoir central et centralisé défiant toute contradiction. Ici, on s’est préoccupé de contraindre l’individu à suivre une cadence imposée plutôt que de faire de lui un être libre de ses choix.

La conséquence, on la connaît. En 1984, on a hérité d’un pays économiquement exsangue et socialement décousu. Durant 24 ans, le régime militaire commandé par un général stratège qui ouvre le pays aux principes du libéralisme économique est très tôt tourné en dérision. On voit se mettre en place un système de prédation des ressources publiques au profit exclusif des grands commis de l’État, laissant les populations dans le dénuement le plus complet.

La démocratie promise fut une illusion car si elle semblait s’exercer dans certains compartiments de la vie socioéconomique et politique, en aucun cas elle ne pouvait se traduire par la libre concurrence des entreprises ou l’indépendance de la justice. Celles-ci étant surprotégées par les dignitaires du régime, confisquant pour eux-mêmes le pouvoir et tous ses privilèges. Dans les années 2000, la preuve parfaite de l’utopie démocratique fut la modification de la Constitution guinéenne du 23 décembre 1991 pour asseoir une fois pour toute la présidence à vie.

Qu’est-ce qui a alors changé en Guinée depuis 2010 sur le plan politique et démocratique ? Quasiment rien, les guinéens sont encore enfermés dans un système fait d’un mélange savant des vestiges du Parti unique et de l’illusion démocratique. La Constitution adoptée le 7 mai 2010 est remplacée par une nouvelle pour permettre à l’homme fort du pays de se maintenir à vie à la tête de l’État dans la négation la plus complète de ce que fut le sens du combat de sa vie avant d’accéder au pouvoir suprême. Cette capacité extraordinaire de se renier en plein jour est une des forces motrices de la politique en Guinée.

La Guinée, pays au sous-sol riche promis en principe à un bel avenir est donc réduite à se débattre dans la pauvreté et la désunion de ses fils et filles du fait de ses gouvernants successifs, tous manipulateurs d’institutions et de consciences malades pour assouvir leur soif illimitée du pouvoir. La conséquence la plus topique de cette manipulation est la confusion entretenue et renouvelée au fil des ans dans l’esprit des populations sur le sens le plus noble de la politique, en tant que procédé, sinon art de gérer les affaires de la cité pour son bien : la sécurité, la prospérité et la liberté de ses habitants.

Au lieu de cela, la politique est invariablement vécue dans ce pays comme l’art d’exclure son prochain, de le priver de ses droits basiques, de dresser les uns contre les autres pour un seul et unique objectif : se figer à vie au pouvoir sans le moindre souci de ce qui adviendra au pays après cette misérable vie. Cette confusion phénoménale entre la durée de sa propre vie et celle de la nation toute entière est le fait le plus caractéristique des gouvernants successifs de la Guinée, mais aussi le signe patent de leur rupture chronique avec l’Histoire, qui le moment venu mettra chacun à sa place pour le bien des générations futures.

 

Aboubacar Fofana, ing.

Montréal, Québec, Canada

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