Bien qu’officiellement peu développée dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, l’épidémie a emporté plusieurs membres de l’entourage du chef de l’Etat, Alpha Condé.
Dans un pays qui ne comptait officiellement ce lundi que cinq morts du coronavirus pour 622 cas positifs, la série de hauts responsables guinéens figurant parmi la courte et triste liste de disparus a de quoi interpeller.
Coup sur coup ont été annoncés les décès, des suites du Covid-19, d’Amadou Salif Kébé, un avocat président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), de Sékou Kourouma, ministre-secrétaire général du gouvernement (un proche parmi les proches du président Alpha Condé), de Victor Traoré, ancien directeur d’Interpol en Guinée et de Mory Diané, frère du ministre de la Défense.
En outre, deux soldats de la garde présidentielle, des bérets rouges, auraient aussi été fauchés par la maladie. Deux autres ministres, ceux de la Sécurité et des Travaux publics auraient eu plus de chance : après être tombés malades, ils seraient sur le point d’être guéris après avoir suivi le traitement à la chloroquine préconisé par le Pr Didier Raoult.
Ayant l’expérience de la terrible épidémie d’Ebola, qui a fait plus de 2500 morts entre fin 2013 et 2016, la Guinée n’est pas restée inerte en voyant venir l’épidémie de coronavirus. Alpha Condé est monté en première ligne en décrétant fin mars un couvre-feu entre 21 heures et 5 heures et en imposant quelques mesures de distanciation sociale pas toujours bien reçues, comme celle limitant à trois clients au lieu de six les passagers des taxis. Les chauffeurs se sont aussitôt mis en grève pour protester contre le manque à gagner.
Ici aussi, les élections ont été maintenues
La Chine ayant fait don d’un stock de tests de dépistage aux pays africains qui se les sont partagés, des files d’attente de Guinéens inquiets se sont formées devant l’entrée de l’hôpital de Donka, à Conakry, le principal établissement hospitalier du pays. Mais les tests disponibles restent très peu nombreux. Le dernier communiqué de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, ce lundi, laisse deviner un taux de contamination énorme, puisqu’il indique qu’« à la date du 19 avril 2020, 102 personnes ont été testées, dont 43 positives ».
« Il est très difficile d’avoir des données fiables en Guinée sur l’ampleur de l’épidémie », indique Hamidou Baldé, porte-parole de l’Union des Forces démocratiques de Guinée, le principal parti d’opposition. « Ce qui est sûr, indique ce proche de l’ancien Premier ministre Cellou Dalein Diallo, c’est que les Guinéens ne croient pas à la réalité des chiffres officiels. »
Les dignitaires du régime confinés dans leurs villas
Autre motif d’interrogation : malgré la montée de l’épidémie et la polémique provoquée en France par l’organisation le 15 mars du premier tour des élections municipales, le chef de l’Etat guinéen a maintenu le double scrutin (législatives et adoption de la nouvelle Constitution) le 22 mars. Un facteur supplémentaire pour le virus de se propager ? Hamidou Baldé en est certain et accuse : « Les responsables de l’Etat avaient retenu les informations sur l’épidémie pour affirmer qu’il n’y avait pas de cas de contaminés. Or, il y en avait, puisque le président lui-même de la Commission électorale est aujourd’hui décédé. »
Tous les ministres et dignitaires du régime sont aujourd’hui confinés dans leurs villas. Le président Alpha Condé n’a pas encore annoncé son intention de briguer un troisième mandat, comme la nouvelle Constitution adoptée tout exprès le lui permet. Malgré l’hécatombe autour de lui, il semble pour l’instant, à 82 ans, en pleine forme.
Avec leparisien