L’Union Africaine (UA) vient de réactualiser le chantier de l’établissement d’institutions financières et monétaires africaines dont le projet a été lancé depuis 2005. A l’horizon 2045, l’organisation continentale espère l’entrée en service d’une Banque centrale, d’un Fonds monétaire, d’une banque d’investissements et d’une bourse panafricaine, afin notamment d’accompagner la dynamique d’intégration africaine. Un vieux projet laissé en friche, mais qui est désormais stratégique pour les pays africains…
C’est un vieux rêve continental que l’Union Africaine (UA) vient de remettre à l’ordre du jour : la création d’institutions monétaires et financières africaines communes, un projet qui a été lancé en 2005 lors du Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’organisation d’Abuja au Nigeria, et qui depuis a été renvoyé aux calendes grecques.
L’Union africaine vient pourtant de réactiver le projet à l’occasion de la tenue, du 6 au 8 février à Yaoundé au Cameroun, de la réunion de la 3e session du Comité technique spécialisé de l’organisation sur les finances, les affaires monétaires, la planification et l’intégration économiques.
Lors de cette rencontre qui a réuni les ministres des Finances, gouverneurs des banques centrales et experts économiques de plusieurs pays du continent, le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, a adressé un message aux participants pour leur rappeler le défi pour le continent de s’activer à mettre en œuvre ce chantier qui participera à la réalisation de l’Agenda 2063 de l’organisation.
Le président de la Commission qui était représenté à la rencontre de Yaoundé par le commissaire aux affaires économiques de l’UA, Victor Harrison, a exhorté les États africains à accélérer la création de la Banque centrale africaine (BCA), du Fonds monétaire africain (FMA), de la Banque africaine d’investissement (BAI) et de la Bourse panafricaine. Pour Moussa Mahamat, « la création d’institutions financières africaines contribuerait à la croissance et à la diversification des économies africaines, et garantirait le succès de la Zone de libre-échange continental (Zlecaf) et ainsi, permettront d’assurer une transformation productive sur le continent ».
« Le projet relatif aux institutions financières de l’Union africaine est l’un des vecteurs qui guidera le secteur financier du continent en vue de faciliter sa transformation et son développement productifs. En effet, des preuves montrent que l’efficacité des marchés financiers joue un rôle de premier plan dans la croissance économique et la productivité en fournissant de bonnes informations sur les entreprises et les marchés à niches, à un coût inférieur aux investisseurs pour des investissements plus productifs », a souligné, Moussa Faki Mahamat, le président de la Commission de l’UA.
La Banque centrale africaine d’ici 2045
Le projet de création de la Banque centrale africaine (BCA) par l’Union africaine devrait aboutir d’ici 2045 selon les explications de Naglaa Nozahie, représentante de l’Association des banques centrales africaines (AACB), qui a présenté un rapport sur l’état d’avancement de la convergence des critères.
Selon Naglaa Nozahie, qui est également conseillère spéciale auprès du gouverneur de la Banque centrale d’Égypte, l’objectif de la BCA est de mettre en place « une politique monétaire commune et une monnaie unique africaine afin d’accélérer l’intégration économique sur le continent ». A cet effet, l’Association des Banques Centrales Africaines (ABCA) qui a son siège à Dakar, a tenu plusieurs réunions de 2002 à 2017 et avait proposé les critères macroéconomiques qui devaient être respectés par chaque État membre avant la création de la Banque centrale africaine.
Les projections qui ont été faites font état d’une inflation qui devait être inférieure ou égale à 3% d’ici 2038 et un déficit budgétaire global également inférieur ou égal à 3% d’ici 2033. Par ailleurs, le ratio de financement de la banque centrale au gouvernement devait être nul d’ici 2038 et chaque pays devait disposer de réserves de change qui couvriront au moins six mois d’importation d’ici 2038.
Sur la même lancée, il est attendu des Etats membres de l’Union, de parvenir à un ratio dette publique / PIB inférieur à 65%, et un ratio recettes fiscales totales / PIB qui doit être supérieur à 20%, avant l’échéance. « Le rapport entre les investissements en capital du gouvernement et les recettes fiscales doit être supérieur à 30% », ont également souligné les experts qui ont travaillé sur les critères de convergence, qui ont aussi convenu que les pays membres devaient maintenir la stabilité du taux de change nominal à plus ou moins 10% de variation.
Selon le rapport sur l’état d’avancement du respect des critères de convergence, l’analyse des résultats des pays membres montre aujourd’hui que seuls dix-huit (18) pays remplissaient actuellement tous les critères principaux de convergence macroéconomique.
Il convient dès lors et comme l’ont réitéré les experts de l’UA, d’accélérer le processus pour permettre la création de la Banque centrale panafricaine, qui sera alors le seul émetteur de la monnaie unique africaine et deviendra le banquier des gouvernements africains et des établissements bancaires privés et publics africains. La BCA, telle qu’elle a été conçue, réglementera et supervisera le secteur bancaire africain et fixera les taux d’intérêt officiels et les taux de change, en liaison avec la Commission de l’UA.
Un vaste chantier, ambitieux mais stratégique
Les conclusions des travaux du Comité technique spécialisé de l’UA seront présentées lors du prochain sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de Juillet prochain, prévu pour se tenir à Niamey au Niger, et qui coïncidera avec l’entrée en vigueur de la zone de libre-échange continentale après la ratification des 22 pays membres requis.
Bien que ce vaste chantier date de plus de deux décennies et a été laissé en friche, cette fois l’UA semble déterminée à accélérer le processus d’autant que des préalables ont déjà été posés. C’est le cas des sièges des principales institutions financières panafricaines notamment la Banque centrale africaine (BCA) qui devrait se situer au Nigeria, la Banque africaine d’investissement (BAI) en Libye et le Fonds monétaire africain (FMA) au Cameroun. En avril 2018, l’UA et le Cameroun ont même signé un accord de siège pour accueillir le FMA, ce qui prouve que malgré les réticences et le retard, les choses avancent lentement certes mais avancent tout de même.
La réactivation de ce vaste et ambitieux chantier qui pourrait certes souffrir de certaines réticences, est stratégique pour le continent et surtout pour la promotion du commerce intra-africain. Il intervient d’ailleurs en pleine dynamique d’intégration sous régional (CEDEAO, EAC, SADC…) et régionale (Zlecaf), et alors que dans certaines Communautés économiques régionales (CER), des débats ne cessent de s’amplifier sur la révision des politiques monétaires afin de permettre au continent d’affirmer et d’assurer sa souveraineté économique et financière. C’est le cas avec le Franc CFA dans la zone franche ainsi que le projet de création de monnaie unique au niveau de la CEDEAO. Le processus sera certes long mais comme c’est le cas pour la zone de libre-échange ou le marché africain du transport aérien (MUTAA), c’est avec les premiers pas et des initiatives communes que l’UA a pu faire bouger les choses…
Avec afrique.latribune.fr