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Sénégal : les ex-présidents Diouf et Wade au chevet de Macky Sall ?

La crise politique s’enlise au Sénégal depuis l’annonce du président Macky Sall de prolonger la date du scrutin présidentiel. Face à cette situation désastreuse pour la démocratie sénégalaise, les deux anciens chefs d’État Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, tous résident en France sont venus à la rescousse du pensionnaire du palais de Dakar, qui est perte de légitimité.

Appel. Les deux ex-chefs d’État sénégalais brisent le silence et interpellent le chef de l’État, l’opposition et la jeunesse dans une déclaration conjointe.

Au Sénégal, la grogne se poursuit plus d’une semaine après le report de la présidentielle. La société civile et l’opposition sénégalaises ont prévu une marche ce mardi 13 février à partir de 15 heures (locales et GMT) à Dakar. Objectif : maintenir la pression sur le président Macky Sall. « Nous appelons tous les Sénégalais à venir de manière pacifique participer à cette marche silencieuse pour dire non au report des élections, pour dire non au prolongement du mandat du président Macky Sall », a dit lors d’une conférence de presse Abdou Khafor Kandji à la tête d’un des groupes qui constituent le collectif Aar Sunu Election (« Protégeons notre élection »). Mais le préfet de la capitale n’a pas autorisé cette marche, invoquant le risque d’une « perturbation de la circulation ».

Il faut dire que la tension est à son maximum dans le pays, alors que le dernier rassemblement organisé vendredi dernier après un appel lancé sur les réseaux sociaux a été réprimé par les forces de sécurité. Depuis, trois personnes ont été tuées.

L’appel des deux anciens présidents pour le dialogue

De quoi faire sortir les deux anciens présidents que sont Abdoulaye Wade et Abdou Diouf de leur réserve. Dans une déclaration conjointe, les deux ex-dirigeants prennent la parole en tant que « pères de la démocratie sénégalaise » et appellent au dialogue pour mettre un terme aux différends et aux crises politiques dans le pays. Nous avons su « discuter » et « dialoguer » pour « mettre un terme à nos différends et aux crises politiques », font valoir les deux ex-chefs d’État tout en prenant acte du report au 15 décembre de la présidentielle. Un soutien à la décision de Macky Sall ? La question mérite d’être posée alors qu’Abdou Diouf et Abdoulaye Wade informent s’être entretenus avec leur successeur, qui aurait réaffirmé son engagement à ne pas briguer de troisième mandat. Ils lui auraient demandé d’organiser « dans les plus brefs délais le dialogue national qu’il a annoncé ».

Dans leur message, ils interpellent l’ensemble des acteurs politiques sénégalais du « pouvoir et de l’opposition » tout comme la société civile à se parler pour rendre l’élection « transparente, inclusive et incontestable ». En tout cas, « ils ont le devoir de garantir que notre Sénégal restera un modèle de démocratie. L’Histoire les jugera », écrivent-ils. « Vous n’avez pas le droit de faire moins que nous », lancent-ils, appelant les jeunes à « arrêter immédiatement les violences et la destruction de biens et surtout à prendre du recul pour ne pas être manipulée par des forces extérieures aux desseins obscurs ».

Le feu couve dans le pays depuis le report de la présidentielle

Le Sénégal est en proie à une ample contestation depuis que le chef de l’État a annoncé le report de la présidentielle le 3 février, à trois semaines de l’échéance. Il a justifié le report par la crise actuelle entre le Conseil constitutionnel et l’Assemblée nationale, après la validation définitive par la juridiction de vingt candidatures et l’élimination de plusieurs dizaines d’autres. À l’initiative de Karim Wade, candidat recalé du Parti démocratique sénégalais (PDS) qui a remis en cause l’intégrité de deux juges constitutionnels et réclamé le report de l’élection, l’Assemblée a approuvé la création d’une commission d’enquête sur les conditions de validation des candidatures.

L’Assemblée nationale a ensuite entériné le renvoi de l’élection au 15 décembre et le maintien du président Sall à son poste jusqu’à la prise de fonctions de son successeur.

Le président Sall espère sortir de la situation via un dialogue politique afin, a-t-il, avancé d’éviter de nouveaux accès de violence après ceux de 2021 et 2023.

Plusieurs médias évoquent ce mardi la possibilité pour le pouvoir et l’opposition d’aller vers le dialogue, y compris avec les opposants Ousmane Sonko et son second Bassirou Diomaye Faye, également détenu depuis 2023. Le journal Le Quotidien avance également la piste d’une loi d’amnistie générale que pourrait faire voter le gouvernement. Pour l’instant, rien a filtré du côté du pouvoir sur ces questions. Mais, face à ce changement de dernière minute, exceptionnel dans ce pays reconnu pour sa stabilité et ses pratiques démocratiques, des universitaires « exigent » dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux « le rétablissement immédiat du calendrier électoral » et le respect des droits humains.

L’ONG Human Rights Watch a indiqué dans un communiqué qu’outre les morts et les blessés au moins 271 personnes avaient été arrêtées vendredi et samedi. « Les autorités doivent libérer tous ceux qui sont détenus pour avoir exprimé leurs vues politiques, veiller au respect de la liberté de réunion et cesser de s’en prendre aux journalistes », a dit l’ONG.

Les universités sonnent, également, l’alerte. Les huit universités publiques du Sénégal ont entamé lundi pour deux jours une grève très suivie par les enseignants pour protester contre la mort d’un étudiant dans le contexte des troubles de vendredi à Saint-Louis (nord), a indiqué le principal syndicat de l’enseignement supérieur. À l’université Assane Seck de Ziguinchor, en Casamance, dans le sud du pays, les étudiants ont cessé leurs activités.

La situation inquiète la sous-région. Le président nigérian Bolu Tinubu, à la tête de la Cedeao, était attendu à Dakar lundi pour une visite express, finalement reportée sans nouvelle date. Cependant, une délégation du parlement de la Cedeao est arrivée à Dakar ce mardi pour une visite de trois jours.

 

Par Le Point Afrique