- À la Une, Actualités, Économie, Mines, Mines & Environnement

Procès de Beny Steinmetz sur le Simandou : le procureur Genevois révèle que tous éléments de preuves sont réunis pour condamner le milliardaire à une lourde peine

Le dossier rocambolesque sur la corruption guinéenne jugé à Genève, en Suisse se poursuit. Le roi du diamant Beny Steinmetz, patron du BSGR  face au procureur Yves Bertossa. Ce dernier a mis à nu la fragilité du système guinéen sous Lansana Conté et comment un magnat des mines a soudoyé la famille présidentielle.

Yves Bertossa demande de punir un «cas d’école de la corruption»

Dans son réquisitoire, le procureur a soutenu que Beny Steinmetz et son groupe minier BSGR ont bien corrompu l’épouse du président guinéen. La démonstration s’appuie sur une masse de documents, parfois accablants.

« Des e-mails, des écoutes, des procès-verbaux : on a tout dans cette procédure.» Tout ce qu’il faut pour condamner le magnat des mines Beny Steinmetz et ses deux coaccusés, jugés depuis lundi à Genève pour corruption d’agent public étranger et faux dans les titres. Dans son réquisitoire, le premier procureur genevois Yves Bertossa a décrit les agissements de Beny Steinmetz et de son groupe en Guinée comme un « cas d’école de la corruption », ce « mal insidieux qui ronge l’humanité », selon une formule empruntée à l’ancien secrétaire général de l’ONU Kofi Annan. Il demande cinq ans de prison et une créance compensatrice (confiscation) de 50 millions de francs contre Beny Steinmetz, quatre ans et 11 millions de dollars contre son coaccusé Frédéric C., deux ans avec sursis et 150 000 dollars contre la gérante du groupe de Beny Steinmetz.

L’absence des onze témoins convoqués devant le tribunal – tous vivent à l’étranger et se sont défilés pour cause de coronavirus – ne semble guère embarrasser le Ministère public. Les procureurs genevois s’appuient sur de volumineuses enquêtes menées depuis 2013 en Suisse, aux États-Unis, en Guinée et en Israël sur cette affaire. Elles démontreraient que Beny Steinmetz et son groupe BSGR ont fait verser quelque 10 millions de dollars à une épouse de l’ancien président guinéen pour s’emparer du mégagisement ferreux de Simandou. « On a une dizaine de contrats qui le prouvent », a asséné la procureure Caroline Babel Casutt, qui soutient l’accusation avec Yves Bertossa.

Un président influençable

Premier point de la démonstration : Mamadie Touré, l’épouse de l’ancien président, était bien un agent public étranger au sens du droit suisse. Dans les années 2000, elle était la clé pour accéder au chef de l’État Lansana Conté. Au pouvoir depuis vingt ans, vieillissant, malade, il était sous la coupe de ses femmes et notamment de Mamadie Touré, sa quatrième épouse. Les tentatives des accusés de la décrire comme une simple « maîtresse » sont balayées par le Ministère public. Après tout, le couple s’est marié à la mosquée. Et quand un des coaccusés de Beny Steinmetz, Frédéric C., a fait ouvrir un compte bancaire à Genève pour Mamadie Touré, il l’a décrite comme la femme du président.

Second point, plus difficile à démontrer : Beny Steinmetz était forcément au courant des versements corruptifs, et même leur ordonnateur. Peu importe que le roi du diamant franco-israélien se décrive comme un simple « conseiller » de son groupe. Yves Bertossa ironise : « On sait que Mamadie a reçu un montant de l’ordre de 10 millions, mais c’est magique, c’est de la corruption magique, via le board (conseil d’administration), les managers, les partenaires.» Aucun responsable, aucun coupable : BSGR serait un « groupe sans tête », qui « avance tout seul », sans dirigeant physique réel.

«Le seul sens que ça a, c’est que Beny Steinmetz et BSGR ont décidé qu’il fallait corrompre Mamadie Touré.»

Pour l’accusation, cette construction n’a « pas le moindre début de crédibilité ». Beny Steinmetz a recruté la plupart des dirigeants de BSGR. Personne n’aurait pu s’engager dans une aventure aussi risquée que la Guinée sans son autorisation. En 2007, lorsqu’il découvre qu’un cadre du groupe a signé un contrat avec l’épouse du président pour s’emparer de permis miniers, «il ne lui dit pas, qu’est-ce que tu as fait là, signer un pacte corruptif avec l’épouse du président », note Yves Bertossa. Au contraire, il le garde à son poste jusqu’en 2014. « Le seul sens que ça a, c’est que Beny Steinmetz et BSGR ont décidé qu’il fallait corrompre Mamadie Touré », estime Yves Bertossa.

Beny Steinmetz aurait aussi tenté de faire taire Mamadie Touré lorsque l’affaire de Simandou a commencé à s’ébruiter. En 2013, il est chez son avocat parisien Jean Veil pour rédiger une convention où la jeune femme dément avoir été la femme du président. Une convention presque identique lui sera soumise une semaine plus tard par Frédéric C. Enfin, pourquoi avoir libellé le paiement de 22 millions de dollars aux intermédiaires de BSGR en Guinée comme l’achat d’une aciérie à Bakou, en Azerbaïdjan ? « Ce n’est pas une erreur, c’est une invention, une dissimulation », accuse Yves Bertossa.

Lors des nombreuses procédures pénales et arbitrales concernant cette affaire, Beny Steinmetz et son groupe ont affirmé que certains documents qui les incriminent sont des faux. Impossible, selon l’accusation : des expertises, des taches de rouille et même de croissant prouveraient leur authenticité. Le procès se poursuivra vendredi et peut-être lundi, avec les plaidoiries de la défense.

 

Avec la Tribune de Genève

Laisser un commentaire