New York, le 28 mars 2020
Aux secrétaires généraux de l’ONU et de l’Union Africaine.
Ce mémorandum est adressé à l’ONU et à l’Union Africaine pour demander des enquêtes sur les crimes contre l’humanité qui ont été commis au cours des derniers mois par le régime de M. Alpha Condé en Guinée. Nous voudrions que les missions soient préparées et prêtes à être déployées dès que les conditions de la pandémie du virus corona le permettront.
Des faits nombreux dont les uns sont relatées ci-après, montrent qu’il y a une urgence pour que l’ONU et de l’Union Africaine prennent leur responsabilité d’intervention – sous les auspices des accords du club de Rome – afin d’endiguer la violence de l’état guinéen et pour contrer le coup d’état constitutionnel de M. Alpha Condé. Le gouvernement guinéen a prémédité et exécuté des actes criminels à caractère ethnique contre des populations sans défense. Il a défié ainsi la raison d’être des Nations Unies et de l’Union africaine.
En même temps, M. Alpha Condé est entrain des saper l’émergence de la démocratie en Afrique, voire sa consolidation à travers le monde. Nous espérons que les Nations Unies et l’Union africaine – dont le principal mandat est d’assurer le maintien de la paix dans le monde et sur le continent africain – répondront à ce défi. Toute inaction, sous couvert de diplomatie ou de respect de souveraineté nationale, sera un précédent regrettable
Sur la préméditation des crimes du coup d’Etat constitutionnel
Au mois de janvier 2020, notre organisation avait adressé un mémorandum à la cellule de prévention du génocide de l’ONU pour montrer que des quatorze critères qui attestent de la préparation de génocide dans un pays, le gouvernement de M. Alpha Condé avaient mis en œuvre douze. Nous avions demandé la mise sur pied d’une commission d’enquêtes pour confronter le gouvernent guinéen. Cette demande étant restée sans suite officielle, Alpha Condé et ses acolytes auront eu les mains libres pour poursuivre la confiscation de pouvoir dans le sang, en faisant fi de tous les appels au dialogue et au bon sens.
La préméditation sur les crimes commis par Alpha Condé et ses acolytes est sans équivoque. Dans une interview publiée le 24 octobre 2019 par le quotidien français, Le Monde, M. Alpha Condé avait déclaré : “Dans les autres pays où il y a de nouvelles Constitutions, il y a eu beaucoup de manifestations, il y a eu des morts, mais ils l’ont fait”.
Sur la répression préventive
Par suite à cette déclaration, M. Alpha Condé mit à exécution un plan d’intimidations et de répression préventive, basée sur un ciblage régional et ethnique, en vue d’affaiblir la contestation populaire. Il ordonna le déploiement des milices qu’il a infiltrées dans l’armée au Fouta-Djallon. Ce déploiement se solda par plusieurs innocents citoyens assassinés froidement ainsi que le harassement de leaders religieux dans leurs domiciles.
Profitant de la psychose par lui ainsi créée, M. Alpha Condé, en personne, fit flotter l’idée d’un complot dans le but de provoquer des pogroms ethniques. Sans aucune preuve, il annonça que son gouvernement avait éventé un complot qui consisterait à faire assassiner des citoyens guinéens dans la région du Fouta-Djallon, en vue de provoquer des rétorsions contre les peuls dans les autres régions de la Guinée.
Contrairement aux événements de 2010, ce plan de pogroms ne se matérialisera pas.
La répression préventive destinée à réaliser le coup d’État constitutionnel se poursuivra tout autant. Un nombre inconnu de citoyens seront enlevés et détenus, sans charges judiciaires, au camp militaire de Soronkoni. Pendant longtemps, leur sort est resté indéterminé. Faisant écho au passé de répression politique en Guinée, plusieurs membres de la société civile ont surnommé le camp de Soronkoni le nouveau camp de Boiro.
Des organisations internationales des droits de l’homme ont rendu compte des arrestations. Certaines des personnes détenues ont été libérées sans explications. Les dirigeants de la résistance au coup d’État constitutionnel ont été soumis à des traitements similaires avec des arrestations, des accusations de mise en danger de la sécurité de l’État ainsi que des procès et des condamnations. Des enquêtes par des organismes externes sont plus que jamais nécessaires pour mettre fin à la culture des arrestations arbitraires, des tortures et des détentions en Guinée.
Un affront aux institutions africaines
Parallèlement à la répression de la résistance interne, M. Alpha Condé et ses acolytes vont faire fi de toutes les pressions diplomatiques, dont celle de l’Union Africaine et de la CDEAO.
L’affront le plus manifeste a été fait à la cour de CEDEAO. En date du 18 février 2020, un recours en urgence fut déposé à la cour par le FNDC, sur les dangers encourus par les guinéens si les élections avaient été tenues le 1er mars 2020 comme initialement prévu. En même temps, la mission de la CEDEAO avait reconnu que le fichier électoral guinéen était entaché d’irrégularités d’environ 30% qui ne pouvaient en aucun cas garantir l’expression de la volonté populaire, derrière laquelle Alpha Condé se réfugie pour justifier le coup d’état constitutionnel. À ce jour, la cour n’a pas statué clairement sur les dangers qui se sont pourtant matérialisés par un bain de sang le 22 mars et les jours qui suivirent.
Les organes exécutifs de la CEDEAO n’ont à ce jour émis que des communiqués laconiques sur le coup d’Etat de M. Alpha Condé. Leur silence est une violation des dispositions légales de la communauté et de l’Union Africaine. Ces dispositions indiquent sans ambiguïté que tout gouvernement issu de toute forme de coup d’état ne sera pas reconnu par la communauté des états africains. En outre, ces mêmes dispositions imposent des sanctions à tous ceux qui s’en rendraient complices. Le bain de sang électoral
Comme il fallait s’y attendre, les élections donnèrent lieu à des massacres dont l’ampleur ne sera déterminée que par des enquêtes des experts de l’ONU.
À Conakry, il ressort de la liste des personnes tuées, que la répression des forces de sécurité dans la capitale était exclusivement dirigée contre les citoyens peuls. Pour la journée du 22 Mars, on dénombre une dizaine de morts, dont une jeune mère de famille et des personnes mineures.
Dans la région forestière de Guinée, à Nzérékoré, le même ciblage ethnique fut dirigé cette fois contre les citoyens guerzés. Les forces de sécurité menèrent une répression sanglante. Pour la journée du 22 mars, le bilan provisoire est de 66 morts. La répression se poursuivit dans les jours qui suivirent, faisant environ 119 victimes, dont certaines furent jetées dans des fosses communes. En plus, les forces de sécurité incendièrent une église et détruisirent des centaines d’habitations. Des proches de M. Alpha Condé se sont illustrés récemment par des verbales ethniques contre les Peuls et dans l’aggravation de conflits ethniques dans la région forestière de Guinée. Une enquête est nécessaire pour déterminer leur responsabilité dans cette sanglante répression.
En même temps, pour pouvoir faire des épurations ethniques dans l’armée, le gouvernement répand des rumeurs sur une tentative de putsch militaire. Le bilan actuel est un militaire assassiné. Une quarantaine de militaires dont les noms n’ont pas été publiés sont en détention.
L’utilisation criminelle de la pandémie du virus corona en Guinée
Le président guinéen s’est précipité pour tenir le scrutin législatif et constitutionnel le 22 mars, en pleine épidémie de coronavirus. M. Alpha Condé n’a aucun scrupule à exposer les citoyens de son pays à la propagation meurtrière du virus, alors que les pays voisins du Sénégal et de la Côte d’Ivoire ont déclaré l’état d’urgence.
Dès la fin de la farce électorale, le président guinéen s’est encore précipité pour déclarer l’état d’urgence. L’état d’urgence est le cadre idéal pour annoncer par gouttes, des résultats électoraux qui défient le bon sens.
Rappel des obligations de de la CEDEAO, de l’ONU et de l’UA
Une visite de dernière minute de chefs d’État de la CEDEAO (Mahamadou Issoufou, Alassane Ouattara et Muhammadu Buhari) en Guinée était prévue pour dissuader M. Alpha Condé de son coup d’État constitutionnel. En raison du refus de M. Alpha Condé, la visite fut annulée.
Il convient de noter que devant la Cour de la CEDEAO, la responsabilité des quatorze autres chefs d’État de la communauté reste engagée.
En vertu de l’article 7 du Statut de Rome ainsi que du mandat de l’ONU que nous avions mentionné dans le mémorandum de janvier 2020 sur la prévention du génocide des Peuls en Guinée, l’Union africaine et l’ONU ont toute latitude – en collaboration avec la CÉDÉAO – pour engager des enquêtes sur les crimes contre l’humanité perpétrés en Guinée.
Pour l’enracinement de la démocratie en Guinée
Il convient de noter que les nouvelles demandes, ici formulées, concernant les crimes contre l’humanité en Guinée, surviennent plus de dix ans après que d’autres crimes du même genre furent commis dans le pays. Ces crimes sont encore sous-investigations.
Cela souligne la nécessité d’aider la Guinée à se soustraire de la tradition de violence et d’impunité de l’État ainsi que de la culture de prédation sur les ressources minérales.
Le plan présenté par Pottal-Fii-Bhantal il y a plus de dix ans était basé sur la mise en place d’un gouvernement de transition. Le plan soulignait la nécessité d’une assistance à long terme avec un envoyé spécial des Nations Unies dont la mission serait d’aider à une gouvernance sous les auspices de la justice pour tous les citoyens.
En 2009, le plan reçut une grande considération de la part du « groupe de contact » d’alors. Cependant, des considérations politiques – déguisées derrière des manipulations ethniques – déraillèrent le projet. Cela a contribué à l’échec actuel du pays.
Le plan de l’époque est toujours d’actualité. Toute nouvelle mission des Nations Unies et de l’Union africaine doit se baser sur les aspirations des Guinéens à remédier aux injustices du passé. C’est la seule garantie de perspectives plus prometteuses pour le pays.
La commission centrale de Pottal-Fii-Bhantal Fouta Djallon