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Malgré leur importance pour l’économie de leurs pays, Bamako, Niamey et Conakry ne sont pas de véritables moteurs de croissance (Banque mondiale)

Malgré leur importance pour les économies de leurs pays respectifs, les villes de Bamako au Mali, de Conakry en Guinée et de Niamey au Niger ne constituent pas des moteurs de croissance et de prestation de services efficaces. C’est là, l’une des principales conclusions d’un récent rapport de la banque intitulé « les défis de l’urbanisation en Afrique de l’Ouest ».

Dans cette publication, la Banque mondiale se penchant en particulier sur le défi urgent de l’urbanisation au Sahel, plus particulièrement en Guinée, au Mali et au Niger.

En effet, selon le rapport, le Sahel connaît actuellement une urbanisation rapide et désordonnée. Avec un paysage urbain fortement dominé par les capitales Bamako, Conakry et Niamey. Par exemple, Bamako représente environ 34% du produit intérieur brut (PIB) du Mali, tandis que Conakry et Niamey représentent chacune environ 27% du PIB respectivement de la Guinée et du Niger.

Par ailleurs, la population de ces capitales augmente plus rapidement que partout ailleurs dans le monde, et l’explosion démographique des jeunes pourrait de ce fait se transformer en « dividende démographique », ou en catastrophe démographique, accompagnée d’instabilité urbaine si les villes ne répondent pas à ces aspirations, prévient le rapport de la Banque mondiale.

Faible compétitivité et insuffisances des services urbains

Bien que représentant une part importante de la richesse de leurs pays respectifs, aucune de ces trois capitales ne parvient à accroître sa compétitivité ni à garantir des services urbains à ses habitants, souligne le rapport.

La productivité du travail y reste faible par rapport à la moyenne de quinze villes d’Afrique subsaharienne, et stagne depuis une quinzaine d’années. Plus inquiétant encore, la prestation de services urbains en Guinée, au Mali et au Niger continue d’être inférieure à la moyenne subsaharienne et ne semble pas prête à rattraper celle des pays de comparaison.

Par exemple, la ville de Niamey reste assez concentrée autour de son centre-ville. En revanche, Bamako présente une forme urbaine très fragmentée et Conakry reste fortement soumise aux contraintes de sa situation géographique, sur la presqu’île de Kaloum, ce qui la conduit à une expansion linéaire, avec une forte concentration à l’extrême pointe de la péninsule.

Cette fragmentation urbaine tend ainsi à limiter les opportunités d’interaction, ce qui accroît le coût de la fourniture d’infrastructures et de services urbains dans ces villes. La fragmentation urbaine impose également aux travailleurs et aux ménages des coûts de vie élevés, entraînant des coûts indirects et d’autres contraintes pour les entreprises.

A titre d’exemple, le rapport relève que la plupart des habitants de Bamako, Niamey et Conakry se déplacent à pied. Plus de la moitié des déplacements dans la ville se font à pied, et donc sur une étendue géographique assez limitée, réduisant l’accès aux opportunités et services offerts par la ville.

Pourtant, lorsque l’accessibilité est bonne, les villes permettent à la population d’accéder à une plus grande variété d’emplois, ce qui améliore le bien-être et la productivité.

Une forte croissance démographique qui pourrait être bénéfique ou désastreuse

Selon le rapport, les populations de Bamako, Conakry et Niamey sont en rapide croissance et devront tirer profit du dividende démographique pour éviter l’instabilité.

A titre d’exemple, la Banque mondiale estime que pour maintenir un taux de chômage à 3%, Bamako devra créer environ 1,5 million de nouveaux emplois, et Conakry et Niamey, environ la moitié. Ceci, dans la mesure où le pourcentage de jeunes devrait augmenter plus vite qu’ailleurs dans le monde au cours de la prochaine génération, en particulier en Afrique de l’Ouest.

Cette explosion démographique des jeunes peut se transformer « en dividende démographique ». Et dans ce cas, les villes pourront bénéficier d’un essor temporaire de la population en âge de travailler pour employer les jeunes de manière productive.

Toutefois, elle peut aussi constituer « un désastre démographique » si les villes ne parviennent pas à répondre aux attentes de la jeunesse. Bamako, Conakry et Niamey doivent donc agir aujourd’hui pour ne pas être confrontées demain à une forte proportion de jeunes privés de perspectives d’emploi, car cela entraînerait un risque d’instabilité urbaine dans la région, à l’heure où les menaces terroristes déstabilisent de plus en plus le Sahel.

Une croissance urbaine spectaculaire qui va intensifier la pression sur le foncier

La Guinée, le Mali et le Niger ont connu une croissance rapide de la population urbaine entre 2000 et 2015. Les taux de croissance urbaine ont été particulièrement spectaculaires au Mali et au Niger (environ 5 %), la Guinée (3,3%) se rapprochant davantage de la moyenne régionale.

Le rapport estime que jusqu’en 2030, les zones urbaines au Mali, au Niger et en Guinée accueilleront, respectivement, au moins 400 000, 190 000 et 150 000 résidents chaque année.

Une telle situation pourrait occasionner d’énormes problèmes notamment au niveau foncier. En effet, étant donné que la pression future sur les terres sera inéluctable, des marchés fonciers fonctionnels seront nécessaires pour relever les défis de la croissance urbaine.

Ainsi, si la taille des ménages et l’occupation des terres ne changent pas, 225 200 hectares supplémentaires de terres urbaines seront nécessaires d’ici 2020 et près de 12 000 hectares d’ici 2030 pour faire face à la demande de terrains résidentiels. Ces projections nécessiteront une forte augmentation de l’offre de terrains pour le logement.

Toutefois, le manque de clarté dans les droits fonciers entrave sérieusement le réaménagement des terres urbaines dans toute l’Afrique, imposant des coûts élevés. Toute chose qui, en entravant les investissements et le développement économique, produit « de graves conséquences sur les moyens de subsistance, la paix sociale et la stabilité politique ».

Investir dans les réformes, les infrastructures et les institutions

Pour la Banque mondiale, les villes de Bamako, Conakry et Niamey disposent d’une fenêtre d’opportunité restreinte pour coordonner et investir dans les réformes, les infrastructures et les institutions, qui auront des conséquences considérables dans le futur.

Des investissements à fonds perdu effectués ou facilités par les gouvernements peuvent servir de signal en faveur d’investissements coordonnés à plus long terme dans une ville.

En outre, des réformes coordonnées et des investissements tels que l’aménagement du territoire, complétés par des investissements dans les infrastructures urbaines, peuvent aider les ménages et les entreprises à répondre efficacement au schéma de croissance de la ville.

Pour ce faire, Bamako doit se concentrer sur la modernisation de structures existantes et la coordination du réaménagement du territoire en même temps que sur des investissements en infrastructure. Conakry doit, quant à elle, donner la priorité à une meilleure connectivité entre le centre-ville et sa périphérie.

 

Enfin, Niamey se doit de jeter les bases d’un développement urbain futur. « Il sera essentiel de faire les bons choix alors que l’urbanisation en est à ses balbutiements.», conclut le rapport de la Banque mondiale.

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