C’est l’une des mesures, qui s’inscrit dans la mise en œuvre de la convention sur la protection de la nature adoptée en décembre 2022 à la COP15 à Montréal au Canada.
La décision permet l’entrée en vigueur de ce texte-clé du pacte vert européen, déjà validé par les eurodéputés. La ministre de l’environnement autrichienne a défié son propre gouvernement pour soutenir le texte.
Après des mois de blocage, les États de l’Union européenne ont définitivement adopté, lundi 17 juin, une législation-clé du pacte vert pour l’Europe qui impose la restauration des écosystèmes abîmés.
La décision, soutenue par vingt États sur les Vingt-Sept lors d’une réunion des ministres de l’environnement à Luxembourg, ouvre la voie à l’entrée en vigueur de ce texte destiné à enrayer la perte de biodiversité. Il avait déjà été validé par les eurodéputés.
Coup de théâtre : l’Autriche, qui avait officiellement choisi de s’abstenir en raison de divisions dans la coalition au pouvoir, a finalement voté pour. Le chancelier conservateur Karl Nehammer a jugé « illégal » le vote de sa ministre écologiste Léonore Gewessler, et annoncé « introduire un recours en annulation » devant la justice européenne.
Le Belge Alain Maron, dont le pays assure la présidence tournante de l’UE, a estimé qu’il s’agissait d’une « querelle interne » à l’Autriche, seul comptant le vote des ministres. « Pas de pause environnementale (…), c’est notre devoir de répondre à l’urgence de l’effondrement de la biodiversité », a commenté ce responsable écologiste.
Pourparlers autour du secteur agricole
La législation, dont l’adoption est qualifiée de « victoire historique » par l’ONG environnementale WWF, impose d’instaurer d’ici à 2030 des mesures de rétablissement des écosystèmes sur 20 % des terres et espaces marins à l’échelle de l’UE, et de restaurer 30 % des habitats (zones humides, forêts…) en mauvais état. D’autres dispositions visent à améliorer les critères mesurant la santé des forêts, à retirer des barrages sur les cours d’eau, à stopper le déclin des abeilles.
Après d’âpres pourparlers, concernant notamment le secteur agricole, les négociateurs du Parlement européen et des États s’étaient entendus mi-novembre 2023 sur une version très édulcorée de cette législation « restauration de la nature », un accord entériné fin février par les eurodéputés.
Mais l’ultime accord des Vingt-Sept, indispensable, se faisait attendre, faute de majorité requise (au moins quinze pays représentant 65 % de la population de l’UE) : trois États (Suède, Pays-Bas, Italie) entendaient voter contre et cinq (Belgique, Autriche, Pologne, Finlande, Hongrie) s’abstenir.
Ils s’alarmaient notamment de nouvelles charges pour les agriculteurs, d’entraves pour le puissant secteur de la sylviculture des pays scandinaves ou d’ingérences accrues de l’UE.
Une mesure pour « le bonheur des générations futures »
Lundi, seule la ministre autrichienne a changé de position, ce qui a suffi à faire basculer l’issue du vote. « Ma conscience me dit sans équivoque que lorsque le bonheur des générations futures est en jeu, des décisions courageuses sont nécessaires », a martelé Mme Gewessler, saluant « de bons compromis et des mesures équilibrées ».
« Le temps pour les arguties politiques et idéologiques est derrière nous », a réagi le commissaire européen à l’environnement, Virginijus Sinkevicius, rappelant que le texte traduit les objectifs adoptés à la COP15 de Montréal de 2022 consacrée à la biodiversité.
Pour la ministre espagnole Teresa Ribera, les Etats étaient tenus d’entériner le compromis qu’ils avaient eux-mêmes conclu avec le Parlement européen : « C’est une question de cohérence. Il serait difficile, voire dangereux en termes de crédibilité des institutions, de faire marche arrière », avait-elle averti.
Son homologue français, Christophe Béchu, s’est félicité d’un vote permettant de « préserver pour les générations futures les services rendus par les écosystèmes pour garantir nos moyens de production et notre résilience ».
« Un tournant »
La fin du marathon institutionnel a été saluée comme « un tournant pour la nature et la société » par une coalition d’ONG écologistes (BirdLife, ClientEarth, WWF, European Environmental Bureau), qui appelle les Etats à appliquer le texte « correctement et sans délais ».
La législation « aidera à renforcer la résilience des mers, le plus grand réservoir de carbone, en luttant contre la pêche destructrice », à rebours du « discours anti-environnement » ayant marqué la campagne des européennes, abonde Nicolas Fournier, de l’ONG Oceana.
À l’inverse, la Confédération européenne des propriétaires forestiers a condamné, par la voix de son vice-président, « une législation synonyme de surrèglementation et de bureaucratie (…) mettant la nature sous cloche ».
« On ne peut pas nous dicter d’en haut comment gérer notre exploitation : si on croit aider la nature sur ordre, ça ne marche pas », a réagi le principal syndical agricole allemand.
L’impact du texte en milieu rural avait suscité une violente bataille politique l’an dernier, les eurodéputés de droite y voyant une menace pour la sécurité alimentaire. Cela avait nourri la colère agricole début 2024 malgré les vastes flexibilités introduites.
Le Monde avec AFP