En novembre 2017, la compagnie pétrolière angolaise Sonangol ordonne via à sa banque d’effectuer trois virements d’une valeur d’environ 58 millions de dollars au profit de Matter Business Solutions, l’une des sociétés détenues par le couple dos Santos-Dokolo, au lendemain du limogeage d’Isabel dos Santos à la tête de l’entreprise publique. L’information mise au jour par l’ICIJ n’est qu’une partie des révélations sur le tentaculaire réseau d’entreprises de la fille de l’ancien président, qui aurait également détourné les fonds de Sodiam, la société angolaise chargée de la vente des diamants extraits dans le pays.
Le consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) a épluché 715 000 documents financiers, avant de faire des révélations dimanche dernier sur « comment la femme la plus riche d’Afrique [Isabel dos Santos, ndlr] a exploité les liens familiaux, les sociétés fictives et les accords internes pour construire un empire » ?
Les documents en question sont constitués de courriels, de mémos internes des entreprises des dos Santos, des contrats, des rapports de consultants, des déclarations de revenus, des audits privés et des vidéos de réunions d’affaires. Les contenus (langues portugaise et anglaise) remontent à 1980, avec un accent particulier sur la dernière décennie. Dos Santos, son mari et leurs intermédiaires ont construit un empire de plus de 400 entreprises et filiales dans 41 pays, dont au moins 94 dans des juridictions comme Malte, Maurice et Hong Kong. Au cœur d’un montage complexe, à travers des sociétés-écrans ou offshore, des pratiques d’optimisation fiscale, des détournements de fonds publics ont été révélés. Des transactions illégales via la société publique Sonangol, fleuron de l’économie nationale, mais aussi de la compagnie minière Sodiam, la société nationale chargée de la vente des diamants extraits du pays.
58 millions versés par Sonangol à la société dos Santos
Selon les documents consultés, les investissements dans le secteur des énergies débutent véritablement en 2005. A l’époque, la société Amorim, du milliardaire portugais Américo Amorim proche de la famille présidentielle et Sonangol ont conclu un accord qui donnerait au couple Isabel Dos Santos et Sindika Dokolo une participation dans une société d’énergies à un prix avantageux. C’était leur premier accord international majeur.
Le milliardaire portugais et Sonangol ont formé une société d’investissement, Amorim Energia BV, qui a ensuite repris un tiers de la société d’énergies portugaise, Galp Energia.« L’objectif était de travailler sur l’ensemble de la chaîne [d’approvisionnement en pétrole, ndlr], de la production aux pompes, en passant par les raffineries », a déclaré Dokolo à nos confrères de RFI. « Sonangol n’avait ni les relations ni les compétences nécessaires pour élaborer un plan d’affaires aussi ambitieux », a-t-il ajouté.
« Je gère des entreprises depuis longtemps, en commençant par les petites, en les construisant, en passant par toutes les étapes de la réussite d’une entreprise », déclarait en avril 2017 Isabel dos Santos, alors à la tête de Sonangol.
Toujours est-il que les données à charge restent lourdes. Le mercredi 15 novembre 2017, à 13h31, l’agence de presse angolaise annonçait le licenciement d’Isabel dos Santos à la tête de Sonangol. A 18h30 dans la même journée, Sonangol a demandé à ses banquiers portugais de verser 38 millions de dollars sur le compte bancaire de Matter Business Solutions, une société basée à Dubaï détenue par Paula Oliveira, partenaire commercial de dos Santos, révèlent les documents. Dos Santos a déclaré qu’elle avait approuvé l’ordre de transfert avant son licenciement. « Les honoraires payés à Matter pour ses services de conseil ont été légitimement payés et entièrement enregistrés sur le compte de Matter », ont déclaré les avocats du clan dos Santos.
Au total, selon les dossiers confidentiels de Sonangol examinés par l’ICIJ, la banque de la compagnie pétrolière a effectué trois paiements d’une valeur d’environ 58 millions de dollars à Matter Business Solutions le lendemain de l’annonce du licenciement de la femme d’affaires, soit le 16 novembre. Le pillage dénoncé se serait également étendu à l’Angolan national diamond trading company (Sodiam), la société d’Etat chargée de contrôler et de superviser l’achat, la vente et l’exportation/importation de diamants en Angola.
Sodiam, l’autre scandale
En 2010, Sindika Dokolo a incorporé deux sociétés maltaises pour acquérir une participation majoritaire dans le tour de table d’un joaillier suisse de luxe en difficulté, du nom de De Grisogono, . Son partenaire commercial dans l’accord était l’agence angolaise de négoce de diamants, Sodiam, copropriétaire des entités maltaises. L’idée de Dokolo a été de créer une entreprise contrôlant l’industrie angolaise du diamant, de l’extraction au polissage, en passant par la vente au détail, a-t-il déclaré à l’ICIJ par l’intermédiaire de ses avocats.
La Sodiam a aidé à financer l’acquisition et a prêté à la société de joaillerie plus de 120 millions de dollars au total, selon les archives. Dokolo – qui a investi ses propres fonds dans la société de bijoux – avait « le plein contrôle de la direction », selon un projet de convention d’actionnaires issu des documents divulgués.
Depuis, la société d’Etat angolaise de négoce de diamants a rompu ses liens avec dos Santos et ses permis d’exploration de diamants ont été révoqués. Le patron de la société d’Etat de diamants, Eugénio Pereira Bravo da Rosa, a déclaré aux partenaires de l’ICIJ que l’investissement de la société étatique dans le secteur des bijoux de luxe de Dokolo était une catastrophe financière. La société s’attend à ce que les pertes sur l’accord dépassent les 200 millions de dollars.
Par Afrique la Tribune