Des pluies diluviennes causent actuellement d’importantes inondations et des dégâts conséquents en Somalie, au Kenya et en Éthiopie. Le phénomène météo El Niño y est pour quelque chose mais il est aggravé par les effets du changement climatique.
Plusieurs dizaines de personnes ont perdu la vie en raison de ces torrents d’eau boueuse qui ont débordé des rivières. De nombreuses maisons, du bétail, des routes, des ponts ont été engloutis. D’après le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’Onu (OCHA), rien qu’en Somalie, plus de 100 000 personnes sont actuellement déplacées et plusieurs centaines de milliers d’autres affectées par ces inondations. Une image est devenue virale au Kenya : celle de plusieurs hommes réfugiés sur le toit d’un camion, finalement sauvés de cette marée rugissante par un hélicoptère civil.
Pourquoi de telles pluies et de tels dégâts ? C’est la saison des pluies en ce moment, mais les précipitations sont encore plus fortes en raison du phénomène météo El Niño. Ce phénomène atmosphérique cyclique, qui vient du Pacifique, assèche certaines zones du monde, mais peut aussi provoquer des épisodes de pluies extrêmes. Le changement climatique joue également un rôle car El Niño arrive cette année après la pire sécheresse que la Corne de l’Afrique ait connue en quarante ans.
« Ces éléments sont liés au changement climatique du fait que la sécheresse dure plus longtemps. Si avant elle durait trois mois, aujourd’hui certaines régions peuvent passer huit mois voire une année entière sans pluie, explique Edmond Totin, qui a coordonné le chapitre Afrique des derniers rapports du GIEC. Cela crée un déséquilibre atmosphérique et cela renforce l’effet de El Niño. »
Le fait que beaucoup de pluie se déverse en une période très courte est aussi un symptôme du changement climatique. Et quand c’est le cas, les sols sont incapables d’absorber toute cette eau.
Caniveaux et système de drainage sous-dimensionnés
Mais ce n’est pas la seule explication à l’ampleur des dégâts. Il y a aussi un problème d’infrastructures, indique Edmond Totin. En Éthiopie, au Kenya et en Somalie — et sur le continent africain en général, les caniveaux, les systèmes de drainage ne sont pas adaptés et ils manquent d’entretien.
« Les infrastructures qu’on réalise maintenant doivent tenir compte de l’évolution de ces phénomènes climatiques, elles doivent être dimensionnées et entretenues en conséquence. Ça, c’est ce qui revient à l’État, souligne le scientifique béninois. Pour nos communautés, pour la population, il est aussi important de les sensibiliser à entretenir ces infrastructures, cela ne doit pas être des dépotoirs, cela ne doit pas être des trous où on vient déverser les ordures qu’on n’a pas réussi à gérer dans les maisons. »
Des travaux d’adaptation sont donc nécessaires mais l’Afrique ne pourra pas faire face à tous les dégâts causés par le changement climatique.
Dans les pays pauvres, ces événements météo extrêmes, qui se répètent et s’intensifient, enclenchent des cycles de vulnérabilité. Comme il n’y a pas de système d’accompagnement social ou économique, les populations victimes mettent des années à se relever. Et avant qu’elles y parviennent, survient un autre aléa climatique. Et ce alors que l’Afrique a très peu de responsabilité dans les émissions de gaz à effet de serre…Voilà pourquoi les pays du Sud se battent sur la scène internationale pour obtenir le fameux « Fonds pour les pertes et préjudices », c’est-à-dire pour être indemnisés en raison des dégâts irréparables. Ce fonds pertes et préjudices sera un des enjeux de la COP28 à la fin du mois.
Avec RFI