Avec le culot qu’on lui connaît, Alpha Condé vient de monter d’un cran le caractère déjà fort bestial de nos mœurs politiques. Faisant fi et du désaveu du peuple et des mises en garde de la communauté internationale, notre octogénaire petit chef a réussi à passer en force ses législatives-bidon et sa constitution sur mesure.
Du moins, le croit-il !
Le braconnage électoral terminé, les vampires qui nous gouvernent pensent pouvoir se repaître. En prévision de la bamboula qui s’annonce, le jeu des chaises musicales a déjà commencé. Les engueulades se multiplient dans les couloirs des ministères, les torgnoles dans les travées de l’assemblée nationale, les crocs-en-jambes à la primature.
Tous les coups sont permis. C’est à celui qui s’accaparera du bureau le plus vaste, du porte- feuille le mieux garni, du poste le plus juteux. Sous les doux cieux de Guinée, on ne fait pas de la politique pour rien. Pourquoi croyez-vous que ces caciques s’ingénient tant à mentir et à diviser, à sacrifier quantité de bœufs et de moutons, de lépreux et d’albinos ? Pour pouvoir rouler sur l’or en se gavant de diamant, de bauxite et de fer, pardi !
On ne prend pas le pouvoir dans un pays aussi minier que le nôtre pour le quitter de gaieté de cœur. Quoi de plus tentant qu’une présidence à vie pour tous ces ogres qui ont pris goût au sang vermeil et délicieux du peuple ? Grisés par le pouvoir, ces sadiques n’ont qu’une seule idée en tête, transformer notre pays en république dynastique comme au Togo, au Gabon ou au Congo. Va-t-on les laisser faire ?
Ce pari risqué du troisième mandat, Alpha Condé n’a pas hésité à le prendre, nonobstant les cas déshonorants de Yaya Jammeh, d’Omar El Béchir et de Blaise Compaoré. On est en Guinée, le pays des poltrons et des résignés se dit-il, n’importe quel président peut y faire les conneries qu’il veut sans subir ni grogne populaire ni insurrection. Pour notre grand malheur, il trouva dans cette sordide besogne un allié de taille : le coronavirus (l’instinct de solidarité est puissant chez les démons).
Sans le concours inopiné de cette maudite bestiole qui a polarisé sur elle tous les médias de la planète, notre professeur-président aurait vécu les heures les plus terribles de son existence. Qu’il sache cependant que Coronavirus n’est qu’un répit. La nuit épaisse de la pandémie va bientôt se dissiper ; la belle lumière du soleil, nous révéler au grand jour les mille et une entourloupes que l’on voulait nous cacher. Pris en étau entre la fureur de son peuple et l’œil de plus en plus sourcilleux de la communauté internationale, Alpha Condé est coincé, bel et bien coincé. Rien ni personne ne pourra le sauver : ni ses acolytes de la Françafrique ni sa légendaire fanfaronnade.
D’ores et déjà des voix crédibles ont bravé le confinement général et le silence radio qu’il a généré pour tirer la sonnette d’alarme sur la situation particulièrement explosive de la Guinée. Une plainte a été déposée à la CPI au nom du FNDC par deux grands noms du barreau parisien. Une cellule du Pentagone, le Centre d’Etudes Stratégiques de l’Afrique va jusqu’à dire (je cite) : « …l’heure est grave pour la Guinée ». Fait rarissime quand il s’agit de l’Afrique, du haut de la tribune du Palais Bourbon, un député français a appelé à la libération de Oumar Sylla (Foninké Mengué), notre brave lion du FNDC.
Le problème guinéen est posé dorénavant, bel et bien posé. Alpha Condé ne pourra plus tuer à huis-clos.
Tierno Monénemb, in Le Lynx