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La limitation des mandats n’est ni un artifice juridique ni une coquetterie intellectuelle (Par Tierno Monénembo)

Le bal des caïmans ! C’est à ce magnifique titre du roman du Camerounais, Yodi Karone que j’ai pensé en voyant les déprimantes images de l’investiture de Sa Majesté Alpha III : Alpha 3ème casquette, Alpha 3ème gourdin, Alpha dictature, échelon numéro 3 !

Les mêmes visages, les mêmes boubous,  les mêmes costumes trois-pièces, les mêmes discours insipides ! A croire que rien n’a changé sous nos cieux depuis l’époque sinistre des Sékou Touré, Mobutu, Bokassa, Amine Dada et autres insatiables négro-phages ! A croire que  nos morts sont morts pour rien et que les conférences nationales des années 90 n’étaient jamais qu’un aimable folklore ! A croire que cette pauvre Afrique s’est définitivement engluée dans la vie fangeuse des partis uniques et des présidences à vie !

La limitation des mandats n’est ni un artifice juridique ni une coquetterie intellectuelle. C’est une nécessité qui, d’expérience, s’est imposée d’elle-même. Il nous fallait un verrou, pour limiter voire éradiquer le plus grand mal qui ronge l’Afrique : le pouvoir personnel sans partage, sans contrôle et sans fin. Dans un pays comme le nôtre où les deux premiers présidents ont régné à eux deux seuls un demi-siècle et plus, cette  précaution élémentaire devient une exigence vitale.

Evidemment, il faut un minimum de patriotisme pour comprendre ce genre de chose. Hélas, le patriotisme est une notion complètement étrangère à la horde de  Jivaros qui gouverne notre continent. De sorte que  le verrou de  sécurité a sauté ; de sorte que l’arbitraire n’a plus de limites  et que nous voilà replongés pour de bon dans les méandres du passé avec son lot oppressant de chefs irremplaçables, ces grands amateurs de bauxite et de diamant, de discours haineux et de pendaisons publiques !

La simple vue de ces vieux chevaux de retour que sont Idriss Déby, Desnis Sassou Nguesso, Alpha Condé, Faure Eyadéma, en train de se sourire et de se congratuler m’a foutu dans une déprime sans fond. Une déprime que les nouvelles générations ne peuvent pas comprendre. Nées dans le système démoniaque qui ravage et continue de ravager le continent, elles manquent d’éléments de comparaison.  Nous qui qui avons vu arriver les Indépendances, nous qui avons vu ces fines fleurs éclore une à une, se faner une à une, pourrir une à une pour donner cette Afrique nauséabonde dont plus personne ne veut à part les chercheurs de cobalt et les fossoyeurs, il nous sera très difficile voire impossible de nous départir de la déprime qui nous ronge.

On nous avait promis une Afrique libre indépendante, ruisselante de bonheur matériel et humain, c’est un chiffon de continent qu’ils nous ont donné. Une Afrique putasse !  Une Afrique prostituée,  vendue par ses propres enfants aux sadiques les moins-offrant.

Vous avez parlé d’Indépendance ?

Bof ! Pourvu  que le pétrole coule ! Pourvu qu’au son de leurs lugubres sirènes,  les minéraliers quittent nos ports surchargés de cuivre et de fer, de coltane et de bauxite !

Pourvu que là-bas, à Wall Street, à Paris et à Londres, les titres grossissent !

Pourvu qu’ici, nous clowns aux dents de vampires continuent de s’appeler « responsables suprêmes ou présidents-professeurs » ! Pourvu qu’à défaut de manioc et de riz, le  bon dieu nous donne plein  d’empereurs d’opérette et des maréchaux de pacotille !

 

Tierno Monénembo, in Le Lynx

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