Mamadou Dian Baldé, journaliste éditorialiste a consacré sa chronique de cette semaine à la foire d’empoigne autour du projet de modification constitutionnelle. Avec le silence du président de la République qui devient pesant sur les intentions qu’on lui prête. Notre confrère porte également un regard sur la condamnation de l’ancien Directeur général de l’Office guinéen de publicité (OGP), Paul Moussa Diawara à 5 ans de prison ferme, pour détournement de deniers publics. Et conclut sa chronique par la friction entre Bah Ousmane et le chef de l’État, devenue un secret de polichinelle.
Talibé Barry: Bonjour et bon retour Mamadou Dian. Votre chronique d’aujourd’hui se penche sur l’éventuel projet de nouvelle constitution qui cristallise les tensions dans la cité. Pour vous, le silence du président qui n’a jusque-là pas pipé mot sur la question, relèverait plutôt d’une tactique?
Mamadou Dian Baldé : Alors que l’opposition et la société civile ne cessent de crier au loup, contre une éventuelle modification constitutionnelle, susceptible d’ouvrir un boulevard au chef de l’État, pour une présidence à vie, Alpha Condé continue de garder le silence. Un silence qui se fait pesant, il faut le souligner. Sauf qu’il ne s’agit là ni plus ni moins que d’une tactique. C’est comme si le chef de l’État jouait l’édredon.
Pendant que quitus est donné aux hiérarques du parti d’aller eux, aux charbons. Leur mission, baliser la voie de « l’adhésion » au fameux projet de révision constitutionnelle. Pour faire avaler la pilule aux citoyens, des directeurs de régies financières sont mis à contribution. Et pas des moindres.
Face à une population fortement paupérisée, aucun obstacle ne pourrait, a priori, se dresser sur le chemin des promoteurs de ce projet. Surtout que les caravanes de campagne qui sillonnent la capitale et le pays profond font preuve de « générosité » à l’endroit de la clientèle électorale. C’est comme si Saint Thomas D’Aquin avait vu juste en disant je cite: « il faut un minimum de confort pour pratiquer la vertu ».
Ceux qui ont le pessimisme chevillé au corps diront pour leur part que ledit projet ne passera pas comme lettre à la poste. Quitte au pouvoir de changer de braquet, pendant qu’il est temps.
Les adversaires les plus irréductibles de cette modification de la constitution sont à retrouver dans le camp de l’opposition et de la société civile. Réunis au sein du FNDC (Front national de défense de la constitution), ces « indignés » jurent que le pays ne retombera pas dans les ornières. Ils disent savoir ce qu’en vaut l’aune. Avec le lourd héritage légué par Lansana Conté à la Guinée, après avoir opté pour la présidence à vie.
En attendant de savoir si les promoteurs du projet vont avoir les yeux en face des trous, les tensions elles, se cristallisent de plus en plus dans la cité.
A votre avis, pourquoi il y a tant d’agitation autour de cette velléité de l’exécutif ?
La raison peut s’expliquer par cette soif qu’ont de nombreux guinéens, de voir enfin le changement s’opérer à la tête du pays, au terme du second mandat présidentiel en 2020. Ils pensent bien évidemment que le salut de la Guinée ne peut se trouver que dans l’alternance. Quel que soit le travail abattu par l’actuel président. Car comme on dit « l’alternance nourrit la démocratie ».
Mais à l’allure où vont les choses, le passage de main risque de ne pas se faire par une simple opération du Saint Esprit. Les adeptes de la continuité étant de plus en plus décidés à ferrailler, pour imposer leurs arguments. Quitte à s’enferrer.
Office guinéen de publicité: Dure aura été la chute pour Paul Moussa
Vous étiez déjà sceptique en juin de l’année dernière, suite au limogeage du directeur général de l’OGP pour des soupçons de malversation, quant à la bonne foi du gouvernement dans cette opération de lutte contre la corruption, tant vantée par le Premier ministre. Faut-il y voir un signal fort, maintenant que la justice a scellé son sort, par une condamnation à 5 ans de prison ferme ?
Le procès de Paul Moussa Diawara, ancien Directeur général de l’Office Guinéen de Publicité (OGP) a connu son épilogue avec sa condamnation à 5 ans de prison ferme, lundi. Manifestement, la justice aura eu la main lourde, dans cet imbroglio judiciaire, qui a déchaîné les passions.
Outre cette peine, la justice ordonne également la saisie de ses biens. Son directeur des affaires financières, Inza Bayo est frappé du même sort. On reproche en effet aux deux cadres, d’avoir barboté dans les caisses de l’OGP. En tout, près de 42 milliards manqueraient dans les comptes de la structure.
Dans l’entourage de Paul Moussa Diawara, tourneboulé par ce verdict, on crie à la cabale. Quant à Me Béa, son avocat, il tente de faire pleurer dans les chaumières. Faute d’avoir pu constituer une ligne de défense solide pour démonter les chefs d’accusation portés contre son client.
Dure aura été la chute pour ce cadre qui, dans un passé récent ne se mouchait pas du coude. Il conviendrait de rappeler que la descente aux enfers a commencé pour le président du MPD, quand il a eu dans les pattes, certains apparatchiks du parti au pouvoir, qui ont l’oreille du président.
Au lieu d’obéir à leurs oukases, il s’est cru intouchable, se basant sans doute sur ses liens putatifs avec Alpha Condé. In fine, la tempête a fini par l’emporter, après qu’il se soit raccroché à toutes les branches.
L’opinion demeure cependant largement divisée sur cette condamnation de l’ancien DG de l’OGP. Si certains citoyens voient dans cet épilogue, la volonté de l’exécutif de mettre hors d’état de nuire les grilleurs d’arachide, comme promis par le Premier ministre Kassory Fofana, d’autres considèrent Paul Moussa Diawara, plutôt comme la victime d’une justice du « deux poids, deux mesures. »
Ils en ont pour preuve, le fait que l’ancien Directeur général de l’Office guinéen des chargeurs (OGC), Sékou Camara, se soit tiré d’affaire avec un verdict clément. Après avoir été pourtant jugé pour une malversation financière portant sur 25 milliards de nos francs.
Sans oublier aussi l’ancien Directeur général de la Loterie nationale de guinée (LONAGUI) continue de se la couler douce, tandis qu’il n’a toujours pas justifié l’énorme trou constaté dans les finances de son institution. On le soupçonne d’ailleurs d’avoir mangé la grenouille.
Comme pour dire que le Premier ministre est loin du compte dans sa croisade contre les prévaricateurs.
Bah Ousmane ou la soupe à la grimace
Bah Ousmane, ministre conseiller et allié traditionnel du président Condé menace de quitter le navire. Pour vous, c’est la preuve que « le ménage à trois » entre le chef de l’État, et ses deux ministres, tous deux originaires de la préfecture de Pita n’a pas l’air de bien marcher…
Entre le président de la République et son ministre conseiller Bah Ousmane, il y a friture sur la ligne. C’est même un secret de polichinelle. La pomme de discorde entre les deux personnalités porte en effet sur « l’intrusion » de Mouctar Diallo, ministre de la Jeunesse, sur les plates-bandes du président de l’UPR.
À travers cette initiative de reconnaissance du Foutah à l’endroit du chef de l’État, qui s’est traduite par l’organisation d’un tournoi de football doté d’un trophée dédié au président, dans la préfecture de Pita.
C’est comme si le leader de l’UPR, fidèle allié du Rpg, ne comprenait pas que lui, qui clame avoir haut et fort, d’avoir toujours mis la main dans le cambouis, depuis l’avènement d’Alpha Condé à la magistrature suprême, soit laissé en chemin, au profit d’un allié de « la 25ème heure ».
Concernant cette friction, il faut souligner que c’est Bah Ousmane même qui l’a révélée. Il ne cesse d’ailleurs de faire la soupe à la grimace au président, ces derniers temps.
Allant jusqu’à menacer de jeter l’éponge. Ce qui pour le moment laisserait le locataire du palais Sékhourouréya de marbre. Donnant l’impression que pour Alpha Condé un clou chasse l’autre.Ayant certainement été épaté par Mouctar Diallo qui a su profiter de la brèche ouverte par son homologue des Sports, Sanoussy Bantama Sow. Dont le tournoi de « reconnaissance » organisé à Mamou au mois de mars, n’avait été qu’une porte d’autocélébration. Le bruit court que nulle part les mérites des actes posés par le président n’avaient été exaltés, lors de ce tournoi. Ce qui devait être perçu comme un crime de lèse-majesté.
Le leader des NFD a su donc exploiter cette fenêtre d’opportunité, pour se hisser à l’avant-garde du dispositif mis en œuvre pour gagner les cœurs des habitants de cette région. Dans la perspective des futures échéances électorales.
Du coup, le ménage à trois entre le président, son ministre conseiller et le président des NFD ne pouvait opérer. Pour des questions d’égo, absolument.
Se sentant donc désormais à l’étroit, Bah Ousmane menace de larguer les amarres. Sauf que ses détracteurs qui le qualifient de velléitaire, voient dans cette saillie, juste des paroles en l’air.
Mamadou Dian Baldé
Journaliste Éditorialiste