Toute analyse ou raisonnement de nature à partager la responsabilité des événements en cours entre mouvance et opposition est un jeu d’équilibrisme qui manque de bonne foi. Les réalités en présence ne peuvent plus être analysées comme une simple adversité politique entre deux tendances.
C’est plutôt une situation dans laquelle une mouvance qui gouverne mal se sert des institutions et moyens de l’État (justice, police, administration, finance, média) pour éliminer par la violence et la haine toute forme de contradiction politique ou d’expression de la souffrance sociale.
Nous ne sommes pas dans un schéma d’antagonisme inter ethnique car nul ne peut se prévaloir du mandat d’une ethnie pour gouverner ou réprimer. Il s’agit plutôt d’une complicité entre l’État et le RPG pour semer la terreur afin de dérouler l’agenda politique d’un clan cynique et affairiste. C’est pourquoi, il est nécessaire de faire la part des choses et condamner cet état de fait au lieu de se cacher derrière une fausse neutralité avec des arguments du genre “tout le monde a tort ou tout le monde est coupable”.
D’ailleurs, c’est ce que nous avons toujours fait. Et cela nous vaut près de 60 ans de retard car notre pays s’est construit sur le mensonge d’État, la mauvaise foi des dirigeants et l’hypocrisie des intellectuels. En Guinée, c’est l’Etat qui, par les actes de ses représentants, symbolise le mensonge, la violence, l’injustice, le vol, la criminalité, etc.
Peut-on reprocher à l’opposition d’utiliser le droit que lui confère la constitution de s’exprimer par les manifestations de rue ? Lui appartient-il la responsabilité d’assurer la sécurité de ces manifestations ? Des militants qui répondent à un appel à la manifestation, méritent-ils d’être tués pour cela ? À l’hypothèse que ces militants soient violents par endroits, le rôle des agents des forces de l’ordre ne se limite-t-il pas à leur arrestation et leur mise à la disposition de la justice ? Est-ce normal de mourir par balles pour avoir exprimé un désaccord ?
Alors il y a des moments dans la vie d’une société où une position médiane devient plus dangereuse que celle tenue par le camp des criminels. C’est pourquoi, réduire cette barbarie d’État à une histoire d’opposition et mouvance serait rendre un mauvais service à la Guinée car le devoir de vérité et d’objectivité incombe à chaque citoyen quelques soient sa position, sa profession et son rang social.
Enfin, notre pays se déshumanise progressivement par le fait du silence complice, de l’indifférence coupable et des prises de positions hypocrites de ceux qui devraient avoir le courage de dire les choses telles qu’elles sont. Et il ne pourra aller de l’avant que lorsqu’on aura l’audace et la responsabilité de dire la vérité, sanctionner les coupables, réhabiliter les victimes et récompenser le mérite. Nous pouvons accepter de tout perdre. Mais qu’il nous reste au moins notre honneur, notre humanisme et notre conscience.
Aliou BAH
Citoyen de la République