Le 6 août 2020, Alassane Ouattara a annoncé lors d’un discours à la nation sa décision de concourir à un troisième mandat présidentiel en octobre prochain. Le même jour, à Conakry, le parti au pouvoir, le RPG-Arc en Ciel, a désigné le président sortant Alpha Condé comme candidat à l’élection d’octobre prochain, briguant ainsi lui aussi un troisième mandat.
Ces deux présidents – âgés respectivement de 78 ans et 82 ans alors que la majorité de la population de ces pays a moins de 18 ans – ont modifié la Constitution cette année et désirent malgré la désapprobation d’une grande partie de l’opinion nationale et internationale se maintenir au pouvoir.
Le chef de l’État ivoirien a pris cette décision au mépris de la Constitution que lui-même a fait modifier, dont les articles 55 et 183[1] montrent à suffisance que le Président de la République ne peut exercer plus de deux mandats et que la modification constitutionnelle de 2020 ne remet pas les compteurs à zéro.
Malgré la répression féroce qui s’est abattue sur les manifestants du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), collectif de partis d’oppositions et d’organisations de la société civile, le Président Condé a obtenu une remise à zéro du nombre de mandats présidentiels dont la limite est bien inscrite dans la constitution (art. 27)[2], grâce au référendum constitutionnel organisé en pleine épidémie du COVID-19.
En voulant priver leurs peuples de toute possibilité d’alternance démocratique et pacifique, Alassane Ouattara et Alpha Condé commettent un coup d’État. Le coup d’État contre la Constitution a la violence d’un coup d’État militaire : il confisque non seulement le pouvoir, mais aussi les institutions censées le limiter. Il doit être condamné et traité avec la même fermeté.
Ces coups d’Etat constitutionnels s’attaquent aussi aux instruments régionaux et sous-régionaux de promotion de la démocratie. Ils violent la Charte de la démocratie de l’Union africaine, qui prohibe « toute révision des Constitutions qui porte atteinte aux principes de l’alternance démocratique » (article 23) mais aussi l’article 1 du Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance de la CEDEAO[3].
Tournons La Page (TLP) recommande à l’Union africaine, à la CEDEAO à l’Union Européenne et à leurs Etats membres de :
- Condamner les tentatives de « coups d’Etat constitutionnels ». Adopter des positions fortes y compris aux Nations Unies
- Organiser dans les plus brefs délais un sommet extraordinaire de la CEDEAO visant à trouver une solution respectueuse de la Constitution dans ces deux pays.
- Sanctionner les responsables du gouvernement guinéen, les membres du parti au pouvoir et leurs alliés en établissant des listes nominatives des responsables impliqués dans la répression ayant précédé le référendum de mars 2020 : gel et surveillance de leurs avoirs à l’étranger ; interdiction de visa ; annulation des titres de séjour…
- Protéger les acteurs politiques réclamant la démocratie ainsi que les acteurs de la société civile et les défenseurs des droits humains.
[1] « Article 55 : Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Il n’est rééligible qu’une fois. » Et « Article 183 : La législation actuellement en vigueur en Côte d’Ivoire reste applicable, sauf l’intervention de textes nouveaux, en ce qu’elle n’a rien de contraire à la présente Constitution. »
[2] Article 27 : « Le président de la République est élu au suffrage universel direct. La durée de son mandat est de cinq ans, renouvelable une fois. En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels, consécutifs ou non. »
[3] Article 1 alinéa c : « Tout changement anti-constitutionnel est interdit de même que tout mode non démocratique d’accession ou de maintien au pouvoir. »