En arrivant au pouvoir il y a deux ans au Liberia, l’ancienne star du football international George Weah avait suscité d’immenses espoirs aujourd’hui déçus dans un pays ravagé par des années de guerres civiles et le virus Ebola, qui reste miné par la pauvreté.
Le corps ruisselant de sueur, Dominic Kpadeh, 45 ans, casse des pierres dans la banlieue de Monrovia. “Je fais ça pour nourrir la famille”, dit ce père de quatre enfants, plié en deux par l’effort.
Avant, son travail pour l’industrie du bâtiment lui rapportait 1.000 dollars (900 euros) par mois, à partager avec plusieurs ouvriers travaillant avec lui. Maintenant, dit-il, ils peuvent s’estimer heureux quand ils en touchent 250 (225 euros).
“Les gens ne font plus construire comme avant. Même ceux qui viennent acheter de la pierre concassée la veulent pour pas cher”, se désole-t-il.
Une complainte répandue au Liberia, petite république d’Afrique de l’Ouest, où l’inflation et les maux économiques attisent le dépit envers George Weah.
L’ancienne star du foot de l’AC Milan et du PSG a accédé à la présidence le 22 janvier 2018 en promettant de créer des emplois et d’investir dans l’éducation. De nombreux pauvres adulaient l’ancien gamin des bidonvilles devenu vedette planétaire, puis chef d’État.
Au cours de ces deux années, M. Weah a lancé des chantiers routiers et aboli les frais pour les premières années d’université. Mais sa conduite des affaires et son action économique sont sérieusement remises en cause.
Une inflation à environ 30% érode le pouvoir d’achat. Les fonctionnaires ne sont pas payés régulièrement. Avec la crise des liquidités, les titulaires de comptes bancaires peuvent repartir des distributeurs sans avoir pu toucher à leur argent.
– Héritage –
Environ la moitié des 4,8 millions de Libériens vivent avec moins de 1,90 dollar (1,69 euro) par jour, selon des chiffres de la Banque mondiale.
Il reste “beaucoup de travail”, concédait M. Weah à l’occasion du Nouvel, mais, ajoutait-il, “j’ai confiance, 2020 sera une année de rétablissement économique”.
M. Weah “a hérité d’une économie en ruines”, dit à l’AFP son porte-parole, Solo Kelgbeh, “mais il fait tout pour (la) ressusciter”.
Seul Ballon d’or africain, en 1995, George Weah a pris ses fonctions de président dans un pays peinant à se remettre de guerres civiles qui ont fait 250.000 morts de 1989 à 2003, après des années de mauvaise gestion. Plus de 4.800 Libériens sont morts entre 2014 et 2016 de la fièvre Ebola.
Par un “effet pervers”, après l’épidémie d’Ebola, le pays a perdu une source majeure de revenus avec la fin de l’aide extérieure, ce qui a favorisé l’inflation, dit le représentant local du Fonds monétaire international (FMI), Geoffrey Oestreicher.
Il note les efforts du gouvernement. Mais “ce sont les pauvres qui souffrent”.
Les Nations unies étaient le deuxième employeur du Liberia et, avec le départ des humanitaires, il a fallu “piocher dans les caisses pour mener à bien des choses qui n’étaient pas budgétées, des choses que la communauté internationale n’avaient pas faites, c’est un énorme fardeau financier”, dit le porte-parole du président.
Les interrogations se font jour. Avec la politique, l’ancien crac évolue-t-il sur un terrain pas fait pour lui? On le lui avait déjà reproché en 2005, quand celui qui avait décroché au lycée avait concouru à la présidentielle.
– Décisif devant les buts ? –
Il a depuis passé un diplôme universitaire.
Pour la troisième fois en moins d’un an, un collectif composé d’associations de la société civile, le Conseil des Patriotes, a fait descendre les Libériens dans la rue le 6 janvier pour de meilleures conditions de vie.
La police a dispersé les manifestants par la force. Les autorités ont fait fermer en octobre la radio de l’une des figures du collectif, l’animateur Henry Costa, virulent détracteur de M. Weah. Inquiété sur la validité de ses documents de voyage, M. Costa a quitté cette semaine le Liberia en catimini.
“Ces deux années de George Weah ont été un échec complet”, dit l’un des co-présidents du collectif, Mo Alie.
La présidence Weah a dû faire face à une sombre affaire de corruption présumée à la Banque centrale et, récemment, déçu les victimes des guerres civiles en paraissant freiner la création d’un tribunal pour crimes de guerre.
“Ma mère a été violée en ma présence et l’agresseur est toujours dans les parages”, se désole Martha Selewon, 40 ans. M. Weah a contribué au trouble en déclarant avoir entamé des consultations sur le sujet, mais ne pas comprendre les appels à l’instauration d’un tel tribunal des années après les faits.
L’ancien puissant attaquant conserve toutefois des supporteurs parmi les pauvres.
Makagbeh Kanneh, 35 ans, admet que le prix de son repas quotidien a doublé. Mais “je pense que nous devrions donner sa chance au président”. “Comme quand il était joueur, il marquera le but de la qualification à la dernière minute”, assure James Forkpah, membre du parti du président.