Mamadou Sow sous OQTF conteste le refus de la préfecture du Rhône de lui délivrer un titre de séjour. Une audience avait lieu ce vendredi 11 octobre devant le tribunal administratif de Lyon. « J’ai fait mes études, je travaille, j’ai ma famille en France », menacé par une OQTF, l’avenir de Mamadou Sow se joue au tribunal administratif
Mamadou Sow a construit sa vie en France. C’est une audience cruciale qui s’est déroulée devant le tribunal administratif de Lyon ce vendredi 11 octobre. Aujourd’hui, il demande à pouvoir poursuivre sa vie en France et conteste le refus d’un titre de séjour.
Ce jeune guinéen de 25 ans a écrit un livre sur son parcours migratoire avec Azouz Begag, « Né pour partir ». Mais Mamadou Sow est sous le coup d’une OQTF depuis le refus de la préfecture du Rhône de lui délivrer un titre de séjour. La décision des autorités est tombée en avril dernier. Ce vendredi 11 octobre, au tribunal administratif, il sait que son avenir en France se joue dans ce lieu.
Intégration et vie de famille
Mamadou Sow est arrivé en France en 2016 et depuis cette date, sa vie a beaucoup changé. Le jeune homme s’est installé à Lyon. Le Guinéen, qui a fait des études, travaille : il est aujourd’hui employé comme ouvrier manutentionnaire et vient de signer un contrat d’apprentissage, a indiqué son avocat Me Jean-Philippe Petit. Un parcours d’intégration qu’il met en avant et qui joue en sa faveur.
Maintenant ma vie familiale est ici. Ça fait bientôt 10 ans que je suis parti de chez moi. Ça fait huit ans que je suis arrivé en France. Mamadou Sow co-auteur de « Né pour partir »
« Je suis intégré, j’ai fait mon CAP ici, mon Bac Pro ici. Aujourd’hui, je suis en bac +2. En plus, j’ai des attaches familiales, contrairement à ce qu’a dit la préfecture », affirme le jeune homme. Mamadou Sow est en effet devenu père de famille. « J’ai une petite fille et j’ai ma compagne qui a le statut de réfugiée politique. Ma petite fille s’appelle Fatimatou et le 13 octobre, elle aura deux mois. Ma vie familiale est ici ! » Pour son avocat, Mamadou Sow a « tous les feux verts en termes d’intégration ». Malgré son stress qu’il tente de dissimuler, le jeune Guinéen s’est dit « serein » ce matin au tribunal, confiant en la justice.
Odyssée
Son chemin d’exil, il le raconte dans un livre écrit à quatre mains avec l’écrivain Azouz Begag, l’auteur du « Gone du Chaâaba ». Le récit autobiographique de Mamadou est paru en septembre 2023. Dans « Né pour partir », il fait le récit d’un parcours migratoire de 10 000 kilomètres. Son périple a conduit ce mineur isolé sur des routes extrêmement dangereuses à travers le Mali, l’Algérie et enfin la Libye où il a connu l’enfer de Zitan et de Sabratha. Alors qu’il tente de se rendre en Europe, l’adolescent est secouru en mer avec 120 autres migrants et rejoint les côtes italiennes. Après son passage dans un camp de migrants de Brindisi, dans le sud de l’Italie, il remonte le pays pour se rendre à Milan. C’est de cette ville qu’il prend la route pour la France. Mamadou Sow parvient à traverser la frontière et arrive à Toulon le 28 décembre 2016.
« Vertus pédagogiques »
Me Jean-Philippe Petit demande au tribunal de ne pas renvoyer en Guinée l’autre « Gone » de Lyon. Lors du dépôt de sa demande de titre de séjour, Mamadou Sow, accompagné d’Azouz Begag, avait joint un exemplaire de son autobiographie à son dossier. Sans écho.
« Tout le monde est extrêmement surpris et même scandalisé par un comportement qui ne prend absolument pas en compte, non seulement, ce livre, mais aussi les vertus pédagogiques essentielles de cet ouvrage. Les retentissements sont extrêmement favorables : des rencontres dans les salons littéraires, des rencontres auprès de publics scolaires, des collégiens, des professeurs de français qui font étudier ce livre en classe de 4ᵉ et de 3ᵉ ». Le jeune écrivain a même régulièrement témoigné devant des jeunes collégiens et lycéens. Il participe souvent à des tables rondes.
C’est un témoignage essentiel pour les générations futures, mais aussi pour nous, pour éviter une banalisation de tous ces parcours, ces périples désastreux avec parfois des rescapés. Parmi ces rescapés, il y a Mamadou Sow qui est écrivain. C’est incompréhensible : ce livre n’est absolument pas pris en compte dans la décision de refus de séjour. Il est simplement indiqué : « monsieur indique avoir coécrit un livre ».
Bientôt invité en Allemagne, Mamadou espère d’ailleurs que sa situation administrative sera rapidement régularisée. « Le livre a été sélectionné pour le prix des lycéens en Allemagne. Normalement, en novembre, je devrais aller rencontrer ces lycéens avec Azouz Begag mais fort malheureusement, je ne peux pas me déplacer parce que je n’ai pas de titre de séjour », explique-t-il.
Le jeune homme espère poursuivre sa vie en France, « sans la peur d’un renvoi en Guinée ». « La préfecture est peut-être en train de construire le deuxième tome : parti pour rester. Nous l’espérons en tout cas », a conclu Me Petit, avec humour. Le jugement a été mis en délibéré.
Avec France 3