Suivant les communiqués de presse de fin d’une mission récente de très courte durée des services du Fonds Monétaire International (FMI), l’économie guinéenne se porte bien malgré l’avènement de la Covid-19.
Selon le Fonds Monétaire, la Guinée a réalisé une croissance de 6% en 2019 et cela en dépit de la contraction de l’activité économique. Cette croissance serait soutenue uniquement par le secteur minier qu’il a d’ailleurs qualifié de dynamique. Force est de reconnaitre que cette performance de l’économie guinéenne est à saluer car, l’on revient de loin.
Une croissance économique sans prospérité
Toutefois, en ma qualité d’économiste, je pense que nous ne devons pas du tout nous réjouir d’une croissance économique tirée uniquement par le secteur minier car, elle est non seulement appauvrissante mais aussi et surtout, nous n’avons aucun contrôle sur l’évolution du prix de ces matières premières. Ceci pourrait expliquer en partie la chute drastique de la croissance économique de notre pays pendant les périodes de baisse des cours de ces matières premières que nous exportons.
Pour pallier à ces imprévus, je préconise une transformation structurelle de notre économie. Cette mesure permettra à moyen et à long termes d’augmenter la résilience économique et sociale de la population guinéenne, tant du côté de la demande que de l’offre et offrir ainsi au peuple de Guinée les meilleures opportunités en matière de santé, d’éducation, de formation mais aussi et surtout créer des opportunités d’emplois notamment pour les jeunes en quête d’un travail rémunéré.
De plus, même si cette croissance économique semble un peu élevée aux yeux de certains observateurs, il convient cependant de souligner qu’elle est à forte intensité capitalistique et non de main d’œuvre. De même, cette même croissance n’est en aucun cas rédistributive compte tenu de la faiblesse du taux de pression fiscale qui tournait autour de 15% en 2019 contre 35% pour la Tunisie et plus de 60% au cours de la même année pour certains pays à revenus intermédiaire et élevé. Ce qui signifie que la richesse crée par l’Etat guinéen ne retourne pas à son niveau pour lui permettre de faire face au financement des projets de développement économique et social.
Relation FMI-Guinée et ses impacts nocifs
Depuis le début des années 80, la Guinée à l’image de la plupart des pays africains est sous-programme avec le Fonds Monétaire International (FMI). Ce qui fait pratiquement quatre décennies d’ajustement et de réajustement durant lesquelles la situation économique de notre pays va de mal en pire.
A titre de rappel, la Guinée a entamé ce processus en 1986 avec un programme de politique économique orienté principalement vers la libéralisation de l’économie et le rétablissement des équilibres macroéconomiques perdus.
A l’heure du bilan, force est de reconnaître que la mise en œuvre de ces différents programmes n’a pas permis d’atteindre tous les résultats escomptés. Pendant ce temps nos dirigeants qui se sont succédé à la tête de notre pays ont mis tout en œuvre pour maintenir les bonnes relations avec le FMI pour ne tirer que de la pauvreté, la famine, la misère, l’insécurité et tant d’autres maux qui gangrènent notre chère Guinée que nous nous réservons de citer.
Cette même situation de la Guinée découle de celle africaine car, après toutes ces années de programmes avec le FMI, il n’y a qu’un seul pays africain qui a vu enfin le bout du tunnel pour hisser en haut et espérer un jour se développer. C’est ce qui pousse certains observateurs à affirmer sans risque de se tromper sur le cas spécifique de l’Afrique que c’est deux choses l’une : soit le malade souffre d’un mal incurable, soit le médecin est atteint d’une incompétence immensurable. C’est pourquoi, je m’interroge sur la nécessité du maintien de la relation entre la Guinée et le FMI.
Quelques constats de la réalité guinéenne après tant d’année de programmes avec le FMI
Après 40 années de programmes avec le FMI, la Guinée reste parmi les pays les plus pauvres de la planète. Classée en 2016 183ème sur 188 pays au compte de l’Indice du Développement Humain (IDH). Elle a perdu 12 places par rapport au classement 2010 où elle était 176ème. Pendant ce temps, ses voisins les plus proches connaissent un meilleur sort : le Sénégal (162ème) et la Côte d’Ivoire (171ème). De même, Tranparency International le classe au 148ème sur 180 pays dans le monde et 31 sur 49 en Afrique.
Au plan social, il apparaît une pauvreté grandissante, avec plus 60,7% de la population guinéenne notamment les femmes et les enfants sont frappés par la pauvreté multidimensionnelles (cf. RGPH 2016) et près de 70 % de cette population n’a pas accès à l’eau potable et à l’électricité.
Aux dernières évaluations, le taux de mortalité infantile de la Guinée tourne au tour de 56% selon la Banque mondiale. De plus, nous restons parmi les pays les plus pauvres de la planète et de surcroit, elle fait partie des 48 Pays les Moins Avancés (PMA) avec un revenu par tête inférieur à US $ 5000 par an etc.
Rôle et responsabilité de nos différents dirigeants
Le FMI n’est pas forcément responsable de tous les maux dont souffre notre pays. Toutefois, elle a sa part de responsabilité dans la situation actuelle de la Guinée à cause des différents programmes d’austérité qu’elle a appliqués sur notre pays avec la complicité active de nos autorités politiques.
En contemplant la liste des maux qui ont et continuent encore de miner notre économie dont entre autres : la corruption systémique, insécurité, le régionalisme, le tribalisme bref l’effritement des valeurs morales et sociétales couplé de l’absence de vision sur une longue période, il est clair que nous avons du chemin à parcourir.
C’est pour cela nous pensons à l’image d’Alpha Blondy dans sa phrase fétiche que l’ennemi de la Guinée n’est ni le FMI, ni la Banque Mondiale, encore moins des institutions dans lesquelles elle a librement adhéré, mais plutôt le guinéen.
C’est nous les guinéens qui avons plutôt tourné le dos au développement économique de notre pays au nom de je ne sais quoi d’autre. Nous devons donc l’assumer, sans chercher à faire supporter la charge aux autres.
Conclusion
Je ne saurai terminer cette petite analyse sans pour autant souligner ici que le développement est un concept profondément endogène qui est exclusivement basé sur la volonté politique. Aucun pays ne peut prétendre se développer tout se targuant de confier cette responsabilité à des partenaires au développement, encore moins aux pays frères et amis. Ce qui veut dire simplement que le développement de la Guinée ne sera effectif qu’au jour où nous réaliserons que cette tâche noble nous revient de plein droit et ceci dans le cadre du dispositif institutionnel et réglementaire déjà mis en place.
C’est pourquoi, nous avons besoin de nous projeter dans le futur avec une vision à long terme des transformations conjoncturelle mais aussi structurelle de notre pays afin de faire sorte que cette prospérité soit partagée par tous les dignes fils de cette nation. A mon humble avis, ceci ne sera possible qu’en nous mettant au travail dès maintenant par labeur et la rigueur.
A mon humble avis, il ne sert à rien de maintenir les programmes avec le FMI et ses conditionnalités qui pour la plupart des cas ne sont pas en phases avec les réalités socio-économiques de notre pays, car ils ne sont basés que l’embellissement de l’état santé de notre économie par des indicateurs macroéconomiques à l’aide des chiffres qui sont parfois biaisés.
Enfin, les autorités guinéennes doivent être de nos jours en mesure de concevoir des plans pluriannuels de développement en fonction des spécificités de notre économie et du comportement de l’homo économicus guinéen. Ces plans devront non seulement répondre aux besoins croissants de la population en termes d’emplois décents et d’amélioration de son bien-être mais aussi et surtout s’éloigner de ces politiques qui avaient été jusque-là conçues à des milliers de kilomètres de notre pays et qui n’ont engendré que malheur et souffrances aux guinéens.
Safayiou DIALLO
Analyste Economique