Le premier ministre doit se rendre à Dakar dimanche et lundi, accompagné d’une vaste délégation, dont le chef de la diplomatie et la ministre des armées.
« Notre relation est singulière. » Ainsi s’exprimait, à propos du Sénégal, le premier ministre français Edouard Philippe dans une interview publiée vendredi 15 novembre par le quotidien sénégalais Le Soleil. Le format de la visite qui doit le conduire, dimanche et lundi, à Dakar, à l’invitation du président Macky Sall, ne saurait lui donner tort. Pour ce déplacement de quarante-huit heures sont associés pas moins de six membres du gouvernement français – dont le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, et la ministre des armées, Florence Parly – ainsi qu’une délégation d’une trentaine de personnes comprenant des parlementaires, des chefs d’entreprise et des institutionnels.
Cette « relation singulière » s’éprouve d’abord dans un contexte sécuritaire chargé pour la région, alors que la menace terroriste partie du Mali grandit, a atteint le Burkina Faso et descend vers le sud, notamment vers les Etats côtiers qui bordent le golfe de Guinée (Togo, Bénin, Côte d’Ivoire, Ghana). Le sujet sera au centre de la visite de M. Philippe qui doit ouvrir, lundi, le Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique.
« La force des liens »
Le Sénégal demeure jusqu’ici épargné par ces troubles. Pour autant, le pays est impliqué à plusieurs titres dans le dispositif sécuritaire qui maille la région. Il participe à la Mission de stabilisation des Nations unies au Mali (Minusma), au sein de laquelle ses bataillons sont jugés mieux formés et plus efficaces que beaucoup d’autres. Il est aussi membre de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), laquelle a signalé lors d’un sommet en septembre vouloir se mobiliser davantage face à l’extension de la menace.
Dakar, enfin, a vocation à faire partie du « Partenariat pour la sécurité et la stabilité pour le Sahel » dont la création a été annoncée, en août, au G7 de Biarritz, par Emmanuel Macron et la chancelière allemande Angela Merkel. Ce « P3S », dont le contenu doit encore être précisé, est censé venir en appui du G5 Sahel, groupe de coopération militaire et de développement qui rassemble la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad.
« Le Sénégal joue un rôle très important de cœur de réseau des politiques de défense et de sécurité dans la région », souligne-t-on à Matignon. « Le seul fait que le pays dispose de forces armées solides en fait un pôle de stabilité extrêmement important », poursuit-on dans l’entourage du premier ministre, où l’on insiste encore sur « la force des liens » entre la France et le Sénégal, notamment en termes de coopération militaire.
Lundi, avant d’aller assister à une démonstration des forces spéciales sénégalaises, Edouard Philippe a prévu de déjeuner avec des militaires des « éléments français au Sénégal », ces troupes basées à Dakar et capables d’intervenir en renfort de l’opération « Barkhane », déployée au Sahel depuis 2014.
« Pression migratoire élevée »
Mais l’agenda du premier ministre n’est pas uniquement sécuritaire et militaire. Le séminaire intergouvernemental de dimanche prévoit aussi d’aborder les sujets de coopération économique avec un pays dont la France est le premier partenaire commercial, le premier investisseur et le premier bailleur. Il portera également sur la thématique plus sensible de l’immigration.
Dans son interview au Soleil, Edouard Philippe s’est engagé à réduire de moitié les délais de traitement des demandes de visa, et ce dès 2020. Soucieux de démontrer que Paris est disposé à favoriser l’immigration légale, Matignon indique que 12 500 jeunes Sénégalais étudient aujourd’hui en France, ce qui représente 65 % des étudiants sénégalais à l’étranger. Les admissions dans l’enseignement supérieur ont enregistré une hausse de 7 % pour la rentrée 2019, en dépit de l’augmentation des frais d’inscription pour les étudiants étrangers.
Mais, sur le volet de l’immigration irrégulière, « la pression venant du Sénégal reste élevée », poursuit-on à Matignon. Le pays demeure au quinzième rang des nationalités interpellées, sur les neuf premiers mois de 2019. Et Paris dit observer une forte hausse des demandes d’asile, alors que le Sénégal est considéré par les autorités françaises comme un « pays sûr ».
Les filières d’immigration illégale, la fraude, les trafics « de toute nature » font partie des sujets mis sur la table. « Le Sénégal est un pays de départ, mais aussi un pays de transit, insiste-t-on dans l’entourage du chef du gouvernement. On a un intérêt réciproque à travailler ensemble sur ces questions. » De quoi augurer des échanges nourris avec les autorités de ce pays, « le seul au sud du Sahara, a tenu à souligner M. Philippe, avec lequel nous avons ce type d’exercice » interministériel.
Avec LeMonde